Salauds de pauvres

Certains responsables politiques rejouent la vieille rengaine de l’assistanat tout en défendant un récit ultra-libéral. Entre fantasmes sociaux, mépris assumé et offensive idéologique, bienvenue dans une France où l’on préfère accuser les plus précaires plutôt que remettre en cause un système qui les fabrique.

Image d’archives


Par Fabrice Simoes.


« On devrait toujours gagner plus en travaillant qu’en ne travaillant pas. Sans exception… » Haro sur ces salauds de pauvres qui profitent des carences du système pour se gausser sans en foutre une rame. A priori, la réflexion peut paraître frappée du sceau du bon sens, sauf que… Outre que cette allégation est fausse, c’est aussi une remise en cause de notre société même. Dans un contexte du « tout pour ma gueule », envisager de réduire les dépenses publiques peut sembler une bonne idée… Le faire sur le dos des plus pauvres est une approche pernicieuse. Surtout quand la démarche s’appuie sur des idées fausses.

À l’échelle européenne, notre système social n’est pas si généreux que cela. Il n’est surtout pas aussi incitatif qu’on le dit à la fainéantise et paresse. Les profiteurs, le cul vissé devant la télé, c’est pas grâce aux allocs. Que nenni. D’ailleurs, dans tous les cas de figure, un allocataire du RSA n’égalera, et encore moins ne dépassera, un salarié au SMIC. Pourtant, Loïc Kervran, le député Horizons de la 3e circonscription du Cher, très présent sur les réseaux sociaux, s’est bien fendu de ce commentaire, dans la foulée d’une déclaration du Premier ministre Sébastien Lecornu. Une formulation digne des meilleures punchlines usitées par la droite de la droite depuis plusieurs années.

De Warren Buffett à Pascal Praud

Par contre, en affichant un linéaire ultra-libéral, nos politiques estiment que réduire les inégalités inclut le nivellement par le bas. Envisager des économies de bouts de chandelles sur l’épargne populaire ou sur les arrêts de travail et vociférer contre une possible taxe Zucman, même allégée, démontre ainsi un dévoiement du capitalisme poussé à son extrême. Warren Buffett affirmait, voilà vingt ans : « Il y a une lutte des classes, bien sûr, mais c’est ma classe, celle des riches, qui fait la guerre. Et nous gagnons. » Une victoire assumée déjà. Une victoire confirmée par ceux qui « croivent » pouvoir tirer des marrons du feu.

Nos élites politiques ont bien compris que c’était là que se trouvait leur destin, et avec eux celui de la cohorte de suiveurs-visionnaires. Tranquillement, insidieusement, ils ont redistribué les cartes. Désormais, aux hommes de valeurs reconnues, le pognon – moins du milliard s’abstenir – et à la base reconstituée, populace plutôt que peuple, le retour à une vie plus précaire. Une idéologie distillée à partir de fausses nouvelles, démenties le lendemain, par Cyril Hanouna, de beaufitude assumée des Marseillais à Lille, chez Maurice, de savants calculs façon Koh-Lanta, ou de coups de gueule orientés et sponsorisés à la Pascal Praud. Une forme de dictature de l’esprit, servie par des équipes de jeunes branle-bouilles à peine sevrés, pour écrire le paradigme de demain. En quelques années une véritable redéfinition des limites de la société a été actée. Elle a redonné force et courage aux riches, et redonné vie à une caste bourgeoise, disparue dans les années 1970, aux dépens de cette classe moyenne rattrapée par des prolos à peine émancipés financièrement.

Modélisation accélérée d’un nouveau monde

En 2019, l’homme lige du gouvernement et Premier ministre d’alors, actuel futur candidat à la présidence, et chef de file d’Horizons, Édouard Philippe, s’affranchissait de toute indécence pour citer Friedrich Hayek, ultralibéral au possible. Il anticipait déjà cet abêtissement généralisé avec une certaine décontraction. « Personnellement je préfère un dictateur libéral plutôt qu’un gouvernement démocratique manquant de libéralisme », expliquait le prix Nobel d’économie 1974. Implicitement, dans l’esprit de nos gouvernants, la justice sociale, ce n’est pas pour demain… Par contre pour la dictature, rien n’est totalement clair maintenant que l’ex-FN devenu RN est simplement de droite tandis que la France Insoumise est qualifiée d’extrême gauche.

Au moment de déclarer ouverte la période Mariah Carey et du « All I want for Christmas is you », le monde nouveau est déjà là ! Un monde où les pauvres peuvent crever… et entre eux si possible.


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Commentaires

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  1. Pour moi, les vrais assistés de la République sont les politiques.
    Voir monsieur Larcher qui se vante de faire 2 déjeuners par jour et ce aux frais du contribuable quand certains francais, eux, sont obligés de sauter des repas.

  2. Un texte justement sur Hayek et les ravages de sa pensée
    AU NOM DE LA SCIENCE, « THERE IS NO ALTERNATIVES »

    Friedrich Von Hayek, psychologue et économiste viennois, a été l’un des principaux penseurs et chef de file du néo-libéralisme au siècle dernier. On peut dire aujourd’hui que c’est l’idéologue du néolibéralisme. Il développe dans l’épilogue de ses trois derniers ouvrages (1980), qui représente la synthèse de ses travaux, les fondements de « l’ordre politique d’un peuple libre » . Tout un programme qui de fait, se déroule sous nos yeux

    Influence politique

    Thatcher a été très influencé par ses théories, et la grande Bretagne sera un terrain de mise en pratique de sa pensée. Ce qui a eu des effets considérables sur l’idéologie qui sous tend la construction européenne, aidé en cela par les ordolibéraux allemands ( un courant très proche idéologiquement du néolibéralisme) dont Von Eucken en fut l’un des chefs de file ( l’ordo-libéralisme allemand figure au travers des termes « une économie sociale de marché hautementcompétitive » dans le traité de Lisbonne ), Wilhelm Röpke est l’auteur de cette phrase. Hayek remplacera Von Eucken à sa mort, à l’université de Fribourg . Hayek sera également prix Nobel d’économie en 1974.

    Le président Reagan ne sera pas en reste et son administration fera la part belle aux « hayékiens »

    La Grande Bretagne par l’intermédiaire de Francis Arthur Cocfield commissaire anglais chargé du commerce et vice-président a maîtrisée la rédaction du livre blanc, devenu l’acte unique européen en février 1986, Jacques Delors président de la commission européenne a mis tout cela en musique.

    Churchill, Thatcher, Pinochet, Reagan, Raymond Barre qui l’a traduit en France, Michel Rocard et Jacques Delors ont également impulsé la diffusion et la traduction de ses ouvrages . Stephen Harper premier ministre canadien père politique du CETA et bien d’autres se sont revendiqués de sa pensée, et ont largement diffusé son idéologie. Même Edouard Philippe y a fait référence dans l’un de ses discours

    Hayek a été membre une partie de sa vie, de l’école de Chicago (où Friedman le monétariste du vivant comme je l’appelle) exerçait en qualité de professeur de sciences sociales et morales . Ses recherches en ce domaine le conduisent a élaborer une nouvelle théorie « scientifique » que l’on pourrait inclure dans le champ du connexionisme . L’ouvrage « Deep earnings, le néolibéralisme au cœur des réseaux de neurones » sorti en avril 2021 éclaire la pensée neuronale d’Hayek. Dans l’ordre spontané que soutient Hayeck, les hommes sont structurés par le marché. Ses travaux sur le connexionisme ont servis à Frank Rosenblatt pour découvrir les algorithmes .

    Il cofonde la société du Mont Pellerin en 1947, financée par les fondations des multinationales, structurée à un niveau mondial (think tank international) dont il assure longtemps la présidence et y exerce une importante influence

    Management Peter Drucker viennois , très proche d’Hayek et qui se réfère à sa pensée, est devenu le « pape » du management aux USA. Il remplacera en Allemagne Reinhard Höhn ( chef de file du management allemand d’après guerre) rattrapé par son passé de général ss . Ce général a formé des centaines de milliers de cadre des entreprises, administration et de l’armée allemande à un management basé sur l’organisation de l’armée prussienne ( libre d’obéir de Johan Chapoutot historien) « Accessoirement » ce fut un idéologue de l’organisation nazie protégé d’Himmler

    Hayek soutiendra différents dogmes : maintien d’un « ordre spontané », concurrence libre et non faussée, suprématie du marché qui structure les hommes (qui sont perçus comme des hommes neuronaux) et il accorde une grande importance aux contrats .

    Dans l’épilogue « l’ordre politique d’un peuple libre » de ses derniers ouvrages « Droit, législation et liberté », il écrit ” La culture n’est ni naturelle, ni artificielle, elle n’est ni transmise génétiquement ni rationnellement élaborée. Elle est transmission de règles de conduites apprises, qui n’ont jamais été inventées et dont la fonction reste habituellement incomprise des individus qui agissent”. “C’est cette évolution culturelle que seul l’homme a subie” qui le différencie des animaux. Hayek introduit ainsi l’évolution par sélection des règles et pratiques concomitante à l’évolution biologique de l’homme. Le raisonnement n’existe pas, l’homme n’est pas un sujet, c’est un ensemble de neurones.

    Il s’inspire tout comme l’école autrichienne d’économie , d’ Herbert Spencer sociologue, philosophe et psychologue anglais qui est le fondateur de la théorie organiciste. Spencer est l’auteur de l’expression « survie des plus aptes ».

    Hayek écrit : “L’esprit est enrobé dans une structure traditionnelle et impersonnelle de règles apprises, et son aptitude à mettre en ordre son expérience est une réplique héritée du canevas culturel que chaque esprit individuel trouve tout fait”. “Le cerveau est un organe qui nous permet d’absorber la culture mais non de l’inventer”. Les éléments des structures complexes possèdent des régularités de comportement, des aptitudes à suivre des règles. D’où selon lui, l’idée d’ordres spontanés.

    L’un des plus important ordre spontané auto-généré , est la vaste division du travail qui implique l’ajustement mutuel des activités des gens qui ne se connaissent pas. “Ce fondement de la civilisation moderne fut en premier compris par Adam Smith en termes du fonctionnement d’un mécanisme de rectification par contrecoup” ce qu’il appelait « la main invisible » et qu’à présent, la science cybernétique allait selon lui expliquer mais nous attendons toujours cette explication scientifique. Le processus du marché fonctionnerait grâce à l’utilisation de signaux impersonnels de celui-ci, qui disent aux gens comment faire pour adapter leurs activités à des événements dont ils n’ont pas connaissance directement. Pourtant Hayek affirme que l’on doit parfois orienter l’évolution de l’ordre, en perfectionnant les règles ou en privilégiant certaines règles relatives à la propriété et aux contrats. Un tel ordre bien sûr n’est ainsi plus du tout spontané .

    La reconnaissance du troc, de la propriété privée du sol, la concurrence, la variabilité des prix, les prêts d’argent moyennant intérêt sont des normes. Toutes ces normes furent des brèches dans la solidarité qui unissait les groupes restreints de chasseurs et ces brêches ont ainsi fait advenir la liberté individuelle. Avec un tel projet plus aucune organisation publique n’est possible.

    “L’homme n’a pas adopté de nouvelles règles de conduite parce qu’il était intelligent; il est devenu intelligent en se soumettant à de nouvelle règles de conduites” L’homme n’a jamais inventé ses institutions droit, langage, morale qui sont le fruit d’une croissance spontanée et non d’un dessein.

    La revendication d’une juste redistribution afin d’allouer à chacun ce qu’il a droit est un atavisme fondé sur des émotions originelles: le partage au sein du groupe primitif de chasseurs. “Et c’est à cette sensibilité largement prédominante que font appel prophètes, philosophes, moralistes et constructivistes en proposant de créer délibérément un nouveau type de société”

    La science économique ainsi conçue, devient la théorie générale du comportement humain, ne laissant place à aucune autre pensée. Le marché doit fonctionner sans intervention humaine et toute organisation publique autre que régalienne n’ont pas de place .Pas d’entrave au marché donc pas de service public, pas de réglementation du travail, pas de sécurité sociale. L’initiative privée suffit

    Dans l’épilogue d’Hayek, Il n’est jamais question ni de responsabilités ni de choix, alors à quoi bon la politique ? Il est pour le moins délirant de prétendre au nom de la SCIENCE, que nous serions tous universellement dépositaire d’un « cerveau qui nous permet d’absorber la culture mais non de l’inventer » . C’est une pensée sans dialectique, sans autres, au nom d’un savoir qui se veut universel donc applicable sur le même mode à chacun d’entre nous. Un ordre autoritaire où le sujet politique pensant n’existe pas . C’est un ordre politique totalitaire qui permet à une petite clique d’avoir le pouvoir en asservissant les peuples .

  3. Le terrible dans ce qui nous est imposé c’est que TOUS les responsables de partis sont au courant soit par leur propre lecture ou parce qu’un de leurs conseillers leur en a fait un résumé, je parle là de la doctrine d’Hayeck ( bien lisible et visible dans le commentaire de Monsieur Conte.)
    Que ceux qui défendent mordicus le système capitaliste continuent à mentir sur la dette et C° ça se comprend puisque leurs employeurs les ont fait mettre là pour ça mais que ceux qui se disent contre, et opposés : socialistes, écologistes, voire même communistes ou insoumis ne créent pas une situation politique qui fasse éclater au grand jour ces ignominies et fassent que cessent REELEMENT ces propagandes ,ces mensonges est autrement plus inquiétant parce que cela signifie que ( plus ou moins ) ils sont complices de ces manipulations idéologiques qui préparent un régime post capitaliste avec en conséquences un asservissement du plus grand nombre .
    Sauf à nous expliquer qu’ils ne peuvent pas jeter de pavéS dans cette soupe nauséabonde parce qu’ils en profitent et préfèrent collaborer ne serait-ce qu’en en disant pas trop pour préserver leur avenir de parti(e)s, qu’attendent-ils ?

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