Alors que l’histoire de France redevient un enjeu politique dont une certaine droite plus ou moins extrême veut s’approprier la réécriture nationaliste soutenue par une presse Bolloré décomplexée, la BD redonne ici vie à une Jeanne dont le réalisme renvoie à un personnage historique épuré de toutes les tentatives d’appropriation politico-religieuse.
Par Patrick Communal.
Si l’on en croit les textes de l’époque, Jeanne était de petite taille, assez ronde et sans cou, le physique ordinaire d’une paysanne du Moyen Âge, guidée par sa ferveur religieuse, mais à des années-lumière du concept de nation qui ne verra le jour que bien plus tard.

Jeanne d’Arc 2025 cl Magcentre
Les mignonnes jouvencelles qui parcourent chaque année à cheval les rues de notre bonne ville d’Orléans, suivies des bataillons de scouts d’Europe, des militaires, des engins blindés, du haut clergé, des notables et des associations subventionnées, ne sont en définitive qu’un sous-produit des fantasmes d’un catholicisme nationaliste qui a forgé l’image d’une Jeanne assez éloignée de la fille du peuple, trahie par son roi et brûlée par l’Église.
Un assujettissement intellectuel et moral
Jusqu’à aujourd’hui*, les responsables de gauche n’ont jamais cherché à rafraîchir l’objet des fêtes johanniques dont on abreuve les foules massées sur les trottoirs chaque 8 mai. Ils ont préféré la prudence, au prix d’un assujettissement intellectuel et moral au mythe nationaliste et religieux inspirant ce rituel immuable. Nul doute que les choses perdureront encore longtemps, quelle que soit l’issue du prochain scrutin municipal.
La maison d’édition Les Échappés a publié ce 4 décembre une bande dessinée qui nous conte « La véritable histoire de Jeanne d’Arc » co-produite par Benoît Springer, dessinateur et Séverine Lambour, scénariste et coloriste. Ce travail fera un bien fou à tous ceux et celles qui rêvaient de voir la pucelle d’Orléans reprendre vie, autrement, à l’écart des constructions idéologiques et iconiques du roman national. Le dessin de Benoît Springer exprime le double choix du réalisme et de la caricature, une caricature bienveillante restituant une Jeanne plus proche des sources historiques.
Un travail de recherche extrêmement rigoureux
Séverine Lambour a effectué un travail de recherche extrêmement rigoureux, le fil conducteur de l’ouvrage suit le procès de Jeanne. Benoît Springer s’est inspiré des peintures médiévales et des vestiges qui ont subsisté. Les paysages de la bataille d’Orléans et des autres combats sur les rives de Loire, à Jargeau, Meung-sur-Loire sont reconstitués avec beaucoup de précision. Cette Jeanne énergique, qui bouscule les officiers de l’armée du roi de France souvent pusillanimes, et terrorise les archers anglais, peut parfois se montrer vulnérable, elle est, à bien des égards, plus humaine, plus proche de nous, que l’iconographie saint-sulpicienne qui s’est imposée depuis 1920.
*edit de la rédaction le 10/12/2025
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