La passerelle qui va enjamber les voies ferrées sera posée en un seul morceau par une grue géante le week-end de l’Ascension. Elle est construite par l’entreprise castelroussine Renaudat qui, pour une fois, travaille à domicile.
Les cinq éléments bas de la passerelle sont déjà pratiquement terminés. Photo PB
Par Pierre Belsoeur.
« Soit une passerelle de soixante mètres, comprenant deux fois cinq morceaux de douze mètres de long à assembler en bordure des voies.
- Quelle taille doit faire la flèche de grue pour soulever le monstre et la poser sur deux culées de béton à sept mètres de haut ?
- Combien de rivets chromés faudra-t-il pour assembler la résille d’acier qui doit relier les caissons supérieur et inférieur ?
- À quel prix Baptiste Lassimoulac, le patron de l’entreprise Renaudat, doit-il vendre sa passerelle pour assurer les salaires de la cinquantaine de personnes qui travaillent à son élaboration ? »
Une entreprise hors normes
Des problèmes de ce type, les profs de math et de physique pourraient en inventer des dizaines, à partir de ce chantier géant pour lequel le bureau d’études en liaison avec l’architecte parisien Bertrand Potel a dû concevoir une passerelle non seulement légère et solide, mais également en tenant compte de la déformation qui interviendra lorsqu’elle reposera sur ses deux culées. « En fait, on la construit tordue et les pressions la rendront droite lorsqu’elle sera posée », résume Baptiste Lassimoulac. Élémentaire, il s’agit juste de savoir calculer cette déformation !
L’une des deux culées de béton qui soutiendront la passerelle. Photo PB
Mais ça, c’est le résultat de l’expérience. Chez Renaudat, le gigantesque c’est le lot quotidien. Trois passerelles sont en cours de construction dans l’atelier géant du quartier Bitray. « Nous sommes quatre en France à pouvoir répondre à ce genre d’appel d’offres, explique encore le directeur. Avec la crise du bâtiment, la charpente métallique piétine un peu mais l’époque est aux ouvrages d’art, en particulier grâce aux circulations douces. Elles nous apporteront de l’activité pendant plusieurs années. »
La plupart des tâches sont automatisées, le bureau d’études compte autant de salariés que l’atelier. La main de l’homme reste pourtant indispensable pour certaines soudures.
Une passerelle peinte à… Toulouse
Ce n’est pas que l’Indre manque de cabines de peinture géantes. Repeindre les avions est même une spécialité de l’aéroport de Châteauroux-Déols. Mais Renaudat était confronté à un problème de disponibilité. Or si l’entreprise veut tenir les délais (elle fait même beaucoup mieux puisqu’elle boucle l’affaire avec six mois d’avance) et ne pas laisser la passerelle bloquer ses ateliers, elle va devoir faire descendre les dix tronçons en convoi exceptionnel à Toulouse. Ils ne reviendront sans doute pas à Bitray, mais sur le vaste espace longeant les voies, là où se trouvaient les entrepôts du Sernam rasés en 2024. La passerelle y sera assemblée et commencera alors la phase la plus spectaculaire du chantier.
Maquette en main, l’architecte Bertrand Potel permet à son public de visualiser la passerelle, à partir de ce seul élément béton. Photo PB
Cinquante camions pour la grue géante
Pour soulever les cent cinquante tonnes de la passerelle et leur faire survoler les voies, il a fallu mobiliser l’une des plus grosses grues existant en Europe. Cinquante camions la transporteront à pied d’œuvre et il faudra une semaine pour la monter. Ensuite le trafic ferroviaire sera interrompu pendant 72 heures, du 14 au 17 mai, le temps que les soixante mètres de passerelle se balancent au-dessus des voies avant de venir s’emboîter sur les culées de béton. Il a d’ailleurs fallu couler également du béton pour servir de socle à l’énorme grue et à sa flèche de quatre-vingts mètres de long.
Il va donc y avoir du grand spectacle à Châteauroux à l’Ascension… mais il faudra encore six mois de finitions pour que l’on puisse rejoindre le centre-ville au Pôle gare qui doit accueillir une brasserie, un hôtel et des cinémas à proximité du magasin Carrefour. Au fait, le nombre de rivets pour fixer la résille d’acier, c’était trente mille !
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