La liquidation de Brandt n’emporte pas seulement des emplois : elle ravive la mémoire de celles et ceux qui, pendant des décennies, ont fait battre le cœur industriel d’Orléans.
Par Philippe Voisin.
Voilà, voilà…
Eh ! les grands capitaines de l’industrie, où êtes-vous ? N’êtes-vous pas fiers de la « Société du bleu de travail » qui vous a enrichis depuis le plan Marshall ? Souvenez-vous, héritiers des grandes fortunes de l’après-guerre, combien de couples se sont formés derrière les chaînes d’assemblage de vos usines, combien d’enfants ont couru sur les terrains de foot de la cité ULM, combien de fêtes fraternelles fleurissaient dans les salles communales pour faire votre fortune.
Brandt liquidée, j’en ai les larmes aux yeux ! Je pense à tous ceux qui ont contribué à cette aventure industrielle. Je me souviens de mes amis, comme ceux de Duralex. Nous avons eu 20 ans ensemble ! Aujourd’hui, 700 meufs et mecs sur le carreau ! Colère.
Brandt, le pont de Tours.
Ce sont les enfants des Groues, des Salmoneries, de la Chapelle qui portent l’histoire orléanaise.
Je pense aux étudiants, les établis, qui ont lâché leurs porte-plumes pour la clé à molette en rêvant d’un monde meilleur. Je pense au sous-traitant qui venait livrer dans sa camionnette blanche la commande de pièces industrielles uniques. Je pense au boulanger qui ouvrait son arrière-boutique pour vendre des petits pains chauds à l’équipe du matin. Je pense à l’ingénieur qui découvrit la plaque à induction. Je pense à l’assistante sociale qui écoutait, écoutait.
Madame, vous qui portez les classeurs de votre vie à l’usine vers les braseros du piquet de la CGT, ne brûlez pas vos dossiers ! Ils serviront.
Ici, on brûle les cartons et les pneus. Pas l’histoire ni l’outil.
Hier, ignorant, j’ai acheté un réfrigérateur Vedette. Pour qui, pour quoi ?