À l’approche de Noël, la laïcité ressort du carton des décorations, entre crèches, sapins et indignations recyclées. Et comme chaque année, tout le monde en parle mais peu savent vraiment ce qu’ils installent.
Décembre, le mois des fêtes de Noël… et de la laïcité. Image d’illustration Freepik
Par Fabrice Simoes.
Au début du mois de décembre, à quelques heures de l’anniversaire de la loi de 1905 sur la laïcité, l’association ECO (Élan Citoyen Orléanais) appelait à un rassemblement « citoyen, transpartisan et sans récupération politique ». Finalement pas grand monde pour rallumer la flamme et redonner « le sens véritable de la laïcité, un principe trop souvent détourné, déformé ou utilisé contre ceux qu’il est censé protéger ». Rappel pour ceux qui auraient encore un doute quant à ce moment de l’année et vivent probablement sur une île déserte, sans électricité, sans contact avec d’autres humains, voilà que, par un hasard totalement calendaire, on est arrivé dans la période de Noël.
Le Père Noël, ce laïcard
Il ne faut pas croire mais, disons-le tout de go, le Père Noël, comme le sapin illuminé, est foncièrement laïc. S’il s’accommode facilement avec les crèches, les petits Jésus dedans, les bœufs, les moutons, la myrrhe et l’encens, il se mélange rarement avec. Pourtant, revoilà aussi venu le temps des manipulateurs d’opinion, ceux-là mêmes qui n’accepteraient pas un buste de Marianne dans leurs lieux de culte. Ceux-là veulent une crèche dans les halls de mairie.
Derrière sa barbe blanche, le Père Noël est cool, et tellement raccord avec la loi du 9 décembre. Entre deux lectures de Bakounine ou de Proudhon, il écoute certainement Gimme Some Lovin version Steve Winwood & Slash, et ce texte plus que centenaire, il l’ingurgite en infusion. Il ne faut pas la lui faire au Père Noël. Planqué derrière son air naïf, son gros nez, sa houppelande rouge, et son ventre rond, ce n’est pas un imbécile. Il ne démarre jamais son traîneau avant d’avoir lu, en préambule de tout départ du Pôle Nord, l’avertissement suivant : « Il est interdit de procéder à la purge de la valve de friction des soufflets de bielle avant l’arrêt total de la soupape de freinage hydrostatique, même en cas d’engorgement des membranes de graissage de la clavette basculante. » Dès lors, entre deux « Ho, Ho, Ho », pas vraiment le temps d’avoir les mains et l’esprit aux cultes.
Tous Pères Noël
Uberisé avant l’heure, le boss de la distribution des joujoux par milliers, dans les petits souliers, c’est Keanu Reeves qui sort de Matrix et se prend pour John Wick. Mieux que Trump, le titulaire de la médaille en chocolat de la paix pour des guerres qui n’ont même pas commencé, il connaît parfaitement notre monde. La preuve, il sait que l’hémiplégie intellectuelle tend à être notre demain ou que l’arc-en-ciel n’aura bientôt plus toutes ses couleurs. Une seule, la bonne évidemment, devra rester. Pour guider vers le chaudron des Leprechauns, la voie vers la lumière, et tout le toutim, c’est suffisant ! Le devenir sera populiste à souhait. Il sera choisi par d’autres pour le bien-être de tous. Il s’appuiera sur la simplicité de ses adorateurs, de ses pratiquants, de ses utilisateurs. Tous sachants, tous spécialistes de tout, tous membres du milieu autorisé pour en parler. Aucun fabricant de jouets mais tous conducteurs de rennes et de traîneaux… On peut comprendre pourquoi les aiguilleurs du ciel sont stressés à l’approche de chaque fin d’année parce que, quoique l’on en dise, instants laïques ou pas, ça va en faire du monde dans le rôle du Père Noël ! Cette année, pour ne pas que ce demain soit aujourd’hui, au pied du sapin chaque renne aura sa carotte préparée, et le père Noël pourra déguster une part de bûche et un verre de goutte-marc-gnole – avec de la pomme dedans, même si ya pas que ça, avec modération.
Si, au petit matin du 25 décembre, il flotte un air de Farytale of New York tandis que, au milieu du salon ça sent la bière tiède et le tabac froid, et que trône une pinte vide, c’est que le Père Noël s’est trouvé un rôle dans le Dernier pub avant la fin du monde… Accompagné par ce Pogue Mahone de Shane MacGowan, né le même jour que le poupon de la crèche mais pas la même année, ce serait bien un signe plus intense que l’étoile du berger. Avec ce parrainage-là, si le Père Noël n’était pas laïc, ça se saurait, non ?
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