Jungfraubahn, le train le plus haut d’Europe

Conservés amoureusement, entretenus et bichonnés avec attention, les petits chemins de fer de montagne suisses font partie d’un réseau ferroviaire dense. Construit à la fin du XIXe siècle, l’un d’entre eux, le Jungfraubahn relève de l’exploit technologique.

Avec sa gare du Jungfraujoch culminant à 3 454 m d’altitude, le chemin de fer de la Jungfrau est la ligne ferroviaire la plus haute d’Europe.


Par André Degon
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Le 21 décembre 1894, Adolf Guyer-Zeller peut être satisfait. L’assemblée fédérale suisse vient de répondre favorablement à sa demande de concession pour la construction d’un chemin de fer de haute montagne. Un rêve complètement fou : atteindre le sommet d’un des plus hauts pics alpins situé dans l’Oberland bernois, la Jungfrau, à 4 158 mètres. Dans la fièvre du développement technologique qui agite cette fin du XIXe siècle, les ingénieurs suisses ont déjà commencé d’équiper leurs montagnes de petits trains à crémaillère. Celui de la Schynige Platte (1 967 m), au-dessus d’Interlaken fonctionne depuis 1893. Les premiers voyageurs ont déjà pu découvrir l’époustouflant paysage donnant sur le célèbre trio : l’Eiger (3 970 m), le Mönch (4 099 m) et la Jungfrau dominant les lacs de Thoune et de Brienz. Au pied du Schilthorn (2 960 m), le trajet Lauterbrunnen-Mürren (funiculaire à déclivité de 61 % et ligne à adhésion), long de 5,7 kilomètres, a été mis en service en 1891.

Creusé dans l’Eiger et le Mönch

Près de trois cents ouvriers travaillèrent à la pioche et à la barre à mine.


Spécialiste en textile, Adolf Guyer-Zeller n’avait a priori aucune compétence dans le domaine ferroviaire, si ce n’est une passion démesurée pour l’exploit qui sera celui de sa vie. A la différence de ses concurrents, il a l’idée de faire partir son train, non pas de la vallée, mais de Kleine Scheidegg (2 061 m), terminus d’une ligne déjà existante. Il passera par un tunnel de 7 km à faible rampe (avec un maximum de 25 cm par mètre) creusé dans l’Eiger et le Mönch, à l’abri des intempéries et débouchera entre le Mönch et la Jungfrau, au Jungfraujoch, à 3 454 m. Deux arrêts intermédiaires permettront d’admirer le paysage à travers des ouvertures creusées dans la roche. Guyer-Zeller avait prévu sept ans de travaux et un coût de dix millions de francs suisses.

Après seize années et quinze millions de francs suisses, le Jungfraujoch est atteint. Seize années d’un dur labeur exécuté à la pioche et à la barre à mine, souvent dans des conditions épouvantables, par près de trois cents ouvriers, suisses et italiens pour la plupart, dont trente perdirent la vie et quatre-vingt-dix furent blessés. Leur camp de base, des baraques en bois au pied du glacier de l’Eiger (2 320 m), était coupé en hiver du reste du monde et la nourriture stockée dans les crevasses du glacier. L’idée de génie de Guyer-Zeller est de mettre en service la ligne tronçon par tronçon avant que les travaux ne soient terminés. Les touristes pourront ainsi découvrir le chantier et admirer le paysage. Le résultat dépasse son espérance et le chemin de fer rapporte de l’argent avant son inauguration le 1er août 1912. Malheureusement, l’entreprenant promoteur ne verra pas la réalisation finale de son rêve, il meurt en 1899.

Moquette, portes automatiques, musique d’ambiance…

Le Jungfraubahn est aujourd’hui considéré comme un train mythique des Alpes suisses.


Plus d’un siècle après la mise en service du train le plus haut d’Europe, la ligne de la Jungfrau, propriété de la Jungfraubahnen qui exploite également six autres petits trains, accueille 500 000 visiteurs par an en toute sécurité. Il faut dire que l’organisation est digne de la précision légendaire suisse : l’excursion commence à la gare d’Interlaken, la célèbre station de villégiature au charme un tantinet désuet. À l’heure dite, le Bob (Berner Oberland Bahnen) s’ébranle en direction de Lauterbrunnen. Une demi-heure de balade dans la vallée ombragée de la Lütschine en passant par Wilderswil, point de départ de la ligne de la Schynige Platte. À Lauterbrunnen (796 m), changement de train pour Kleine Scheidegg. Dans la petite gare pimpante, le va-et-vient des passagers entre les quais est impressionnant, le nombre de Japonais encore plus (à l’évidence, la Jungfrau, littéralement jeune vierge, a un pouvoir de séduction réel sur les touristes nippons en Europe). Dans sa robe rouge éclatant, la locomotive à crémaillère s’ébranle. Chacun bien calé sur sa banquette en bois vernis, la montée peut débuter. Après Wengen (1 274 m), on passe insensiblement de la forêt à l’alpage.

La voie tourne bientôt vers l’est et le miracle se produit. Une vision à couper le souffle : tous les sommets de l’Oberland apparaissent, du Wetterhorn à l’est au Breithorn à l’ouest. Grandiose dans les neiges éternelles, le trio célèbre : l’Eiger, le Mönch et la Jungfrau. À Kleine Scheidegg (2 061 m) commence la ligne du Jungfraubahn à proprement parler, celle de Guyer-Zeller. Dernière étape à l’air libre : Eigergletscher (2 320 m). C’est là, au pied du glacier de l’Eiger, que vit une colonie de chiens de traîneau groenlandais installée, il y a plus de soixante-dix ans, avec le soutien du fameux explorateur Ronald Amundsen. Puis le train pénètre dans l’Eiger et continue son ascension dans le rocher, tous phares allumés, avant d’atteindre la station souterraine d’Eigernordwand (2 865 m) : une large ouverture pratiquée sur la face nord la plus connue du monde, vaincue pour la première fois en 1938 par une cordée austro-allemande. Après un deuxième arrêt, le train arrive enfin au complexe Top of Europe (gare, restaurants, boutiques…). Moquette, portes automatiques, ascenseurs, musique d’ambiance : à 3 454 m d’altitude, le confort est étonnant et totalement surréaliste pour l’endroit, en tout point conforme à celui que l’on trouverait en plaine. Observatoire du Sphinx, terrasse panoramique, palais de glace creusé dans le glacier d’Aletsch, le plus long d’Europe (19 km), le Jungfraujoch est complètement aménagé pour accueillir les touristes. À cette altitude, c’est véritablement un exploit. La beauté du lieu est telle que la région Jungfrau-Aletsch est inscrite au patrimoine mondial naturel de l’Unesco depuis 2001.

Plan des lignes de chemins de fer.

  

Pour en savoir plus :

www.jungfrau.ch/fr-ch/jungfraujoch-top-of-europe

Suisse tourisme, tel. (gratuit) : 00 800 100 200 30.

Sites : www.suisse.com/swisstravelsystem et www.suisse.com/jungfrau

Commentaires

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  1. Merci pour cette bien belle balade en Suisse. Je suis allé dans le pays en 2017 mais n’ai pas visité cet endroit. Ça donne vraiment envie ! Surtout quand on voit l’exploit de sa construction… Un peu de douceur dans ce monde de brutes, ça ne peut que faire du bien et on ne s’en plaindra pas !

    J’ai reçu via un opérateur TV des Balkans en OTT (Over The Top, soit en français connexion sans décodeur en gros, pardon pour l’anglicisme, mais c’est le terme) qui est NetTV Plus la RTS (Radio Télévision Suisse) alias la télévision Suisse francophone mais depuis avril, l’opérateur a du jour au lendemain supprimé de son offre les chaînes francophones [dont en plus le signal Europe de TV5MONDE], italophones, alémanophones et anglophones sans prévenir auparavant ! Grrrr !!! Je l’ai eu durant 6 ans en gros, et j’ai découvert plein de choses sur la Suisse par ce biais. Reste le VPN pour regarder la RTS sur Play RTS (rts.ch/play). J’ai ainsi découvert entre autres choses outre le fonctionnement institutionnel de la Confédération Helvétique certains trains de Suisse, mais pas celui-ci de mémoire. Alors un énorme merci pour cette idée touristique accessible 100% en train depuis le Centre-Val-de-Loire, hors transferts d’une gare à l’autre à Paris et accès à nos gares de départ ici dans la Région.

    Joyeux Noël à toutes et tous et vive la Suisse et tous les pays de langue allemande…

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