« Les gens heureux, ne sont jamais nés. »
C’est en ce mercredi 15 janvier 2014 que le théâtre d’Orléans nous ouvre doucement ses portes sur un fragile univers, aussi tranchant que le verre.
Il y a cette femme. Cette femme assise et seule. Cette femme au beau milieu du monde. Cette blonde, cette icône. Cette Lolita. Cette comédienne, simple môme.
Quand soudain la lumière l’éclaire. Brisure de solitude prête à plaire.
« Quand il y avait du monde, je me sentais moins seule, et à la fois plus abandonnée. » disait Marguerite Duras. Dans cette réflexion, il y a quelque chose de très proche de celle de l’actrice en générale. Mais qui sont-elles ?
« Je ne suis pas Marilyn Monroe. Qui alors ? »
Marilyn. Elle n’existe pas. C’est une image, au mieux un personnage. De son vivant, un rôle. Il y a très peu d’espace entre ce rôle et elle-même. Très peu d’espace entre l’enfant condamnée et la femme non réalisée. Très peu d’espace entre le rôle aujourd’hui, et la comédienne ici –Lolita Chammah –. Très peu d’espace entre celle-ci et les émotions. Très peu d’espace entre cette jeune femme sur scène et le public. Très peu d’espace entre le flou et le net. Très peu d’espace entre la lumière et la peau. La peau. La chair d’une jeune femme éternelle, coincée derrière un minuscule écran posé au sol, s’alliant avec délice, à la carcasse mise à nue d’une actrice, nous offrant son envole.
« Nous travaillons à la fois dans la profondeur et jusque très près des spectateurs. Sans frontière. Est-il possible, dans l’espace, grâce à la lumière, à la distance et au corps, de traduire le flou et le net ? » nous questionne Samuel Doux le metteur en scène.
Quel agréable et fugace passage. Celui de cette actrice et de son image. En effet, c’est avec grande contenance et simple générosité que Lolita Chammah nous livre les plus tristes secrets d’une actrice.
L’émotion jusqu’au bout des doigts
Intelligible et épuré, le travail de Samuel Doux, caresse cette corde sensible et tendue de l’âme, que nous possédons tous. C’est avec une grande douceur, et un incroyable équilibre, que s’y aventure la comédienne. A petits pas, en talons aiguilles ou pieds nus, sans autre apparat que sa nudité d’âme, cette sensibilité la rendant femme, sans jamais tomber, mais toujours en grande concentration, elle nous livre avec confiance et sincérité ces émotions.
« Je trouve que la sincérité et être simple et direct comme (possiblement) j’aimerais, est souvent pris pour de la pure stupidité. Mais puisqu’on n’est PAS dans un monde sincère, il est très probable qu’être sincère est stupide. […] je ne suis pas M.M. on ne me permet pas d’être » disait d’ailleurs Marilyn Monroe.
C’est dans ces écrits brutalement tranchants à la spontanéité complexe, que Marilyn eut écrit, sans retenue, que nous retrouvons cette conscience aiguë du monde. Sensiblement et en frottement contre la conscience intacte de l’actrice sur scène. Et tout comme les maux, en pagaille, qu’avait portés l’icône sur le papier, nous retrouvons cette fragilité. Cette fébrilité. Humaine.
Juste humaine.
Ainsi un grand bravo à Lolita Chammah qui nous berce une heure trente durant, au cœur d’un univers atemporel de femme enfant.
Ana Elle
“Fragment” création de Samuel Doux
CDN Orléans jusqu’au 23 janvier Réservation: 02 38 62 15 55