La vie quotidienne des détenues au camp de Ravensbrück transcrite en opérette, telle a été la gageure de l’ethnologue cataloguée NN (Nacht et Nebel / Nuit et Brouillard) Germaine Tillion avec la volonté de remonter le moral de ses camarades grâce à un extraordinaire esprit de dérision face à l’innommable cruauté de la déportation.

Roselyne Sarazin et Christelle Tarry au cours de la représentation de Une opérette à Ravensbrück au lycée Sainte Marie à Bourges vendredi dernier. (Photo Fabrice Tixier)
Inspiré d’Orphée aux enfers, la pièce – Verfügbar aux enfers – sauvée par miracle par l’une de ses codétenues est restée des années dans des tiroirs jusqu’à ce que l’on la découvre dans les affaires de la grande résistante et que l’on décide de la montrer au public en 2007, un an avant sa mort.
Inattendu et unique, ce genre improbable pour décrire la vie des déportées dans le détail des journées dont chacune peut être la dernière, s’appuie musicalement sur des chansonnettes où morceaux classiques permettant aux dialogues dénonçant de façon crue, directe, d’échapper à la moindre tentative de plainte, à un quelconque apitoiement.
Une mise en scène sobre et inventive
C’est au contraire contre toute attente un hymne à la vie, le plus abjecte du quotidien dans le camp étant traité avec humour, notamment par le truchement de l’analyse d’un personnage imaginaire endossant le rôle d’observateur de l’espèce « Verfügbar » autrement dit les prisonnières ne possédant aucun droit, corvéables mises à la disposition des SS.
Remarquablement servie par deux comédiennes imprégnées de leur sujet, Roselyne Sarazin et Christelle Tarry dans une mise en scène à la fois sobre et inventive, l’opérette a laissé vendredi matin sans voix tout un amphithéâtre de Terminales du lycée Sainte Marie (Bourges). C’est dans le cadre du programme d’Histoire qu’un professeur de cette matière, Patrick Morlot, a organisé cette représentation afin de sensibiliser les élèves aux événements de la Seconde Guerre mondiale et en particulier aux camps de concentration nazis.
« J’ai écrit une opérette, une chose comique, car je pense que le rire, même dans les situations les plus tragiques, est un élément revivifiant » a expliqué Germaine Tillon qui signe avec cette « opérette-revue en 3 actes » le plus impressionnant rempart contre la barbarie d’hier et d’aujourd’hui.
Patrick Martinat