La Loire n’est toujours pas un fleuve comme les autres. Croisi Europe, comme son nom l’indique, est un tour opérateur qui a fait naviguer ses bateaux sur la plupart des fleuves du continent, du Danube au Duro, de la Volga au Guadalquivir, de la Moselle au Rhin. Sur la Loire, c’est…galère.

La Loire à Orléans en juillet.
Avec ses 90 mètres de long, ses 15 mètres de large, ses trois ponts et ses 90 passagers, le Loire Princesse, pourtant construit spécialement avec un très faible tirant d’eau, devait dompter le fleuve, royal et sauvage. Lancé au printemps, le rafiot de luxe multiplie les échouages. Il a pourtant utilisé sa botte (de sept lieux) secrète, deux roues à aube qui lui permette de se tirer d’un étiage trop sévère. Rien à faire. Début juin, il est resté en rade sur le sable, sur l’un des plus beaux sites de la Loire, à Saint-Florent-le-Vieil.

Le Loire Princesse plus à son aise à quai à Nantes.
Mi-juin, un petit bateau de secours, une sorte de remorqueur mais en l’occurrence pousseur, chargé de “tirer” le Loire Princesse d’un mauvais pas, a carrément coulé et, peu de temps avant, l’un des membres de l’équipage était tombé à l’eau en manœuvrant. Toujours pas facile à dompter “le dernier fleuve sauvage dEurope”, ce qui est un excès de langage. Mais ca fait joli et ce n’est pas parce qu’elle a été anoblie par l’Unesco en sa partie moyenne que la Loire serait devenue bonne fille avec tout ceux qui veulent la posséder.
Ces “sauvageries” du fleuve rebelle ne sont pas réservées aux Pays de la Loire, entre Saint-Nazaire et Saint-Florent-le-Vieil, seule partie “navigable” du fleuve royal pour ce genre de bateau. A Orléans, où l’on se prépare fébrilement pour les Fêtes de Loire, les organisateurs se demandent si le sévère étiage (48 m3 par seconde il y a encore quelques jours) permettra d’accueillir deux cents bateaux du 23 au 27 septembre. Les précipitations de ces derniers jours ne seront sans doute pas suffisantes pour faire monter le niveau de 50 à 80 centimètres supplémentaires nécessaires, mais d’ici un mois, si le ciel est généreux, le fleuve pourrait se remplumer.
Les barrages salvateurs?

La flotte attendue à Orléans en septembre pour “compléter” les maigres effectifs locaux.
Sinon? Sinon, il ne resterait plus qu’à compter sur un lâcher d’eau à partir des barrages. Que ce soit Villerest (Loire) en amont de Roanne ou Naussac (Lozère), les deux retenues sont chargées d’assurer le soutien d’étiage de la Loire et de l’Allier, pour les besoins en eau de l’aval, pour l’alimentation, l’industrie et surtout l’indispensables refroidissement des centrales nucléaires. A priori, il n’est pas prévu dans le cahier des charges de l’Etablissement public Loire (EPL) qui gère les dits barrages que ceux-ci doivent assurer un niveau minimum pour les activités de loisirs et de tourisme de la Loire!
Vite, un conflit vintage

Deux ou trois bateaux ca va, mais deux cents…
Et si l’on réactivait, dans cette région qui en manque singulièrement, une polémique sur fond de barrage, un conflit vintage, une polémique qui fait des vagues, comme dans les années 90 entre Jean Royer, le maire aménageur de Tours, et les écologistes. Pour que le Loire Princesse et les fêtes de Loire aient toujours assez d’eau, les deux régions Centre-Val de Loire et Pays de la Loire pourraient unir leurs finances, pourtant à l’étiage elles aussi, avec des villes comme Orléans et Angers, afin de construire deux barrages. Au hasard, l’un à Serre de la Fare (Haute-Loire) et l’autre au Veurdre, au Bec d’Allier. Deux ouvrages qui, tant qu’à faire, serviraient aussi à écrêter les crues. Ca aurait de la gueule non?
Au final, Michel Barnier n’étant pas encore rangé des gabares, l’ancien ministre de l’Environnement nous sortirait un énième plan pour calmer les ardeurs, du genre “Loire grandeur nature 28”. Et permettrait ainsi à la Loire comme il se doit, de devenir (enfin) un long fleuve tranquille.
Ch.B