
Venise au XVIIIe siècle. La pièce débute avec une scène extravagante où les comédiens saluent en tournant le dos à la salle, un public fictif en fond de de scène, public qui les applaudit à tout rompre, belle introduction qui fait percevoir au spectateur, l’ivresse que peut ressentir un artiste en plein triomphe.
Alors, que ne feraient pas ces divas aux prétentions extrêmes, ce jeune chanteur excentrique et tout ce petit monde du spectacle (agent, librettiste…) pour se faire engager dans cet opéra unique que veut monter à Smyrne un nabab turc ? Il le faut absolument ! Car il en va de leur image, de leur carrière mais surtout de leur subsistance et de leur égo démesuré ! Alors pour y parvenir, tous les moyens sont bons : fourberie, bluff, petite pique, grand jeu de séduction, marchandage…
Entre orgueil, jalousie, rivalité, caprice, hypocrisie et autres travers humains, Carlo Goldoni nous plonge dans les préoccupations existentielles des artistes italiens les plus talentueux de l’époque : l’univers infernal des intermittents du spectacle courant les cachets et les rôles titres (tiens, tiens!). Car derrière les paillettes transpire une réalité : celle de la précarité qu’il ne faut surtout pas montrer (tiens, tiens !)…
Adaptée par Michael Stampe et mise en scène par Christophe Lidon, cette pièce, vibrante d’humour et très esthétique (beaux costumes, beaux décors de palais, toiles de maîtres, belles lumières…), se traîne toutefois un peu, malgré le jeu pétillant des comédiens et les irremplaçables mimiques de Catherine Jacob parfaite dans ce rôle de diva.
Est-ce ce “bel écrin” sans doute un peu trop beau qui fait d’autant plus ressentir le caractère mineur de cette pièce de Goldoni (il en a écrit plus de 150), ou est-ce ce nouvel écho aux problèmes actuels de l’intermittence et plus généralement au côté ‘prêt à tout pour y arriver’ de nos vies sociales et professionnelles auquel on s’est habitué, qui rend, du coup, L’Impresario de Smyrne finalement un peu fade ?
À chacun d’apprécier.
E.B. / G.P.
Jusqu’au 25 mars sur la scène du CADO à Orléans. De Carlo Goldoni.
Mise en scène de Christophe Lidon, traduction et adaptation de Michael Stampe.
Avec Catherine Jacob, Adèle Bernier, Marianne Epin, Bernard Alane, Denis Berner, Bernard Malaka et Nicolas Vaude.
http://www.cado-orleans.fr/