Faut-il plaindre Thomas Thévenoud, éphémère secrétaire d’Etat dans le gouvernement Valls II ? Sans doute, avant de le blâmer car faute il y a eu, bénigne au regard de tant d’autres : non déclaration de revenus, non-paiement d’impôts régularisés depuis, loyers impayés,… Somme toute un foutoir ordinaire que chez les gens ordinaires on est porté à considérer avec indulgence. Mais Thomas Thévenoud ne se veut pas un être ordinaire. Il se définit comme « homme politique » avec comme conséquence directe la volonté de participer à la gestion du pays.
Ejecté du gouvernement, évincé du parti socialiste, snobé par ses collègues, Thomas Thévenoud s’accroche à son poste de député de Saône-et-Loire que la loi lui permet de conserver et entend recevoir à nouveau l’onction électorale aux prochaines législatives de 2017. « Je n’ai pas de plan B » déclare-t-il à l’émission « On n’est pas couché » du samedi 1 avril, une tournure lénifiante pour supplier « si vous ne me réélisez pas, vous me mettez à la rue ».
Donc, Monsieur Thévenoud est en campagne et, les livres de candidats étant à la mode, Thomas Thévenoud a commis le sien, assez bien torché, même bien et très bien est-on tenté de dire avant qu’il devienne lassant et répétitif, conçu comme un journal avec des chapitres courts, une idée et un vécu par jour explicités avec un réel sens de la formule.
« Une phobie française » est un libre balzacien qui met en scène un Rastignac de Saône-et-Loire, ambitieux au petit pied, soutenu par sa sultane adorée, son épouse Sandra qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau et navigue dans le même marigot. Ah, non, lui est fabusien, elle est strauss-kahnienne. Qu’importe la petite entreprise fonctionne bien jusqu’à la chute.
Autre qualité de ce galet bien poli, il décrit la violence sans pitié que s’appliquent les politiques entre eux. Tacticiens de leurs carrières rarement stratèges d’un engagement. Avant de le nommer au gouvernement la présidence savait, aurait oublié et Valls informe « ta démission a été décidée hier. Il fallait trancher, couper la branche….. C’est ma responsabilité de te dire ça. Le président ne t’appellera pas. Laurent Fabius non plus », l’entretien est terminé, une exécution en règle.
Un « plan com’ » raté
Avec ce livre Thomas Thévenoud voulait montrer qu’il avait changé, qu’il avait compris, qu’enfin il était en règle avec sa trésorerie. Soit sur ce dernier point. Mais en quoi a-t-il évolué ? Où sont les idées qui feront avancer le pays, celles qu’un Jaurès, un Blum, un de Gaulle mettaient en avant pour construire une politique ? Ils étaient d’abord des hommes avec une pensée solide, aguerrie dans les débats, issue d’une une culture et d’expériences bien digérées. Monsieur Thévenoud écrit dans son livre « être socialiste c’est travailler pour les autres ». Aucune référence au siècle des lumières, aux avancées démocratiques dans le respect des lois souhaitées par Léon Blum. Un nouveau Alphonse de Lamartine comme lui enfant de Saône-et-Loire ? Une idée d’Arnaud Montebourg mais que nous sommes loin du grand poète fondateur de la deuxième République en 1848 ? Seul point commun, pour finir, un rejet parisien qui coûtera cher à l’un comme à l’autre.
L’opinion qui est largement formée d’électeurs est lasse des hommes politiques derrière lesquels se cachent des hommes carriéristes qui font le lit des extrêmes. Elle réclame des hommes qui réfléchissent pour agir en hommes politiques. Thomas Thévenoud est addict de la politique comme faire valoir personnel. Un livre ne suffit pas pour se désintoxiquer. Si « Une phobie française » a été conçue pour introduire une marche vers une reconquête on peut parler de « plan com’ » raté.
Françoise Cariès.
Une phobie française, Thomas Thévenoud, Grasset 330 pages 20 euros