Voilà un roman de saison à mettre dans sa valise ou à lire dans une chaise longue sur une pelouse semblable au gazon anglais dont il est justement question dans « L’été avant la guerre ». C’est de l’été d’avant la grande guerre, celle de 14-18 dont on vient de célébrer le centenaire à Verdun et dans la Somme pour les Anglais qu’il est question dans cet ouvrage rédigé d’une plume alerte et fluide.
Hélen Simonson offre à ses lecteurs une comédie des mœurs sur une trame historique. Cette romancière anglaise qui a passé son enfance dans un petit village du Sussex mais qui vit aujourd’hui à New-York a bâti une histoire touchante où des femmes prisonnières de leur époque, occupent habilement, souvent avec infiniment de tact la place qui leur est échue et en tirent le maximum jusqu’à ce que la guerre bouscule leur univers et y introduise des drames.
Avec talent l’écrivaine met en scène la place de la femme anglaise (mais était -elle différente en France et en Europe?) à cette époque, son manque d’indépendance, le carcan dont elle est prisonnière, montre tout le chemin qui a été parcouru depuis et, en filigrane, celui qui lui reste à faire. Dans la dernière partie avec une grande sensibilité et sans pathos, la romancière dépeint la sanglante guerre de 14-18, dévoreuse d’hommes, de leurs vies et de leurs âmes. Sans cesse, n’hésitant pas à avoir recours aux détails, aux odeurs, aux sensations elle alterne descriptions réalistes et ressorts psychologiques qui font avancer l’action.
Béatrice Nash, l’héroïne
L’histoire s’articule autour de Beatrice Nash qui, à la suite du décès de son père est soumise à une curatelle matériellement très contraignante. Cherchant à échapper à cette situation dégradante, en quête d’indépendance, elle accepte un poste de professeur de latin dans une petite ville de la campagne anglaise. Ce lieu et les gens qu’elle est conduite à fréquenter et à côtoyer la conduisent à remettre en question ses idéaux et sa vision des pères, la fortifient dans son féminisme et lui font découvrir les sentiments amoureux qu’elle pensait ne devoir jamais ressentir car elle se croyait destinée en toute logique à un avenir de vieille-fille. Elle succombe à la gentillesse, à la droiture et au charme de Hugh, jeune et posé chirurgien, cousin de Daniel poète et idéaliste, tous deux aussi prisonniers des codes en vigueur dans la société victorienne..
Très vite, le roman prend son lecteur et ne lâche plus. Il avance entre situation et dialogues où perce un humour très british, sans faute de goût. A la présentation de cette critique sociale de l’Angleterre du début du XXème siècle le lien s’établit avec notre époque et le combat constant pour l’égalité des sexes qui est loin de toucher à sa fin. Avec « L’été d’avant guerre », le roman historique remplit pleinement sa fonction de lanceur d’alerte. Helen Simonson se place dans la lignée de Jane Austen qui plus d’un siècle avant elle se livrait déjà dans ses romans à une satire sociale.
F.C.
L’Eté d’avant la guerre, Helen Simonson
Nil éditions, 648 pages 22,5 euros