Gérard Hocmard
Par Gérard Hocmard
Je n’avais pas compris que la Turquie était un pays démocratique, ou alors c’est que je me fais une idée moins musclée de la démocratie qu’il ne faut. Mais si c’est le Président qui le dit…
On ne peut effectivement que se réjouir de voir échouer un de ces putsches militaires dont le masque de « rétablissement de la démocratie » est passablement déchiré aux coins, là où l’élastique est fixé au carton, à force de servir. Au point qu’il faille parfois le troquer pour celui de « rétablissement de la justice », de restauration de ceci ou de cela le temps de le réparer pour une autre fois. Mais on se rappellera quand même que les putsches auront été nombreux dans l’histoire turque moderne depuis celui des Jeunes Turcs en 1908 et que leur rythme depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ne l’aura cédé en rien à celui des coups d’état sud-américains, africains ou thaïlandais, par exemple.
On avait aussi cru comprendre que M. Erdogan n’était pas très favorable à la liberté d’expression, que les médias d’opposition étaient plutôt muselés et que les séjours en prison – et quelles prisons ! –servaient un peu de RTT forcées à l’intention des journalistes. Mais si le Président dit que c’est un démocrate, qui suis-je pour en douter ?
Sa façon de s’approprier et de raser un parc public d’Ankara malgré les protestations et sans référendum style Notre-Dames-des-Landes, ses chaleureuses relations avec Vladimir Poutine ne faisaient pas très « démocrate ». Mais le Président dit que M. Erdogan l’est, alors pourquoi chicaner ?
Sans doute par mauvaise interprétation de ma part, la lutte du régime de M. Erdogan contre Daech m’avait paru pleine d’ambiguïtés au moins jusqu’aux attentats qui ont endeuillé la Turquie récemment.
Elle me semblait plutôt axée sur l’élimination des Kurdes qui, eux, se battent effectivement pour sauver leurs villes et villages de l’emprise de Daech. J’avais même cru entendre parler de trafics d’armes et de pétrole avec Daech à la frontière turco-syrienne. Sans doute avais-je rêvé. M. Erdogan est démocrate, nous affirme le Président et le ressort de la démocratie, comme on le sait depuis Montesquieu, est la vertu.
Quant à l’accueil de réfugiés syriens et irakiens contre visas de circulation et milliards d’euros – nos impôts-, il y aurait bien quand même quelque chose du négrier là-dedans. Mais parce que son régime tenu d’une main de fer a été en éventuel danger de tanguer un peu, voici M. Erdogan sacré « démocrate ».
Je dois avoir mauvais esprit, mais je me demande si ce brevet de démocratie ne serait pas une façon de commencer à aplanir les obstacles en vue d’une entrée de la Turquie en Europe. Va savoir…
Gérard Hocmard