Cette première saison photographique proposée par le Musée des Beaux Arts d’Orléans propose un diptyque d’expositions qui forme un passionnant parcours autour de l’acte photographique, entre la technique minimaliste des cyanotypes de Josef Nadj et le travail de Claire Adelfang, au sommet de la capture argentique au format 6×6. Dans cet écart technique, le musée nous invite à une réflexion sur l’art photographique dans son rapport avec la “trace”, trace végétale pour le premier et trace architecturale pour la seconde.
“Impossible façon” de Claire Adelfang
Ce qui frappe le visiteur pénétrant dans l’exposition de Claire Adelfang, c’est la pureté de la qualité technique de ses tirages au format carré, correspondant à l’usage du format 6×6 à la prise de vue: ici pas de recadrage, pas de photoshop, l’argentique est totalement assumé. Mais dès la première salle consacrée à la ruine architecturale d’une base de sous marins de l’atlantique, on comprend tant par le cadrage décentré et la profondeur induite, que par le choix subtil du point de mise au point, que la photographe nous assigne une place par son regard sur le réel. Bien sûr, on voit tous circuler sur l’internet des photos saisissantes de lieux plus ou moins emblématiques à l’abandon, mais ce qui ici fait justement œuvre photographique, c’est ce décalage entre l’image “convenue” de la ruine, un peu comme la ruine romantique du XIXe siècle, et ce rapport angoissant au temps que nous impose Claire Adelfang par ses instantanés photographiques. L’acte de mémoire de la photo ne fait alors qu’inscrire un temps suspendu dans notre humaine temporalité.
Comme cette dualité eau/béton, signifiant matériel de l’inexorable avancée de la ruine de ces abris indestructibles pour sous marins, cette trace de l’humain, absent d’un environnement qu’il a créé dans un projet abandonné, va traverser toutes les salles de cette première exposition, jusqu’aux photos orléanaises des vinaigreries Dessaux, images d’un lieu en devenir, où le futur de la réhabilitation viendra détruire la trace du passé, laissant le soin à la photo de conserver l’éternité de ses instantanés.
“Inhancutilitatem*” de Josef Nadj
Lors de la présentation à la presse de son exposition, Josef Nadj nous expliquait, non sans un peu d’humour, qu’ayant reçu une formation de graphiste, c’était un peu par hasard qu’il était devenu le chorégraphe que l’on connait, et que quittant le centre chorégraphique, il allait pouvoir se consacrer à ce qui le passionne dorénavant: la création graphique dont on peut déjà avoir un aperçu avec cet ensemble de propositions sur la ville d’Orléans intitulé “Josef Nadj, plasticien : un parcours dans la ville”, et dont cette exposition fait partie.
Comme un lointain écho aux œuvres de Claire Adelfang, Josef Nadj présente donc au sous-sol du musée, une série de cyanotypes, procédé photographique par insolation directe d’une surface sensible, mis au point en 1842 par un astronome anglais John Herschel. Josef Nadj va s’emparer de ce procédé rudimentaire pour capter la lumière négative d’une galerie botanique, fruit d’une collecte au grand air, galerie à laquelle cette calligraphie en à-plat blanc découpant des formes évanescentes sur un fond bleu,va donner une dimension quasi magique comme ces pochoirs préhistoriques. Ici nulle profondeur, nulle fiction perspective, l’élémentaire narration d’un acte manuel dans la disposition du végétal sur la feuille, mémoire éphémère du passage de la lumière découpant la seule profondeur de ce bleu monochrome qui n’est pas sans rappeler la grande toile d’Hantaï du Musée d’Orléans.

Cyanotype Josef Nadj
Et pris par cette fascination de ce jeu avec la lumière, Josef Nadj nous offre ici le fruit d’un an d’expérimentation de ce procédé dont l’archaïsme nous renvoie bien sûr à la trace, à l’empreinte, et donc à la mémoire…
Gérard Poitou
*”In hanc utilitatem”: A cette fin… extrait de De Arte Cabalistica Johannes Reuchlin Hagenhau 1517
Saison Photographique # 1
“Impossible façon” Photographies de Claire Adelfang
“Inhancutilitatem” Cyanotypes de Josef Nadj
Musée des Beaux Arts 1 rue Fernand Rabier 45000 Orléans
Du vendredi 18 novembre 2016 au dimanche 15 janvier 2017
Mardi au samedi : 10h -18h (accueil des scolaires dès 9h30) Vendredi jusqu’à 20h Dimanche : 13h à 18h Fermé les 1er et 11 novembre, 25 décembre, 1er janvier,