Le Marcel à son Poutou (ou vice versa)

J’avais trouvé le « grand débat » tellement rasoir que je n’avais même pas songé à en écrire quoi que ce soit. Ça, un débat ? Avec des arguments, des démonstrations, l’apport de contradictions structurées, raisonnées ? Plutôt une suite de récitatifs, de solos interminables et de yakafôkon en-veux-tu-en-voilà. Quel ennui ! Et quel ratage pour un événement censé éclairer les esprits !Gérard Hocmard

Par Gérard Hocmard

Il est surtout apparu pour ce qu’il était : de la politique spectacle au profit de l’Audimat, en prenant bien soin de montrer en panoramique derrière les artistes les personnalités venues soutenir leur champion(ne) et avec l’espoir que les fauves se dévorent entre eux avant que les spectateurs ne se lassent et aillent se coucher. Sauf que les « Madame Loyal » en dessous de tout n’ont même pas su cadrer les pitreries et les insultes de Poutou. Spectacle totalement raté donc, et page blanche en ce qui me concerne.

Seulement, que ledit Poutou vienne maintenant se draper dans la dignité qu’il n’a justement pas pour accuser Luc Ferry de « mépris du peuple » parce que celui-ci a trouvé choquant qu’il soit apparu débraillé et mal rasé me hérisse le poil.

Non seulement ceci révèle de sa part, s’il en était besoin, un total déni de réalité. Qu’il soit venu devant la caméra « dans son jus » ne pouvait être que délibéré, relevait de la provoc’ et traduisait nécessairement une certaine idée du peuple dont on lui laissera la responsabilité, tout comme on lui laissera celle de la notion de « vrai travail ». Il voulait, à juste titre, souligner qu’à sa différence les autres étaient des politiciens de métier. Mais on subodore quand même que dans sa tête, à moins d’être ouvrier on n’a pas de vrai métier et que l’on est grassement payé pour le peu que l’on fait, comme c’est le cas, au hasard, des médecins et internes d’hôpitaux, par exemple.

Je sors d’un environnement familial et géographique ouvrier. Je n’en suis sorti que parce que l’ascenseur social de la méritocratie, fruit d’un enseignement de qualité, de bourses, d’IPES et autres, fonctionnait encore. Jamais, au grand jamais, je n’ai vu partir au travail mes grands-pères et mon père ou les voisins d’HLM autrement qu’habillés simplement selon leurs moyens, mais en tout cas rasés et dignes. Mon grand-père métallo filait sur Billancourt casquette en tête et pinces à vélo en place ; l’autre, ouvrier typographe, portait cravate sous sa blouse grise dans son atelier ; mon père, par 29° à l’ombre en juillet derrière son guichet des PTT, s’autorisait le col ouvert, mais il fallait vraiment ça pour qu’il le fasse. Il fallait voir les jours de vote les voisins habillés pour aller déposer leur bulletin comme pour aller à des obsèques : rasés et dignes. 

Le Président de la République ne peut pas être un homme « normal »

Les temps ont changé, les codes sociaux se sont assouplis, les rapports humains sont moins formels et c’est comme ça. Le street wear s’impose quasiment en toute occasion et c’est ainsi. J’ai dit par ailleurs la consternation que m’avait inspirée la mode uniforme du costard bleu marine-chemise bleu ciel-cravate bleu marine du précédent débat à cinq. Il n’empêche que s’ils avaient vu un Poutou candidat à la Présidence de la République en liquette et mal rasé, tous, grands-pères et pères, oncles et cousins, voisins et pères de copains, quitte à totalement adhérer à ses idées, auraient été horrifiés. Ils y auraient vu un inconcevable manque de dignité et de respect.

Il y a dans toute l’affaire un côté que M. Poutou, pas plus que d’autres avant lui, ne comprend pas : c’est que le Président de la République ne peut pas être un homme « normal ». Il ne peut qu’être digne. Car il porte une image collective et le citoyen aime autant, quelles que soient ses convictions sur le personnage par ailleurs, que cette image soit positive. On ne comprendrait pas plus que le Président descende sur la plage de Brégançon en costume cravate que de le voir en tongs et le torse nu aller chercher ses croissants. La fonction appelle une image et celle que projette le candidat à la fonction interpelle nécessairement l’électeur à titre personnel : est-ce que l’image de ce type, mon représentant, est celle que je souhaite que l’on ait de moi ? Élu, le candidat devient aux yeux du monde le Français-type. La question se transforme alors dans le cas Poutou en : est-ce que je veux qu’on me voie loqueteux et peu porté sur le savon (à barbe !) ? La réponse est évidemment non, quelle que soit la classe sociale. À partir de là, la cause paraît entendue.

Ce que l’on espère maintenant, c’est que les interviews individuelles que l’on nous promet, avec candidats cuisinés par des journalistes sérieux, capables d’apporter une contradiction argumentée, vont enfin permettre, à deux semaines du premier tour, d’entrer dans le vif du sujet et de faire le tri parmi les austères, les zozos lunaires, les mars-nous-voilà, les walkyries, les Saint-Just et le Galatounet à sa Pygmalionne. Quand je pense que l’on se moque des candidats des campagnes présidentielles américaines et de leurs résultats !

Commentaires

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  1. Votre réaction est un réflexe de classe, que vos grands parents et parents soient issus de la dite classe ouvrière ne changent rien à l’affaire.Pour vous, à l’image de Luc Ferry, Mmes Ruth Elkrief et Laurence Ferrari et aussi de Laurent Ruquier, Yann Moix.Vous décrétez que Philippe Poutou n’a rien a faire dans course aux présidentielles pour une questio n d’habillement,Je ne partage pas forcément ses idées, mais il a eu ses 500 parrainages donc il a le droit de venir à la télé,défendre ses idées au même titre que MM.Fillon ,Mélenchon etc qu’il soit en jean tee-shirt tunisien ou en costume-cravate, tenue que vous préférez apparemment.pour un candidat, tout au moins……

  2. Effectivement, tant que l’on continuera à faire croire qu’il faut un beau costard et être bien rasé (désolé pour la gente féminine) pour être respectable, nous n’avancerons pas vers une société plus juste et tolérante. Car, les pires escrocs ne sont pas ceux et celles qui sont entassé.e.s dans nos prisons inhumaines mais certainement ces cols blancs qui nous dirigent et continuent à maintenir les inégalités et empêchent le peuple de se gouverner intelligemment en ne représentant que leurs intérêts personnels !

  3. réflexe de classe …et…générationnel ! je suis certaine que la tenue de Poutou n’a pas choqué les moins de 40 ans pour qui les “marcel” sont strictement inconnus -et donc ne verront pas que le terme est inapproprié puisqu’il n’en portait pas- ! Où avez vous vu çà: ” qu’il soit apparu débraillé et mal rasé me hérisse le poil.” ? j’ai vu un militant dans son rôle, comme chacun l’a été ce soir là !et absolument correct

  4. Force est de constater que sur la scène, à côté d’un Fillon nu et d’un Macron propre comme un oeuf de Pâques, Poutou faisait tache!…
    mais l’habit ne fait pas le moine

  5. Que la tenue de P.Poutou soit calculée, c’est certain, que son style le soit aussi, mais il n’est pas plus ridicule, la règle du jeu étant ainsi faite , que les autres débatteurs . La hargne de votre billet est tout de même un peu trop centrée sur ce candidat .Que penser de la vulgarité de Fillon qui, à mi-voix, pendant les attaques de Poutou, profère : “Ho ho, vous,je vais vous faire un procès ” ( vidéo disponible )Certes, les codes vestimentaires ouvriers étaient différents d’aujourd’hui, c’est sans doute regrettable, mais c’est une évolution contre laquelle on ne peut pas grand’chose .

  6. Même si Monsieur Poutou s’était endimanché comme l’ouvrier d’antan , aux yeux de Sir Hocmard il n’est qu’ un gueux , comme il se disait dans le passé . Et dès lors M le professeur ne lui reconnait aucun droit à s’exprimer , au mépris de la plus élémentaire démocratie .
    Quant à la dignité, nécessite-telle un costume pour se manifester ?

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