La nouvelle République du Centre

En marche avant toute vers le renouvellement intégral. A l’instar du tennis impitoyable de Raphaël Nadal qui Porte d’Auteuil a à nouveau découragé, jeté à terre, battus par sa « decima », tous ses potentiels opposants, le jeune président de la République a décimé les partis de gouvernements traditionnels et émoussé l’élan des nationalistes comme des insoumis dès le premier tour d’un scrutin législatif marqué par l’indifférence ou la résignation majoritaire des abstentionnistes.

Par Pierre Allorant

Avec un tiers des voix de ceux qui se sont exprimés, Emmanuel Macron peut non seulement être assuré d’obtenir la majorité absolue de députés dont il souhaitait disposer pour lancer ses réformes, mais encore il risque de bénéficier d’une « chambre introuvable » écrasée par l’afflux surabondant de novices portés par l’élan du coup de tonnerre présidentiel.

Vers la nouvelle « chambre introuvable »

La défiance civique envers la politique en sort doublement confirmée. Si l’élévation du niveau d’abstention est un classique de lendemains de présidentielles qui déchantent, la nouveauté réside dans le « et droite et gauche » de ce désamour, les socialistes et les républicains ayant essuyé tous les deux une lourde déconvenue le 23 avril dernier. Loin de leurs rêves de revanche au 3e tour, c’est la confirmation de leur déconvenue qui est au rendez-vous, à des degrés différents : la droite continue de payer le manque de courage de ses leaders, leur incapacité à écarter à temps le boulet Fillon, puis son discours inaudible sur la cohabitation comme horizon ; quant à la gauche, elle n’en est plus à la défaite, mais au risque réel de la disparition dans l’éradication, la division, la détestation mutuelle et, comme sanction logique, le rejet sans précédent d’électeurs lassés de l’entre-soi de querelles stériles, déconnectées des enjeux du quotidien.

Les oppositions réduites à leur leader

Parachevant le travail méthodique de dynamitage opéré par le President Macron, Jean-Luc Mélenchon, son « allié objectif », a réussi à achever un PCF à l’agonie et à réduire à peau de chagrin le PS, mais pas à le remplacer. Comme Marine Le Pen qui siègera seule à l’Assemblée sans son armée en déroute, mais en semant la zizanie dans les rangs clairsemés des rescapés de la droite, Mélenchon pourra probablement, du haut de Notre-Dame de la Garde, contempler le champ de ruines de l’ancienne « gauche plurielle » bâtie naguère par Jospin, dont il fut le docile et satisfait ministre.

Ainsi réduites à leur seul leader et cabossées par leur sortie de route de fin de campagne présidentielle, les « deux extrémités de l’omelette » disposeront certes d’une caisse de résonance au Palais Bourbon, mais sans moyens de combattre les politiques présidentielles, sauf à se transporter dans la rue. Pour eux, l’inaccessible étoile se limite pour le 18 juin à un appel à la possibilité d’un groupe parlementaire.

De « deux Français sur trois » à un Français sur deux
Le vote avec les pieds des catégories populaires

Cet échec est directement lié aux deux phénomènes majeurs du 1er tour législatif : la résignation des catégories populaires, séduites hier par les contestations virulentes, aujourd’hui sur le bord de la route civique, peu convaincues et même peu concernées par un renouvellement porté par les élites urbaines, diplômées, europhiles et optimistes sur la possibilité d’un redressement français.

Cette mise sur la touche des ouvriers et des employés ne peut qu’interroger sur la santé de notre démocratie, doute redoublé par la discordance entre le raz-de-marée en marche programmé et la représentation disproportionnée, relançant l’opportunité d’introduire une part de représentation proportionnelle.

Le cartel des perdants, l’ancrage balayé par l’étiquette

Tout aussi frappant à l’observation de près des résultats : la légendaire prime au sortant, ancré solidement dans sa circonscription depuis des lustres, est devenue une pénalité souvent rédhibitoire, transformant ce scrutin en “bourreau des légendes” au détriment des vieilles gloires, singulièrement des grognards du mitterrandisme, des souquiers du jospinisme et même des jeunes pousses du hollandisme finissant. Seuls les « soumis » à la nouvelle donne y ont gagné leur survie, mais à quel prix ? La majorité n’aura aucunement besoin de leur appoint et comment pourraient-ils prétendre incarner une alternative ?

Le cimetière des éléphants n’est pas un simple nouveau coup de Trafalgar, c’est un adieu à la gauche plurielle étrillée. Et puisque nous sommes désormais dans le « et droite et gauche », c’est « en même temps » l’adieu aux armes d’une partie de la génération Chirac, élue depuis la fin du XXe s., y compris dans ses bastions comme le Loiret.

La carte majoritaire sans le territoire

Cette drôle de République du centre qui s’installe depuis un mois, au risque de l’hégémonie, balaie la carte électorale héritée de l’histoire des tempéraments politiques français depuis la Révolution. La plasticité du macronisme aboutit à gommer les bastions, à éroder les fiefs. La gauche avait déjà perdu de longue date le Midi puis récemment le Nord, elle abandonne désormais le Sud-Ouest. En Centre-Val de Loire, les centristes déboulent en tête aussi bien sur les décombres du socialisme tourangeau que sur les reliefs du conservatisme loiretain, dans les deux métropoles dynamiques aussi bien que dans les territoires berrichons déshérités.

Le contrepoids des collectivités et de la société civile

Paradoxalement, la fin de la France des notables à l’assemblée nationale, qui anticipe l’application du non-cumul des mandats, redonne toute son importance au contre-poids territorial incarné par le Sénat, par les régions et par les métropoles. Face à une assemblée monocolore, un véritable dialogue devra se nouer avec les territoires et la société civile. Comme l’ecrivait Michel Crozier il y a un demi-siècle, on ne réforme pas une société par décret. Et, même dictées par un jeune médecin séduisant, des ordonnances ne sauraient à elles seules guérir une France malade.

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