“Dom Juan” ou la volonté de puissance

Dès le préambule du Dom Juan de Molière mis en scène par Anne Coutureau et proposé par l’ATAO au Théâtre d’Orléans, ce mercredi soir, le ton est donné par une scène de violence, de baston, qui se déroule dans une semi obscurité avec l’acharnement de plusieurs ombres non-identifiées sur un homme à terre, comme filmée par une caméra de surveillance.

Car Anne Coutureau a choisi de nous montrer un homme non pas victime d’une pulsion irrépressible à l’égard des femmes, mais bien un Dom Juan dont la soif de pouvoir passe par la volonté d’assouvir sa toute puissance dans la négation de l’autre comme individu, ravalé à un statut d’objet se pliant à son désir sans limite. Ce regard nous est-il suggéré par une actualité récente ? Sans doute, mais le texte de Molière, dans cette lecture, trouve une dimension contemporaine qui pourrait nous surprendre si l’on ne savait déjà, le talent intemporel de l’homme de théâtre dans sa description de la nature humaine.

La mise en scène proposée ici, par le choix d’une forme contemporaine, amplifie cette sensation que c’est bien à nous que ce texte s’adresse, avec cette gestuelle qui par sa modernité actualise le verbe dans toute sa fluidité. Et si le séducteur Dom Juan (Florent Guyot) nous apparait plutôt comme un froid calculateur aux gestes précis et au physique de bagarreur (on oserait dire “poutinien”), le contrepoint du génial Sganarelle (Tristan Mekhirian) nous offre une truculence scénique dans son rôle de porte parole de l’auteur, exprimant péripétie après péripétie, son point de vue moral sur le personnage. Et si le public (composé ce soir de nombreux lycéens) rit de ses répliques de serviteur, la question posée du destin d’un homme qui n’aime que son plaisir et se moque de Dieu s’inscrit ici dans toute son actualité.

Certes la religion ne suffit plus à condamner ce comportement, mais quelle morale humaine peut avoir aujourd’hui l’autorité de juger ce pervers narcissique, au delà d’un simple classement dans une catégorie psychologisante ?

Reste, comme Dom Juan nous le suggère à la fin, la solution de l’hypocrisie sociale ou religieuse, mais sans doute là, entrons-nous dans une autre pièce de l’illustre créateur: le Tartuffe…

Gérard Poitou

“Dom Juan” de Molière
Mise en scène Anne Coutureau

Avec:
Birane Ba (Pierrot), Dominique Boissel (Dom Louis), Johann Dionnet (Dom Alonse et Monsieur Dimanche), Pascal Guignard-Cordelier (Francisque), Florent Guyot (Dom Juan), Peggy Martineau (Done Elvire), Tigran Mekhitarian (Sganarelle), Aurélia Poirier (Mathurine), Kevin Rouxel (Don Carlos), Alison Valence (Charlotte)

Mercredi 13 décembre Théâtre d’Orléans

Tout le programme de la saison de l’ATAO

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