S’il y a une chose que l’horreur de l’échange entre une appelante et le SAMU de Strasbourg diffusé ces jours-ci a démontrée, c’est l’utilité, dans ce genre de cas, des réseaux sociaux, si nuisibles par ailleurs quand il s‘agit de propager des rumeurs et des bobards. Sans cette diffusion, y aurait-il eu la moindre réaction des responsables du SAMU local, du ministre de
la santé et autres acteurs du système ?
Par Gérard Hocmard
On reste sans voix devant la froideur, la cruauté et le cynisme de l’opératrice du 15, que n’excusera jamais l’invocation de la surcharge de travail, de la multiplicité des faux appels et de toutes les bonnes raisons que ne manqueront pas d’avancer sa hiérarchie, son syndicat, ses avocats et autres. L’ironie de l’opératrice du 18 qui lui a passé l’appel a certes conditionné en partie sa réaction, mais il faut vraiment être moralement dégueulasse pour oser répondre à une personne qui appelle — même s’il s’agit éventuellement d’un mythomane ou d’un farceur — qu’elle va mourir « comme tout le monde ».
Pour avoir eu recours au SAMU dans diverses villes, je voudrais insister sur son efficacité : je lui dois plusieurs fois la vie. Mais je peux aussi témoigner que ce qui est arrivé à cette malheureuse jeune femme n’arrive pas qu’aux autres et voudrais souligner l’importance du premier contact.
En déplacement à Metz il y a quelques années, j’ai été pris une heure après le dîner de symptômes qu’à l’expérience j’ai aussitôt reconnus comme l’annonce d’une allergie majeure. Les médicaments que j’ai toujours avec moi n’ayant pas eu d’effet, j’ai appelé le 15 depuis mon hôtel en expliquant posément et distinctement la situation et ma présence dans une ville inconnue. En guise de réponse, je me suis vu conseiller d’appeler mon généraliste ou le commissariat de police pour me procurer des médicaments à la pharmacie de garde. J’ai insisté sur mon passé de chocs anaphyllactiques et sur la nécessité d‘une prise en charge rapide de l’allergie qui commençait à me couvrir d’urticaire. Réponse : « appelez SOS Médecins — comme à Strasbourg ! — ou venez aux urgences, on verra s’il y a lieu d’intervenir » : le type ne voulait rien savoir. Un taxi attendu dix longues minutes m’a conduit à l’hôpital, où mon état a déclenché dès l’arrivée un branle-bas de combat salutaire. Sorti d’affaire le lendemain, j’ai raconté mon échange avec le 15 mais n’ai jamais connu la suite.
Il y aura peut-être, à la suite de cette malheureuse affaire de Strasbourg et de l’émotion qu’elle a créée, des notes de service à l’intention des opérateurs et opératrices de numéros d’urgence. On décidera peut-être même d’un renforcement des programmes de formation à l’écoute. Mais est-il possible de former à l’empathie, à l’intelligence du cœur ? Personnellement, j’en doute.
Gérard Hocmard