Graçay n’est plus le village le plus drôle du monde. Commencée en 2014, l’aventure humoureuse entre un artiste et son village s’est terminée en septembre 2018 sur fond de polémique. En 2019, Graçay entreprend sa renaissance en se passant de ses bouffons.

La graineterie Clause n’est plus la Maison Clause, et le Crédit agricole ne fait plus sécher de faux billets dans son jardin. À la place, ce sont des photos grand format qui habillent les rues de Graçay, en complémentarité du musée de la photo, 3e de France, qui jouxte l’office du tourisme. Et celui-ci, antenne de celui de Vierzon, ne vante plus la commune comme étant le Village le plus drôle du monde, mettant au pilon ses documents dédiés.

D’un commun désaccord (profond), le premier magistrat de la ville et le clown Charli Saubestre ont rompu le pacs honoré cinq ans avant, sous la bénédiction de la mère Bodin, une amie de longue date. De tout ceci, il ne reste plus qu’un livre, un DVD, un site internet désormais obsolète, et une page Facebook ponctuée d’échanges peu amènes. Désormais, Graçay se tourne vers l’avenir, pense à sa revitalisation, et forme des ateliers où les habitants redeviennent sérieux pour réfléchir à leur quotidien, mettant le cap sur 2030.
« Durant ces deux dernières décennies, le territoire graçayais s’est profondément transformé et se trouve doté de l’ensemble des équipements publics et privés indispensables à une vie agréable et moderne. Près de 25 millions d’€ ont été investis et ont permis de juguler l’hémorragie démographique et combattre ainsi la désertification. Cette année, la commune va vivre une étape marquante de son processus de développement. Elle lance une grande concertation citoyenne sur l’avenir de Graçay ces 10 prochaines années », annonce la municipalité, enclenchant dans le même temps cette étape de « démocratie participative », plantant un arbre sensé représenter cette démarche devant l’hôtel de ville, et retirant toute trace du parcours humoristique précédemment destiné à attirer les touristes, et faire la notoriété du village.
Humour et désenchantement
Peut-on faire sa notoriété sur la dérision et le contre-pied ? Un bouffon peut-il devenir l’emblème d’une communauté ? Là est la question. Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, ont tenu à signifier certains à Charli Saubestre, un graçayais homme de spectacle, qui eut l’idée en 2014 de faire de Graçay « le Village le plus drôle du Monde », avec l’appui du Comité de la « Foire aux Trufiaux » et du Comité des Fêtes. « Le but est de tenter de changer le village avec l’appui du plus grand nombre de personnes de la commune par de petites actions, telles que : refaire toutes les vitrines du centre qui sont abandonnées en les transformant (après accord des propriétaires) en boutiques de photographes qui prolongeraient le musée de la Photographie ou en galeries d’art, ou encore en vitrines d’artisans qui n’ont pas pignon sur rue. Faire la maison la plus drôle (ou la plus originale) avec différentes possibilités ». Les graçayais ont joué le jeu, et le projet aura tenu cinq ans, avec une dernière année chaotique, avant de s’éteindre en septembre dernier.
Aujourd’hui, Charli Saubestre, dépité, publiquement rejeté par une partie de la population et des responsables locaux, annonce la mise en vente de sa maison et du parc où il avait construit un amphithéâtre pour accueillir les spectacles « mégalo romain » proposés pendant la période estivale. Mégalo ? Là était le reproche qui lui était fait, justement. « Va donc te trouver un village ailleurs », lui ont écrit certains. Nul ne sait si cela se fera, ni où. Lui seul le sait.

Mais Graçay, pour sa part, souhaite regarder l’avenir en se donnant une image plus « positive », moins excentrique, même si elle est désormais plus conformiste. Une autre façon de célébrer la Renaissance fêtée en cette année 2019 sur toute la région, en quelque sorte. Et qu’importe si pour cela, il faut bannir les bouffons.
Jean-Luc Bouland.