Le psychiatre et écrivain Roger Gentis n’est plus

Je jure que si demain on parlait de liquider en France, par des moyens doux, cinquante à quatre-vingt mille malades mentaux et arriérés, des millions de gens trouveraient ça très bien, et l’on parlerait à coup sûr d’une œuvre humanitaire, et il y en a qui seraient décorés pour ça, la légion d’honneur et le reste.”
Les murs de l’asile Roger Gentis

Roger Gentis est décédé ce 5 août à l’age de 91 ans, il est l’un des psychiatres les plus représentatifs de sa génération, celle qui s’est élevée contre l’enfermement asilaire et une pratique psychiatrique aussi pauvre que répressive. Formé à Lyon, Roger Gentis rejoindra en 1952 l’équipe de l’hôpital de Saint Alban en Lozère, hôpital psychiatrique exemplaire, qui durant la seconde guerre mondiale, sous la direction de Lucien Bonnafé et du psychiatre espagnol Francesco Tosquelles résistera à la liquidation par la faim de milliers de malades abandonnés dans la France de Vichy, par l’institution psychiatrique  censée les protéger, cette hécatombe des fous à laquelle fait allusion la citation en exergue.

Un petit groupe de psychiatres va alors se former avec Jean Oury, Horace Torrubia et quelques autres pour totalement repenser le “soin” psychiatrique en développant le concept de psychothérapie institutionnelle, terme formalisé par le psychiatre Georges Daumézon, dans une approche qui ne veut pas dissocier les apports thérapeutiques de la psychanalyse freudienne et l’analyse sociale du marxisme.

C’est dans cette approche d’humanisation de l’institution psychiatrique que Roger Gentis prendra en 1964 la direction du Centre de formation des élèves infirmiers au CHS de Fleury les Aubrais, pour lequel il passera beaucoup de temps à superviser l’enseignement et à le faire évoluer.

Il y a quelque chose d’extraordinairement faux, paradoxal et presque irréel dans cette situation de l’infirmier exécutant, considéré du point de vue de la psychologie médicale. Plus il obéit, moins il pense, plus il appauvrit son intuition, refoule ses sentiments, tient le malade pour un objet, plus il est bon “surveillant” moins il est bon “soignant”. A la limite, il n’est rien, on peut le remplacer – on l’a souvent fait, historiquement – par des dispositifs matériels.” Roger Gentis

Dans les années 70, Roger Gentis militera en France pour les thèses du psychiatre italien Franco Basaglia qui inscrit sa démarche en Italie dans un mouvement social en collaboration avec les forces politiques communistes et le mouvement syndical, démarche qui refuse de dissocier soin et vie sociale et qui conduira à la fermeture des asiles en Italie et à la sectorisation de la psychiatrie en France.

En plus de ses activités au sein de l’institution psychiatrique, Roger Gentis se consacra à une production de livres considérable qui contribuèrent à modifier la perception de la maladie mentale dans son rapport à la société avec des ouvrages parmi lesquels “Les murs de l’asile”, “Les schizophrènes”, “N’être” ou “Les leçons du corps”.

“On reconnaît une société à la façon dont elle traite ses fous” Jean Oury

GP

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  1. Saluons en effet l’oeuvre du grand psychiatre que fut Roger Gentis qui a notamment eu pour rôle d’encourager André Robillard, créateur d’art brut fleuryssois, aujourd’hui mondialement connu. Rappelons en effet qu’en 1982, le docteur Gentis a fait l’inventaire de l’atelier d’André Robillard auquel il a consacré une étude publiée dans un des fascicules de la Collection de l’art brut et aussi, sous une forme un peu modifiée, dans “Projet Aloïse”. André, qui se réfère souvent à lui (et l’associe à cet autre grand psychiatre que fut Paul Renard) sait ce qu’il lui doit dans l’épanouissement de son activité créatrice.

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