Maryse Bouthegourd, douce leçon d’art et de passion

Amour de l’art et talent, écoute et générosité d’une femme d’exception. Histoire de l’art, histoire de l’âme. Maryse, artiste loirétaine, a toujours été attirée par la beauté : « Tout est arrivé par hasard, tout simplement parce que je ne souhaitais pas passer des vacances ordinaires. Un beau jour, j’ai répondu à une annonce de stage de gravure à Formentera, petite île des Baléares, animé par un peintre graveur belge, Gilbert Heyrrens, installé à Ibiza. Je me suis toujours jugée peu douée pour le dessin mais c’est là-bas que la rencontre a eu lieu, que j’ai découvert la gravure et approché ses différentes techniques ».

Maryse à sa presse de Saint-Benoit. © Jean-Dominique Burtin

De retour à Paris , après ses vacances, Maryse déniche des cours de gravure dispensés par la ville de Paris et s’inscrit à ceux-ci. De fait, professeur de communication en titre, Maryse a enseigné notamment à La Source, en Martinique puis à partir de 1980, à Paris au Lycée Racine.

Membre de la Société des Artistes Orléanais et Vice-Présidente Gravure, Maryse vit et travaille aujourd’hui dans son clair atelier de Saint-Benoit-sur-Loire prisé par les amis et les artistes. Ici s’ouvrent ainsi les portes d’une belle création personnelle sans cesse en devenir.

« Ne pas compter son temps et mesurer le poids du temps »

Maryse Bouthegourd : « Toute petite, j’ai toujours été attirée par l’art. Je me souviens,  je m’amusais à peindre sur du contreplaqué, j’effectuais des copies de peintures de Cézanne – en particulier – sur papier, je dévorais des revues d’art… J’avais cela en moi ; j’aimais beaucoup également encadrer certaines reproductions d’œuvres. En vérité, j’adorais collectionner, bricoler tout un tas de choses, tout un tas de formes et de couleurs. J’étais aussi très attirée par la sculpture. »

Ajuster le support. © Jean-Dominique Burtin

Maryse, encore : « Lorsque j’y repense, ce voyage de 1983 aux Baléares n’était en fait qu’un prétexte à pouvoir m’exprimer, à répondre au désir d’ouvrir des portes sur un devenir, un je ne sais quoi qui m’attendait mais j’en étais sûre… je trouverais !! Aujourd’hui, je me souviens aussi que Maman me disait que je commençais tout et que je ne finissais jamais rien. Sans doute avait-elle raison… l’envie de connaître, de faire, me faisait aller dans de nombreuses directions… La gravure m’a permis de me rendre compte du temps nécessaire pour réaliser une création… de ne plus me disperser, de me poser. La gravure, pour moi “capricornienne”, c’est Saturne, celui qui oblige à ne pas mesurer le poids du temps, mais à prendre le temps, le temps de la réflexion, du respect de toutes les étapes nécessaires à l’aboutissement d’une gravure jusqu’à l’impression finale. »

« Se retrouver dans son monde intérieur »

A Paris, rue Molière, Maryse Bouthegourd suit pendant quelques années les cours de Zwy Milshtein : « Avec lui, c’était une ouverture sur le monde de l’art étrange qui s’offrait à moi, ainsi que l’ouverture sur un monde de bohème qui m’a permis de me retrouver dans mon monde intérieur. »

Quelques années plus tard, toujours rue Molière, elle poursuivra son travail jusqu’en 2004 avec Yvonne Alexieff, artiste qu’elle ne peut oublier pour le sentiment de liberté et d’amitié qu’elle fait naître dans l’atelier : « C’est elle qui m’a permis enfin de percevoir comment on pouvait dépasser un travail, exploiter un début de recherche, démarrer une série… »

« J’avais toujours besoin d’apprendre et de découvrir »

Maryse Bouthegourd, passionnée par les civilisations anciennes, la calligraphie, la dorure à la feuille et la poésie, continue d’être attirée par les bords de Loire… Elle est née au pied de la Loire à Saint-Benoit. La Loire a été sa compagne durant toute son enfance.

Le travail à la feuille d’or. © Jean-Dominique Burtin

Ce n’est que bien plus tard qu’elle a découvert son « premier fossile » sur une grève du Mesnil près de Germigny des Prés. L’observation de tous ces fossiles collectés, venus du fond du temps, avec leurs lignes, leurs traces, leurs stigmates, signes de souffrance, l’ont impressionnée, séduite, et l’on conduite petit à petit au fil des années vers une merveilleuse comme élégante abstraction.

A dire vrai, c’est avec infiniment d’admiration et d’étonnement que nous contemplons ce travail né à fleur de terre et de limon , ce travail de métamorphose très personnel.

Pour ce qui la concerne elle n’y voit « pas des formes mais des lignes qui se font et se défont , s’interpellent ».

À propos de son travail, elle raconte : « Au départ , j’ai joué sur les couleurs alors que le noir et blanc sont souvent associés à la gravure. J’ai voulu  expérimenter,  utiliser des encres,  appliquer des papiers coloriés sur mes gravures… Ce travail d’atelier était passionnant, excitant ! La gestuelle est pour moi très importante. L’unique trait de pinceau, « l’inspir » et « l’expir » : quelques années passées à pratiquer la peinture coréenne à Orléans avec Choe Joo-Young m’ont amenée à rechercher une expression dépouillée et totalement libératoire. »

Maryse Bouthegourd est une artiste, humble et secrète, sans cesse en quête d’apprendre, de rechercher et d’échanger, de tutoyer les matières, attentive à ce qui peut alerter la création et totalement capable de s’oublier dans l’accueil de l’autre.

« C’est seulement de la rêverie qui trotte »

Aujourd’hui encore, celle qui, avec Benoit Gayet, dans le cadre du 100e salon des Artistes orléanais, a participé à l’organisation en 2003 d’une exposition « Gravures–Estampes » à Saint Pierre le Puellier, se souvient de la petite phrase d’Alechinsky qui l’habite dans sa création : « Ce n’est pas du travail vous savez, c’est seulement de la rêverie qui trotte. » Alors Maryse continue d’œuvrer et pense à ses bords de Loire où elle rêve et puise l’inspiration. C’est là qu’elle trouve la quiétude, la possibilité d’aller à sa propre rencontre.

Maryse Bouthegourd, à feu de création ouvert, reprend les propos de Francis Bacon : « Il faut être très serein pour parvenir à la création ou alors très malheureux, je ne sais pas…»

Quelques œuvres accomplies© Jean-Dominique Burtin

Maryse qui aime aussi Olivier Debré et Zao Wou-Ki, philosophe : « A présent j’ai besoin d’être en paix, dans le calme, d’aller marcher et de me demander ce qui allait se passer au moment d’une découverte. Je me souviens qu’il m’a fallu laisser passer le rêve en moi, faire vivre des choses inertes. J’ai toujours l’impression que l’on m’envoie quelque chose de loin. C’est simplement un don, un éclat de nature que je vais exploiter avec lequel je vais composer, décomposer et me surprendre moi-même. »

Aujourd’hui, celle qui a reçu avec bonheur le Prix de la Ville d’Orléans en 1996 – une surprise qui l’a stimulée à l’époque – demeure fidèle à l’association dont elle est, avec Benoit Gayet et bien des amis, une cheville ouvrière.

Jean-Dominique Burtin

 

Commentaires

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  1. Très belle interview , de celles qui donnent la parole à l’artiste . Vous mettez en lumière Maryse Bouthegourd , une graveure authentique et toujours en recherche . Elle fait beaucoup pour les autres , qu’elle soutient et aide de son mieux à travers les Artistes Orléanais , dont elle s’occupe de la section gravure avec une générosité incroyable. Hommage lui soit rendu . Merci
    Yvonne Alexieff

  2. Bravo pour ce bel article sur Maryse Bouthegourd !
    Voilà un portrait très beau et très juste de cette grande artiste simple, sensible et généreuse.
    J’admire son travail, mais j’admire encore plus la personne. Je lui adresse mon immense affection indéfectible.

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