2021, l’année de Wallis-et-Futuna # 1

Wallis-et-Futuna, aux antipodes de la métropole, commémore le soixantième anniversaire de la loi qui lui confère le statut de Territoire d’Outre-mer. Le 29 juillet 1961, la France de De Gaulle reconnaît enfin une identité républicaine aux 10.000 habitants de cette terre perdue dans l’immensité du grand océan Pacifique. La diaspora métropolitaine éparpillée dans une constellation d’associations cultuelles et culturelles organise une série de manifestations pour donner de la couleur à l’évènement oublié du calendrier officiel. Rassembler la discrète communauté autour d’un four traditionnel n’est pas son seul objectif. Elle veut marquer sa différence, sortir de l’invisibilité. Dans le Loiret, des wallisiens se préparent depuis plusieurs mois.

Felave’i Fiafia, rencontre dans la joie (1)

photo Caroline Bourgine

Ils sortent des voitures avec de larges colliers brillants et multicolores. Des couronnes de fleurs synthétiques dans les cheveux.

Ils portent une chemise blanche sur un tissu fleuri qui descend jusqu’aux mollets. Étoffes chatoyantes. Tous dans un même apparat. Les enfants. Les parents. Les grands parents. Pour certains, les ta’ovala (ceintures de feuilles tressées) serrent leurs tailles puissantes.

Cette troupe joyeuse et inspirée remplit rapidement la place de l’église de Patay.

Au café du coin, personne ne semble étonné. Ce n’est pas la première fois que des Wallisiens et Futuniens se rassemblent dans la petite commune beauceronne un dimanche matin.

Mais aujourd’hui, on célèbre Pierre et Paul. Et les familles pieuses sont nombreuses pour ce rassemblement. A pas lents, elles sont aspirées par grappes dans l’église où l’on entend déjà des notes ensoleillées.

Quelques fidèles beaucerons semblent exilés dans ce décor multicolore. Ici, les rares cultivateurs pratiquants accueillent avec bienveillance ces fervents catholiques qui donnent de nouvelles couleurs à leur spiritualité.

Messe wallisienne dans l’église de Patay (photo PV)

La ferveur religieuse est un fondement de la culture wallisienne et futunienne. La messe est un rendez-vous immanquable. Depuis que les missionnaires catholiques ont planté l’évangile sur leur « terre vierge », vers 1840, ce peuple des mers a embrassé le christ sauveur pour le convaincre de vivre en lui. Il lui a construit des dizaines d’églises en pierre corallienne ou volcanique et le vénère avec une foi profonde. Il respecte la loi nouvelle que les prêtres ont imposée : la messe est obligatoire ! Quelques années plus tard, ce peuple de guerriers est devenu le fer de lance de l’évangélisation des autres archipels.

Dans l’allée centrale, on remarque Mikaele Tui. C’est un homme massif à la démarche lourde, les cheveux blancs noués en catogan. Il est attentif aux déplacements, aux préparatifs du groupe musical, à l’arrivée des retardataires.

Les hallebardiers ouvrent la procession qui s’avance lentement vers le cœur de l’église. Les cantiques s’élèvent dans une langue inconnue, la communauté est à l’unisson.

Un patriarche wallisien à Epieds-en-Beauce.

Mikaele Tui (photo Muriel Bordier)

Mika est arrivé à Epieds-en-Beauce en 2014. Avec son épouse IIaisaane, ils ont quitté l’île natale pour rejoindre leurs enfants qui vivent dans le Loiret depuis plusieurs années. Certaines de leurs filles ont suivi un mari militaire.

Aujourd’hui, autour du patriarche, le clan s’est resserré. Ilaisaane veille sur la maison des enfants sages. L’image du Christ au-dessus de la cheminée aussi.

Mika est né il y a 60 ans quand Uvea mo Futuna (2) devenait officiellement Territoire d’Outre-mer après avoir été Protectorat Français.

Dans le district de Mua, au sud de l’île de Wallis où il a grandi, Mikaele Tui est chef coutumier. Représentant d’une famille royale prétendante au trône, protecteur du patrimoine culturel wallisien, il est la mémoire des traditions ancestrales et de la généalogie. Contrairement aux occidentales, les sociétés polynésiennes se représentent le passé devant Le futur, inconnu, est derrière. Le souvenir des anciens est un savoir essentiel. Il est toujours présent dans la vie quotidienne. Il est conservé et transmis oralement par une élite respectée par toute la communauté.

Mika est de ceux qui se souviennent et qui rappellent le lien solennel qui rattache le présent au passé. C’est un inlassable passeur de culture. Intransigeant sur le protocole. Exemplaire dans sa représentation de lui-même. Méticuleux avec notre langue pour percer les malentendus. Indulgent avec les incrédules. Mais indestructible.

Il accompagne tous ceux qui s’intéressent à sa culture, les anthropologues, les linguistes, les documentaristes. On retrouve son nom dans la plupart des thèses et monographies pour le remercier d’avoir contribué au savoir de l’Humanité, celle qui écrit pour se souvenir. On le voit accompagner Christian Karembeu en tournage d’un magazine documentaire. On le reconnait sur une photo à côté d’un ministre. Disponible pour partager sa connaissance, mais aussi et surtout vigilant sur le respect des traditions. Il porte trois millénaires d’Histoire (3). C’est lourd.

Philippe Voisin

A suivre “2021, l’année de Wallis-et-Futuna #2”

Notes:

  1. Felave’i Fiafia est le nom de l’association orléanaise présidée par Mikaele Tui.

  2. Wallis et Futuna. Wallis est le nom du navigateur anglais qui aborda en 1767 l’île d’Uvea.

  3. Les traces de la civilisation dite Lapita remonte à l’an 1000 avant JC

Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer

Article 2

Les originaires du territoire des îles Wallis et Futuna ont la nationalité française. Ils jouissent des droits prérogatives et libertés attachés à la qualité de citoyen français et sont soumis aux mêmes obligations. Ceux d’entre eux qui n’ont pas le statut de droit commun conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas expressément renoncé.

Article 3

La République garantit aux populations du territoire des îles Wallis et Futuna le libre exercice de leur religion, ainsi que le respect de leurs croyances et de leurs coutumes en tant qu’elles ne sont pas contraires aux principes généraux du droit et aux dispositions de la présente loi.

Bibliographie :

Journal de la Société des Océanistes – 122-123 – 2006

Uvéa, préhistoire de Wallis de Christopher Sand – ed. grain de sable.

Au Pays des trois royaumes – ouvrage collectif – collection Pacifique

Wallis-et-Futuna de Philippe Godard – éd. Mélanésia

Des archéologues, des conquérants et des forts de Daniel Frimigacci – ASC pour la culture et l’art WF

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