La Covid-19 sévit en France et dans le monde depuis un an mais peut-on déjà savoir comment cette maladie évoluera dans les prochaines années : pandémie, épidémie saisonnière ou maladie endémique ? Pour tenter de répondre à cette question, nous avons interrogé le Docteur Jean-Paul Briand*, chef de la rubrique Santé de Magcentre.
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Dès son apparition fin 2019 en Chine, la Covid-19 a été qualifiée d’épidémie. Lors de son arrivée en Europe et donc en France, puis sa diffusion sur le globe, c’est devenu une pandémie. On parle même d’endémie. Quelle est la différence ?
Jean-Paul Briand : Ces terminologies sont utilisées en épidémiologie. Une maladie qui survient d’une façon épisodique et fluctuante, est une maladie sporadique. Lorsqu’une infection persiste, qu’elle est enracinée sur un territoire, ou au sein d’une même collectivité, qu’elle contamine constamment mais irrégulièrement des sujets sains, on parle alors de maladie endémique. Si elle se développe brutalement avec un très grand nombre de cas, il s’agit alors d’une épidémie, qui peut être cyclique, annuelle ou saisonnière. C’est une pandémie quand elle se répand à l’échelle mondiale. La Covid-19, devenue pandémie, a deux spécificités. C’est une maladie émergente, aux caractéristiques initialement totalement inconnues, et une « zoonose », provenant d’un virus animal qui, à la suite de mutations, a franchi la barrière d’espèce pour contaminer les hommes.
Comment faire le distinguo entre l’incidence, la prévalence, les taux de morbidité, de mortalité et de létalité, souvent cités dans les médias ?
J-P.B. : L’incidence est le nombre d’individus malades au cours d’une période donnée, rapporté à la population totale. La prévalence mesure le nombre de personnes atteintes au sein d’une population précise, à un moment donné, exprimée habituellement en pourcentage. Le taux de morbidité est le rapport entre le nombre de malades dans une population spécifique, sur une période donnée, généralement un an. Le taux de mortalité est le nombre de personnes décédées de la maladie, rapporté à la population totale. Le taux de létalité d’une maladie est le nombre de décès parmi les patients atteints.
Pouvez-vous donner quelques exemples de maladies saisonnières ou endémiques ?
J-P.B. : Les maladies saisonnières virales sont habituellement fonction des conditions climatiques. En France métropolitaine, chaque hiver, sévissent des infections telles que la grippe, des gastro-entérites (diarrhées infectieuses), des bronchiolites chez les nourrissons. Ces maladies saisonnières hivernales peuvent devenir d’authentiques épidémies si leur nombre de cas est très élevé. Dans la zone intertropicale, la dengue est très fréquente pendant la saison des pluies favorable aux moustiques qui la propagent. La varicelle est habituelle au printemps sans que l’on sache pourquoi. Le paludisme est une maladie parasitaire endémique dans quinze pays d’Afrique subsaharienne et l’Inde.
« On peut donc imaginer que la Covid-19 sera essentiellement présente en période froide et humide, donc a priori durant la saison hivernale. »
Quant à la Covid-19, peut-elle devenir saisonnière ou endémique ?
J-P.B. : Le Sars-Cov-2 possède une membrane qui est préservée par l’humidité et le froid mais altérée par la chaleur et la sécheresse. On peut donc imaginer que la Covid-19 sera essentiellement présente en période froide et humide, donc a priori durant la saison hivernale. Si c’est le cas, elle deviendrait une maladie saisonnière. Si le virus reste toujours présent et infecte irrégulièrement, nous serons dans une situation d’endémie.
Si la Covid-19 est endémique, que peut-il se produire ?
J-P.B. : Lorsqu’une maladie virale reste présente ou s’active chaque année à la même période, elle contamine de nombreuses personnes qui, une fois guéries, sont immunisées. Au fil du temps, leur nombre augmente. Si des mutations importantes ne se produisent pas, le virus en cause perd progressivement de sa capacité infectieuse. Ce phénomène est amplifié par la vaccination qui augmente aussi le nombre de personnes immunisées. Dans le cas de la Covid-19, si l’infection à SARS-CoV-2 reste asymptomatique ou bénigne chez les enfants, l’exposition au coronavirus dans la petite enfance (3 à 6 ans) apportera une immunité collective supplémentaire. Elle permettrait, à l’âge adulte et même beaucoup plus tard, de ne développer qu’une forme légère à modérée de la maladie. En ce sens, une équipe de chercheurs de l’Emory University (Atlanta) a étudié plusieurs scenarii de l’évolution de l’infection Covid-19.
Quelles sont leurs conclusions ?
J-P.B. : L’un de leurs modèles étudiés suggère « qu’une fois la phase endémique atteinte et avec l’exposition primaire dans l’enfance, le Sars-CoV-2 peut ne pas être plus virulent que le rhume ». Mais si une mutation du coronavirus provoque une maladie grave chez les enfants un autre scénario, plus inquiétant, est possible. La Covid-19, sans traitement efficace, restera dans ce cas un grave danger. L’équipe de chercheurs concluent que “ces résultats renforcent l’importance de l’endiguement comportemental lors du déploiement du vaccin pandémique (confinement, mesures barrière), tout en nous incitant à évaluer des scenarii de poursuite de la vaccination en phase endémique”. Il faudra attendre encore plusieurs mois avant de se prononcer sur le devenir de la Covid-19. Il faut continuer les mesures de protection (masque et hygiène des mains) d’autant qu’elles protègent également contre l’ensemble des virus en circulation…
Propos recueillis par Elodie Cerqueira
* Ni virologue ni expert en épidémiologie, le Docteur Jean-Paul Briand a construit ses propos à partir de lectures scientifiques et de ses souvenirs de faculté de médecine.