[Mag Dossier] Les châteaux de la Loire se mettent au vert

Malgré les difficultés, plusieurs châteaux de la Loire de la région tentent de concilier patrimoine historique et transition énergétique. Les initiatives sont nombreuses pour réduire la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre.

La tâche est loin d’être simple, et pourtant… Conscients des enjeux de la transition énergétique et de leur rôle à jouer dans ce domaine, de nombreux châteaux de la Loire en région Centre-Val de Loire s’organisent pour diminuer leur consommation énergétique et agir ainsi pour mieux respecter la planète. Cependant, tous s’accordent pour affirmer qu’il est « impossible de faire n’importe quoi ». En effet, le lieu doit rester authentique et rester en adéquation avec son histoire. Il serait ainsi invraisemblable de voir pousser des éoliennes dans les parcs ou des panneaux photovoltaïques sur les toits. C’est donc un vrai dilemme pour les propriétaires et gérants des châteaux de la Loire de la région. « Il faut trouver le juste équilibre avec l’historicité des lieux, affirme Mathieu Bibard, le responsable touristique du château de Montpoupon à Cérè-la-Ronde (Indre-et-Loire). Il faut savoir que ces travaux engendrent des coûts pharaoniques et avec les saisons qui s’annoncent difficiles à cause des fermetures administratives, on y va à notre rythme et en fonction de notre budget. »

Château de Montpoupon DR

Ces problèmes financiers sont partagés par l’ensemble des châteaux contactés. Chacun d’entre eux progressent par petites actions au fur et à mesure des travaux. Des chantiers pour la plupart débutés il y a déjà plusieurs années, comme par exemple le remplacement des ampoules par des LED basse consommation ou la limitation de l’éclairage nocturne. Cette étape a été franchie du côté d’Amboise (Indre-et-Loire), de Talcy (Loir-et-Cher), de Châteaudun (Eure-et-Loir), d’Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire), de Villandry (Indre-et-Loire) ou encore du château du Rivau à Lémeré (Indre-et-Loire), de Troussay à Cheverny (Loir-et-Cher) et de Langeais (Indre-et-Loire). « On essaye d’aller dans différentes directions de manière empirique, explique Marc Métay, directeur du château d’Amboise. Il y a une vraie intention de rechercher les bonnes pratiques ailleurs pour s’inspirer. Je pense que chacun peut trouver des solutions par rapport à son site. Dans tous les cas, tout part d’une prise de conscience. »

Des actions contre de vraies passoires thermiques

Pour améliorer ce qu’on appelle aujourd’hui une passoire thermique, les actions se multiplient, malgré les nombreuses difficultés liées aux grandes superficies, fenêtres anciennes ou encore au niveau des toits. « Nous avons lancé néanmoins un programme pour refaire toutes les huisseries du château, indique Henri Carvallo, propriétaire du château de Villandry, afin de mieux l’isoler et nous avons intégré́ à chaque réfection de toiture un isolant compatible avec un monument historique. » « Nous sommes en train de refaire la toiture de la grange dîmière du château, répond Caroline Laigneau au château du Rivau. On crée une isolation qui va améliorer le chauffage de la salle et permettre d’améliorer son rendement énergétique. »

Du côté d’Amboise, un projet est en cours pour diminuer la température du Logis royal afin de diminuer l’usage des climatiseurs dans les salles d’expositions. « Pour des questions de conservation, on était obligé de climatiser certains espaces, explique Marc Métay, le directeur du château. Conscient de ça, on s’est dit qu’on pouvait gagner quelques degrés par la réinstallation de volets intérieurs. Ça correspond à l’état initial du logis à la Renaissance avec ces volets intérieurs qui ont disparu. Il y a un double intérêt : l’authenticité du lieu et se passer le plus longtemps possible de climatisation. On va revêtir également de filtres UV totalement invisible la partie extérieure des vitraux. »

Le château d’Amboise. ©Jean-Luc Vezon

A une soixantaine de kilomètres en aval de la Loire, la problématique s’inverse au château d’Ussé. Dans le domaine qui a inspiré Pierre Perrault pour son conte la Belle aux bois dormant, c’est sur le chauffage qu’on agit, principale dépense de consommation d’énergie fossile avec son chauffage au mazout. « L’idée est d’évoluer vers une pompe à chaleur pour réduire la consommation de mazout, souligne Stanislas de Blacas, fils du propriétaire et co-gérant du château. Il y en a déjà une dans une partie du château, mais qui n’est pas suffisante quand il fait moins de 5 degrés. On n’est pas obligé de chauffer le château en permanence, même il faut quand même le faire un peu sinon ça s’abime. On avait un projet d’installation d’une autre pompe à chaleur dans l’autre partie du château, mais qui est reporté en raison du manque de budget. On l’aurait fait cette année sans les fermetures administratives mais avec la baisse de revenus, c’est repoussé. »

Les jardins, une pièce-maîtresse

Mais surtout, le château d’Ussé souhaite coupler les pompes à chaleur avec son ancien moulin à blé sur l’Indre qui passe au pied du château. « Il n’y a aucune installation particulière à faire, poursuit-il. Ce serait juste un alternateur à mettre sur la turbine pour produire l’électricité de la pompe à chaleur qui pourrait permettre de fournir 100% de l’électricité du château et même beaucoup plus, à l’exception des périodes de sécheresse ou de crues. » Seulement, le projet est bloqué et se trouve actuellement devant le tribunal administratif : « Nous, si on produit de l’électricité, on en produirait beaucoup trop pour uniquement le château, donc pour rentabiliser le projet on souhaitait en vendre une partie à EDF. Mais pour le faire, on est obligé d’avoir un document de l’administration détaillant la puissance du moulin, et celle-ci ne veut pas nous fournir ce document. »

Une partie du combat pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre se joue aussi dans les immenses jardins de ces bâtiments historiques. Ainsi, beaucoup de châteaux n’utilisent plus certains produits chimiques et remplacent peu à peu leurs outils et petits véhicules d’entretien par des modèles électriques à batterie. Des éco-paturages se mettent également en place comme à Amboise ou à Talcy. « Du côté du château de Talcy, nous avons aussi des moutons pour mettre en place de l’éco-pâturage qui produit un cercle vertueux car on réduit l’utilisation de machines et leur impact tandis que leurs déjections enrichissent la terre », assure Anne Alligoridès, chargée de communication du château.

Libre de droits

Le jardin du château du Rivau, dont la réouverture au public est prévue le 8 mai 2021

La réduction de la consommation est également une priorité pour plusieurs édifices. Que ce soit par l’installation d’un puits comme à Langeais, le décalage des horaires d’arrosage à Châteaudun, ou encore la création de jardins méditerranéens ou bio-climatiques comme à Amboise ou au château du Rivau avec des plantes très peu consommatrices d’eau. « On a un suivi très approfondi pour la consommation de l’eau, affirme Caroline Laigneau du château du Rivau, et on a mis en place des électrovannes qui permettent de gérer au mieux, comme le goutte-à-goutte. On a également mis en place un suivi des températures, de l’humidité et de la consommation énergétique et d’eau hebdomadaire afin de voir s’il y a des fuites et de gérer notre consommation le mieux possible. » Pas à pas, les châteaux de la Loire se mettent au vert.

Delphine Toujas

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