L’acronyme anglais « NEET » (not in education, employment or training) qualifie ces jeunes marginaux qui n’ont pas d’emploi, ne suivent pas d’études ni de formation. C’est une fraction croissante de la jeunesse française. Cette triste réalité de la France contemporaine est un des symptômes alarmants de l’ampleur des failles de notre modèle de société.
Image d’illustration ©Freepik
Par Jean-Paul Briand.
Une bombe sociale à retardement
Plus de 51 000 jeunes NEETs ont été recensés en région Centre-Val de Loire en 2020, soit 16 % de l’ensemble de la population régionale des 15-24 ans. Des disparités existent selon les territoires : la part des NEETs varie de 14 % dans la zone d’emploi de Tours à 22 % dans celle de Vierzon. Cette problématique touche à la fois le milieu rural, périurbain ou urbain. Elle dépasse les frontières régionales. D’après le rapport de la Cour des comptes sur les politiques en faveur des jeunes, en date du 19 mars 2025, les 15-24 ans sont 9 millions en France et représentent 13,2 % de la population générale du pays. Le nombre de NEETs est particulièrement préoccupant. Ils seraient 1 035 000 soit 11,5 % des 15-24 ans (5,8 % au chômage et 5,7 % inactifs). Ces hors d’atteinte des politiques d’emploi témoignent de la vulnérabilité d’une partie de la jeunesse française qui a renoncé aux injonctions de l’État social actif et à ses normes. C’est une bombe sociale à retardement, un foyer de désillusions, un terreau de marginalisations et de délinquances.
Le statut de NEET n’est jamais un hasard
Un faible niveau de diplôme est le facteur déterminant pour devenir un NEET et témoigne des inégalités persistantes de notre système éducatif. Le contexte socio-économique, avec la précarité parentale et l’assignation à des quartiers défavorisés, joue également un rôle important. N’oublions pas que santé mentale et handicaps, souvent invisibilisés, sont des obstacles majeurs à l’insertion. Dans son rapport 2024 l’Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire (INJEP) distingue ainsi plusieurs profils de NEETs, des découragés aux volontaires, soulignant l’hétérogénéité de cette population et la nécessité d’approches différenciées. Le statut de NEET n’est jamais un hasard.
Des carences profondes et anciennes
Depuis des décennies, les politiques d’aide à l’emploi des jeunes se succèdent : des anciens travaux d’utilité collective (TUC) au plus récent contrat d’engagement jeune (CEJ). Leur efficacité à long terme reste sujette à caution. Ces dispositifs parviennent difficilement à s’attaquer aux causes intimes du désengagement de ces jeunes NEETs. A part l’Ecole de la 2ème Chance (e2c) qui sort peut-être du lot, en s’adressant aux 16/25 ans sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification, les politiques d’aide à l’emploi semblent souvent se contenter de masquer les chiffres du chômage. Le CEJ actuel, qui concerne 34 agences en Centre-Val de Loire, ne tient pas suffisamment compte de la complexité des situations personnelles rencontrées. Avec son « programme intensif d’activités d’une durée minimale de 15 à 20 heures par semaine » il risque d’exclure les plus vulnérables devenus incapables de se soumettre à un emploi du temps strict, d’autant que le CEJ conditionne l’aide financière à une « implication active » sous la menace d’une suspension. Ces programmes censés aider ces jeunes s’inscrivent dans une logique moralisatrice de contrôle et de normalisation. Malgré leurs bonnes intentions, les politiques publiques de réinsertion se heurtent à des carences individuelles profondes et anciennes.
La précarité des jeunes n’est pas un problème d’attitude
Alors que faire pour comprendre la profondeur de cette crise d’une certaine jeunesse et essayer de l’atténuer ? Déjà, commencer par ne plus stigmatiser les NEETs et ne pas les percevoir comme indolents chroniques, décrocheurs passifs, voire parasites assistés. Puis, reconnaître avec le sociologue Robert Castel que « l’exclusion n’est pas une déviance mais le produit d’un processus social ». La réponse ne peut donc être que politique car on ne peut reprocher à ces jeunes leur inadaptation au système sans jamais interroger le système lui-même. La précarité de ces jeunes n’est pas un problème d’attitude, mais d’accès : accès à un emploi stable, au logement, à la mobilité, à des études non conditionnées par le capital économique et culturel hérité de leur condition sociale.
La situation des NEETs est un révélateur des fractures de notre société. Il est urgent d’investir massivement dans l’éducation, la formation et la santé mentale des jeunes mis à l’écart. Laisser cette jeunesse en jachère, c’est hypothéquer l’avenir de toute une génération.
« La jeunesse est une promesse, mais dans nos sociétés, elle est souvent tenue pour une menace » Patrick Boucheron
Plus d’infos autrement :
Comment aider les jeunes … sans les jeunes ?