En plus du sécuritaire, le volet éducatif représente l’une des réponses de l’État et des collectivités aux émeutes de 2023. Élisabeth Borne, ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et Juliette Méadel, ministre déléguée chargée de la Ville, ont officialisé depuis Montargis le lancement d’une quarantaine de nouvelles cités éducatives en France.
Deux ministres, en visite au Grand Clos, collège pilote – photo Izabel Tognarelli
Par Izabel Tognarelli.
« On nous dit qu’on est les plus pauvres, que notre IPS est nul ; c’est vrai, mais la ville a beaucoup de ressources : il faut arrêter de la critiquer sans arrêt. » Lors de cette visite ministérielle, le maire LR Benoît Digeon a posé le cadre et rappelé la richesse humaine du territoire. Profondément marquée par les violences urbaines de 2023, la ville a été choisie pour symboliser un nouveau souffle éducatif, dans une perspective de prévention.
Une mobilisation collective pour les jeunes
L’objectif est de mieux coordonner l’accompagnement éducatif des 0-25 ans. La cité éducative du Montargois couvre quatre collèges, trois lycées, 24 écoles, et de nombreux acteurs sociaux. Fabrice Gilet, principal du collège du Grand Clos, a souligné une population scolaire fortement allophone, mouvante, mais porteuse d’une richesse culturelle précieuse. Le défi est constant, notamment sur l’orientation et le décrochage. « C’est l’un des grands enjeux de la cité éducative », expliquait-il. Autre caractéristique du Montargois, les familles monoparentales sont surreprésentées : sur 450 élèves, le Grand Clos dénombre à lui seul 160 familles monoparentales. « Il faut accompagner ces familles. Beaucoup de parents cherchent à se rapprocher de l’Éducation nationale », poursuivait le proviseur. Des cafés à thème (sur l’orientation par exemple), des ateliers numériques (pour se familiariser avec Pronote) et des petits-déjeuners gratuits seront mis en place, afin que le lien avec l’école ne se résume pas aux réunions parents-profs. « Même si l’école ne peut pas tout », comme le faisait remarquer Juliette Méadel, elle fait tout de même beaucoup.
Prévenir le décrochage, créer du lien
Yohann Cousin, cadre de prévention spécialisée chez Imanis, note que le passage de la 3e à la seconde est critique : « La cité éducative aidera à identifier les causes : pédagogiques, sociales, financières ? » Son équipe pluridisciplinaire – éducateurs, accompagnateurs sociaux et sportifs – agit auprès de jeunes isolés (certains très éloignés des institutions), sept jours sur sept, y compris les jours fériés, et jusqu’à 22h en été.
Actif depuis 2021 à Montargis, le PRE (Programme de Réussite Éducative) s’intègre à la cité éducative en associant accompagnement individuel et coordination. « Ce n’est pas possible partout, mais c’est prévu ici, porté par l’Agglomération montargoise », précise sa coordinatrice.
La BGE (réseau d’accompagnement à l’entrepreneuriat) propose quant à lui des ateliers sortant des standards pédagogiques, afin de sensibiliser les jeunes à la création d’entreprise. « Les décrocheurs sont très attentifs », observent les enseignants. Objectif : éveiller l’esprit d’initiative de ces élèves, les aider à se projeter et à développer des compétences pour gérer un projet, y compris associatif. En fin d’année, un challenge rassemblera les élèves impliqués, dans une dynamique inter-établissements.
Yohann Cousin, cadre de prévention spécialisée chez Imanis ; Matthias Cyprien, proviseur du lycée Jeannette-Verdier et Fabrice Gilet, proviseur du collège du Grand-Clos – photo Izabel Tognarelli
Un levier pour l’avenir
La force de la cité éducative réside dans son maillage, qui ne s’arrête pas aux portes de l’école. « Nous sommes mandatés pour les 16-25 ans, mais nous intervenons aussi auprès de plus jeunes », reprenait Yohann Cousin. Certains sont très réceptifs : « Dès qu’on le peut, on les oriente vers des dispositifs de droit commun, qu’ils ne connaissent pas. D’autres ont besoin d’un accompagnement plus global », expliquait-il. L’anonymat et la liberté d’adhésion sont la règle : « Nous ne refusons aucun jeune ».
Le Montargois est un territoire cosmopolite de très longue date. « Dès le XIXe siècle, l’usine Hutchinson a accueilli jusqu’à 80 nationalités », rappelait Benoît Digeon. « Apprendre à vivre ensemble, on sait le faire. Ces personnes allophones représentent des rencontres à ne pas stigmatiser. Nous faisons tout pour créer du lien avec ces familles. On est là pour travailler avec tout le monde ». Au cours de cette table ronde, il a été rappelé que, dans ce domaine relatif à la prévention, chaque euro dépensé représente 10 € économisés par la suite.
Détresse des élèves : former pour ne pas passer à côté
« On ne peut pas apprendre si on est en détresse », faisait observer Élisabeth Borne. Comment repérer les signaux de mal-être ? Comment réagir de manière adaptée ? À Montargis, des formations aux premiers secours en santé mentale sont validées par une attestation officielle. Des formations spécifiquement adaptées aux enfants et adolescents existent : le collège du Grand Clos a deux personnes formées. Ce dispositif permet d’éviter certains mots ou attitudes contre-productifs face à un adolescent qui se met en danger ou, plus dramatique encore, qui met en danger les autres. Le principal point noir reste le manque de professionnels et de disponibilité rapide pour la prise en charge de l’élève – adolescent ou enfant – en proie à des idées suicidaires.
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