Clermont-Ferrand pour le commun des mortels, c’est Michelin. Encore en partie vrai, mais pas que. Car l’ancienne capitale régionale est aussi une belle ville animée et gaie avec ses 40 000 étudiants et sa scène rock. Et il y fait bon vivre à l’ombre du non moins célèbre Puy de Dôme, autre star locale.
Par Bénédicte de Valicourt.
Jour 1
1-Direction Montferrand

Montferrand @I.Comolet
Peu de gens le savent, à part bien sûr les Clermontois, mais Clermont-Ferrand c’était pendant longtemps deux cités rivales : Clermont, la plus ancienne. Et Montferrand, créée au 12e siècle à trois kilomètres par le Comte d’Auvergne, chassé de Clermont par le roi de France qui a donné la ville aux évêques. Pendant longtemps, ces deux-là se sont regardées en chien de faïence, avant qu’un trait d’union ne les réunisse en 1630, sous l’impulsion de Louis XIII.
Une histoire qui se lit dans le paysage et dans les cœurs, beaucoup ici s’affirmant encore aujourd’hui Clermontois ou Montferrandais. Pour s’en convaincre, il suffit de prendre le tram au centre-ville en direction de Montferrand que l’on atteint en une dizaine de minutes. On passe devant Cataroux et ses deux cheminées, site historique de Michelin, qui s’est implanté au XIXe siècle sur un vaste no man’s land longtemps laissé vacant entre Clermont et Montferrand. Un quartier en pleine mutation où s’est aussi implanté dans les années 20 le stade – qui se visite – et le club de rugby ASM, association sportive dont le M est passé de « Michelin » à « Montferrandaise », car il est désormais interdit de donner un nom de marque aux clubs sportifs.

Montferrand – L’escalier à vis d’un hôtel particulier en pierres de Volvic. @I.Comolet
Mais voilà Montferrand, l’ancienne bastide marchande et judiciaire, investie au XIXe siècle par les ouvriers de l’usine Michelin toute proche. C’est devenu un quartier tranquille aux airs villageois où se tient un marché tous les vendredis. Il a été l’un des premiers secteurs protégés de France, ce qui l’a préservé des constructions contemporaines quasi inexistantes. Tout est resté intact, à part les deux kilomètres de remparts dont il reste peu de choses, les quelques fenêtres à meneau transformées après la Révolution pour échapper à l’impôt sur les fenêtres ou certaines caves devenues des rez-de-chaussée, la butte ayant été décaissée de 3 mètres au XVIIIe siècle pour permettre aux voitures de traverser plus aisément la ville. C’est assez impressionnant et plutôt inattendu. Un peu comme le Marais à Paris, en version auvergnate. Il est de bon ton, si l’on veut s’en rendre compte, de tenter de pousser les portes des nombreux hôtels particuliers, pas forcément accessibles. Ils sont encore là, solides et bien alignés le long des rues construites en damiers. Avec leurs arcs brisés des 13e au 14e siècles, colonnades intérieures sur trois étages, escaliers en U et autres blasons.
Au carrefour des Taules, deux axes historiques où se tenait autrefois le marché, levez la tête vers l’enseigne de la maison de l’apothicaire, une maison à pan de bois du XVe siècle. D’un côté l’apothicaire muni d’un clystère, de l’autre le patient, pantalon baissé qui attend son lavement. Puis, on peut se diriger, non loin de là, vers la porte d’eau et la rue des Moulins où coulait la Tiretaine, un cours d’eau aujourd’hui canalisé et redescendre vers le quartier des granges, avec ses étroites venelles entre les immeubles qui servaient à évacuer l’eau. Au passage, on visite les quelques échoppes d’artisans. La fleuriste Cécile Alibart est dans le quartier depuis 2018. Il y a trois mois, elle a ouvert « Fleur T avec les sens » au 21 rue Jules Guesde, où une partie des fleurs provient d’un terrain qu’elle cultive à 5 kilomètres de là. Sa boutique fait également salon de thé et elle y organise des ateliers autour des fleurs, du compostage ou de l’aquarelle. De quoi créer un peu d’animation dans le quartier. Puis on retourne vers l’église gothique du XIVe siècle et la rue Kléber où se nichent les deux plus anciens hôtels particuliers dont celui dit de l’éléphant avec ses fenêtres en plein ceintre (XIIe siècle). Juste à côté, la place Marcel Sembat, où se situaient autrefois le château et le remarquable musée d’art Roger-Quilliot, qui vaut en soi le détour.
2 – Pause au musée d’art Roger-Quilliot
Actuellement au musée d’art Roger-Quilliot, installé dans un ancien couvent des Ursulines revisité en espace muséographique contemporain, la Chine est à l’honneur avec une exposition hors les murs du musée national des arts asiatiques-Guimet. Vases somptueux, statues mystérieuses et autres trésors de la Chine ancienne sont mis en regard avec notamment une robe de mandarin et d’autres pièces textiles sorties pour l’occasion des réserves du musée, l’exposition s’organise autour de 4 grands thèmes universels : le sacré, le prestige, la beauté et la transgression.
On peut ensuite visiter le musée dont la riche collection est classée par ordre chronologique. Au passage, on admire les œuvres de Fragonard, Chasseriau, Corot, Camille Claudel et Bartholdi, pour ne citer qu’eux.
3 – Direction « L’aventure Michelin »

Suivez le guide @I.Comolet
On n’y croyait pas. Et pourtant la visite de « l’aventure Michelin », le musée de la marque au Bibendum, situé en plein cœur du quadrilatère occupé autrefois par les usines, reste un must incontournable. On y découvrira tout ou presque, sur l’histoire de cette grande saga industrielle jalonnée d’inventions incroyables dont on pourra admirer de nombreux spécimens : vélos, motos, bolides et autres engins curieux ou fabuleux. L’affaire a débuté en 1889 et imprimé sa marque sur la ville. Des premières innovations pneumatiques aux records de vitesse, jusqu’aux recherches en cours. Anecdote croustillante : le Paris-Brest, ce fameux gâteau évoquant une roue de vélo, s’est inspiré de la course Paris-Brest-Paris remportée à vélo par Charles Terront, malgré 5 crevaisons. Son vélo était équipé du premier pneu démontable, qui permettait de changer en un quart d’heure une roue crevée. Une révolution à l’époque. Et une victoire qui avec les suivantes – dont la première course automobile au monde où a concouru André Michelin, l’un des deux frères fondateurs à bord de l’Eclair, la première voiture à rouler sur de l’air – a propulsé Michelin et le made in Clermont sur le devant de la scène. Le sens inné de la publicité d’André Michelin a fait le reste. C’est à lui que l’on doit en 1898 l’invention de Bibendum le bonhomme Michelin, dont on verra de très beaux exemplaires. Puis vient en 1900 le premier guide, suivi en 1910 par la première carte routière et en 1926 par « l’étoile des bonnes tables », dont on connaît bien le succès mondial. Dès le hall d’entrée du musée où est accroché un Breguet 14, on découvre également le rôle de l’entreprise dans l’aviation, y compris celle de guerre. A ses côtés, une Micheline des années 30 avec des sièges en rotin qui a roulé jusque dans les années 80 à Madagascar. C’est un autorail monté sur pneumatiques, adopté partout dans le monde, et grand témoin de l’influence de l’entreprise dans les chemins de fer et l’exploration. Il y a aussi exposé là des bornes et panneaux, autre invention Michelin pour faciliter la circulation routière.
On apprendra aussi au passage que la 2CV, une petite voiture facile à conduire et pas chère, vendue à 5 millions d’exemplaires, est aussi sortie des usines Michelin en 1949, comme plus tard l’invention du pneu radial. Une salle est aussi consacrée aux cités ouvrières, encore debout aujourd’hui mais passées sur le marché privé, qui incarnent le côté social de la firme. Rien n’est dit, par contre, des plantations d’hévéas ni des conditions de travail sur place, ce qui est dommage mais n’enlève rien au côté passionnant de ce musée. En 2026 ouvrira sa réplique en plus grand. Il se déploiera sur 6 000 mètres carrés, trois fois plus qu’aujourd’hui.
De quoi renforcer l’aura du groupe qui n’est plus depuis longtemps, un groupe familial dont 75% des actionnaires sont étrangers, pourtant encore très présent à Clermont-Ferrand, même si les effectifs locaux ont sérieusement diminué et que deux sites sont en cours de fermeture en France. Le centre de recherche est toujours là, quelques ateliers aussi. Et c’est aussi la seule entreprise du CAC 40 à avoir conservé son siège hors de Paris. Il est place des Carmes au centre-ville et on peut aller y boire un verre, faire un tour à la boutique, visiter ou regarder des hévéas et les bananiers qui poussent dans une serre. En projet également : l’ouverture en décembre 2025 du pôle d’innovation collaborative (PIC) à côté des Toboggans, un site de test des pneus fermé dans les années 2000, que l’on ne peut pas rater en arrivant en ville. Il abrite déjà la manufacture des talents, un centre de formation maison et externe auquel vont s’adjoindre espaces de co-working, logements, food court autour d’une scène musicale. Tout ce qu’il faut pour travailler sur place. Autre projet de la marque : ouvrir à l’horizon 2028 un centre des matériaux durables.

Le futur PIC @I.Comolet
A suivre
Carnet de route
Où manger ?
-B bistro, 4 rue du séminaire, quartier de Montferrand.
A voir, à faire
- Musée d’art Roger-Quilliot, place Louis Deteix, quartier de Montferrand.
- L’aventure Michelin, 32 rue du Clos-Four
www.laventure.michelin.com
Tram : Stade Marcel-Michelin
Pour tout savoir sur l’histoire de la marque : www.michelin.com
Et aussi :
- A quinze kilomètres au sud de la ville, à la Roche-Blanche, le musée de Gergovie, sur le site de la bataille et de la victoire de Vercingétorix, racontée par Jules César dans La Guerre des Gaules, et reconstitué en 3D. Accessible par les bus 10, 3, 5, C, 32 et les trains C71, C40.
Se renseigner :
Auvergne Destination www.auvergne-destination.com/puy-de-dome
Office de tourisme Clermont Auvergne Volcans place de la Victoire www.clermontauvergnevolcans.com