Dans le cadre du Grand PianO Festival qui s’est déroulé du 26 au 29 juin, le Concours International de piano d’Orléans, en partenariat avec la Ville d’Orléans créatrice et organisatrice de l’événement, a programmé une série de concerts sur différentes scènes du centre ville faisant la part belle aux jeunes talents et à d’illustres virtuoses. Un marathon de récitals !
Par Jean-Dominique Burtin Photos : Marie-Line Bonneau
« De beaux concerts vont prendre vie »
« De beaux concerts vont prendre vie ». Tels sont les mots d’Isabella Vasilotta, directrice artistique du Concours international de piano d’Orléans qui présente avec ferveur et enthousiasme, ce jeudi midi, sur la jolie scène de la place de la République ensoleillée, le premier des deux concerts ouverts aux jeunes talents. Bien plus que des pauses déjeuner musicales ce sont de véritables récitals qui s’offrent gratuitement aux passants et aux mélomanes.

Zeno Tomassini Barbarossa, jeudi, place de la République cl Marie-Line Bonneau
Ce jeudi midi, on ne peut ainsi qu’être saisi par le récital donné en ouverture des scènes Jeunes talents par l’un des lauréats du concours Brin d’Herbe 2025,
Zeno Tomassini Barbarossa, qui ouvre son concert par le Last tango in Buenos Aires du Piano Exotico, de Barbara Arens.
De fait, la prestation de ce jeune artiste italien de treize ans, raffiné, subtil, grave et élégant, illustre à merveille l’intention d’Isabella Vasilotta d’offrir des programmes représentant différentes facettes du répertoire d’hier et d’aujourd’hui. Des œuvres de Cage, Berio, Chopin et Debussy (Clair de lune de la Suite bergamasque) sont ainsi au programme du jeune pianiste italien.

Tsubaki Kudho, jeudi, place de la République cl Marie Line Bonneau
Délicate est aussi par
Tsubaki Kuhdo, l’interprétation de Pour entrer dans les âmes, de Mompou. A noter, également, les venues d’
Irene Finkelstein et de Charlotte Couturier, respectivement pianiste et flûtiste, grands élèves du conservatoire d’Orléans. Elles offrent une Fantaisie brillante sur Carmen, de François Borne. Vélocité pianistique et timbre du son fluté sont réjouissants. Peu avant, seule au clavier, Irene Finkelstein fait impression, autorité et intériorité, dans Beethoven, Chopin et Scriabine.

Irène Finkelstein et Charlotte Couturier, jeudi, place de la République cl Marie Line Bonneau
Lorsque le jazz n’attend pas le nombre des années
Ce vendredi midi, pour le second concert des jeunes talents, place de la République, Hana Makchan, élève du conservatoire, nous offre en lever de rideau deux délicieuses compositions mélancoliques personnelles, à savoir Tohu Bohu et Evasion.

Hana Makchan, vendredi, place de la République. cl Marie Line Bonneau
Parenthèse enchantée de douceur au cœur de l’été. Lui succède l’impression tour de jeu de
Théo Grundman, l’une grands lauréats du Concours Brin d’herbe 2025. Bach, Mozart, Liszt et Moszkowski (aux Etincelles résolument étincelantes) sont au programme. En invité surprise, une autre lauréate de Brin d’herbe,
Nina Jouve, nous offre un malicieux Le chat et la souris, de Copland. Après Bach (Prélude et fugue en ré mineur) offert avec joie et talent par Gabriel Bru, apparaît la toute jeune pianiste
Eline Gimenez qui, avec sa sœur violoniste, interprète une composition de leur père, François Jémone Gimenez, intitulée Souvenir étoilé. Touchant. Comme quoi le jazz n’attend parfois pas le nombre des années, désarçonnante de justesse et de charme est aussi l’interprétation, toujours par Aline Jimenez, du célèbre et prenant Take Five, de Dave Brubeck.
Lucas Debargue enflamme la salle de l’Institut
Ce jeudi soir, à l’Institut, à l’occasion d’une grande soirée d’ouverture de la programmation générale, William Chancerelle, adjoint au maire chargé des affaires culturelles et concepteur de l’événement, tient à dire, aux côtés d’Isabella Vasilotta, combien chacun a « besoin de musique dans un monde de brutes ». Le concert est payant (le seul avec celui du Campo Santo), la salle de l’Institut est archicomble, et Lucas Debargue , pianiste et compositeur de trente-quatre ans, Prix Tchaïkovski se montre un interprète prodigieux, bouillant de générosité, et qui reçoit à la fin de son récital l’ovation du public dont une partie se lève pour l’applaudir.

Lucas Debargue cl Marie Line Bonneau
Au programme, excusez du peu, voici Fauré (Barcarolle Nocturne Impromptu), Ravel (Gaspard de la nuit) mais aussi la Suite en ré mineur de ce même Lucas Debargue. Devant l’enthousiasme de la salle, le pianiste donne trois rappels, l’Alborada del gracioso de Ravel, une improvisation libre et, peu avant cette dernière, la mélodie Après un rêve, de Fauré, pièce renversante de pudeur à en tomber par terre et même par ciel.
Au fil de récital, place à des lueurs émouvantes, à des instants suspendus et poignants. De mesures en mesures il n’est pas rare que la musique vienne comme poser sa tête sur notre épaule. Ailleurs, faisant corps et âme avec l’instrument, Lucas Debargue forge les résonances et distille les arabesques tout en semblant comme par magie déposer soudain la note à fleur de clavier. En vérité, ce concert fut simplement éblouissant. N’en finissant pas de communiquer avec le public, l’interprète vient, en en fin de soirée à la rencontre du public dans le hall de la salle de l’Institut. Il y dédicace ses disques, mais aussi les partitions de piano que lui tendent de jeunes élèves du conservatoire orléanais. Ce qui donne lieu à une étonnante masterclasse poétique et souriante qui n’en finit plus. Nouveau cadeau d’un humble maître passionné.
Musique classique et Gainsbourg avec Philippe Hattat
Samedi midi, sur la très belle scène installée place de Loire, voici Philippe Hattat , lauréat du Concours international de piano d’Orléans 2018. Ce dernier, dans un véritable récital d’œuvres classiques agrémenté de medleys lapidaires et subtils, explique le lien existant entre la musique classique et celle de Serge Gainsbourg. Au clavier et au micro, Philippe Hattat fait ainsi dialoguer Gainsbourg avec ses sources d’inspiration.

Philippe Hattat, samedi midi , place de Loire. Cl Marie-Line Bonneau
Voici évoqués, par conséquent, le souffle du troisième mouvement de la troisième symphonie de Brahms que l’on retrouve dans Baby alone in Babylone; un zest de la Symphonie de nouveau monde de Dvorak que l’on voit poindre dan Initial B.B. ; un peu de Chopin pour Lemon Incest et Jane B.; du Khatchatourian pour Charlotte for ever; la Chanson de Solveig, de Grieg, qui sert de trame à Lost song .
Voici encore, au chapitre de brèves citations, l’emprunt à la Première sonate de Beethoven pour les set premières notes du refrain de Poupées de cire poupée de son. Au clavier, se défiant de la pure anecdote, Philippe Hattat fait œuvre virtuose en interprétant classique et en offrant de lancinantes harmonies. Pour Philippe Hattat en réponse à la question de savoir s’il s’agit avec Serge Gainsbourg de plagia ou d’hommage : « Pour Serge Gainsbourg, il s’agissait d’une marque de respect envers les compositeurs, en aucun cas de vol de mélodie par celui pour qui une chanson n’était, disait-il, qu’un art mineur ».
Miroitements d’âme avec Svetlana Andreeva
Samedi, en milieu d’après-Midi c’est à Svetlana Andreeva, magnifique lauréate du Concours international de piano d’Orléans 2024 de venir envoûter de clarté et d’intensité la scène de la place de la République. Figurent à son programme trois sonates de Scarlatti, les Jeux d’eau de la villa d’Este, de Liszt, Dans les brumes, de Janacek.

Svetlana Andreeva, samedi après-midi, place de la République. Cl Marie-Line Bonneau
Sans cesse le jeu de Svetlana Andreeva est à fleur d’apesanteur. Tout est ici question de dialogue, de respiration et d’inspiration, d’offrande d’une musicalité extrême que l’artiste étreint dans ses yeux clos ou porte dans un sourire confinant au ravissement devant l’aspiration à la révélation de l’indicible.
Juste avant que cette ballerine du clavier offre en rappel Kitsch Musik IV, de Valentin Silvestrou, Svetlana Andreeva interprète Un américain à Paris, de Gershwin. La fureur est alors à la fois joyeuse, mélancolique et cristalline. Le clavier est irrésistiblement symphonique et l’élan musical de l’interprète, hypnotique, ne peut que donner la « chair de foule » à la place de la République. Pour la belle histoire, Svetlana Andreeva se produira de nouveau à Orléans le 16 novembre prochain dans le cadre des Matinées du piano à la salle de l’Institut, ainsi que les 7 et 8 février 2026 au Théâtre d’Orléans. L’artiste y donnera alors le Concerto pour piano, de Liszt, en compagnie de l’Orchestre symphonique d’Orléans placé sous la direction de
Marius Stieghorst.