Jusqu’au 14 août 2025, la librairie Jaune Citron accueille une exposition d’œuvres de Valérie Linder en lien avec la sortie de l’ouvrage jeune public « Le silence des porcelaines ». C’est déjà la seconde collaboration de Valérie Linder (crayon et aquarelle) et Agnès Domergue (textes) après « Idylle » sorti en 2021.
Valérie Linder expose ses œuvres jusqu’au 14 août – Photo Bénédicte Coutin
Par Olivier Joriot.
Des parcours différents
Valérie Linder, titulaire d’un bac philo-arts plastiques et forte de cinq ans d’arts appliqués à l’école Boulle en design d’espace (architecture intérieure) a toujours été attirée par le livre et l’illustration. « J’adore le rapport, le dialogue texte/image, même si je n’ai pas une formation d’illustratrice. Cette pratique du dessin appliquée à l’architecture et à l’espace est présente dans mon travail d’illustratrice. Le fait que nous pratiquions toutes les deux texte et illustration enrichit notre collaboration. »
Agnès Domergue est, à la base, altiste, membre du quatuor Antarès et professeur dans un conservatoire. Écrire des textes est comme une seconde vocation. « J’adore les livres depuis toujours et je me suis d’abord mise à faire de l’illustration dans un style naïf et kawaii. Mais très vite, j’ai plus été attirée par les mots car je me sens moins limitée. Je peux travailler sur tous les formats, ce que je ne peux pas faire en illustration. Le livre est ma bulle d’oxygène et j’y suis anonyme, alors que la musique est mon quotidien. La musique transparaît inévitablement dans le choix des mots. Je sens quand ça accroche », décrit la musicienne.
Un processus de création bien huilé
Ce livre, écrit à deux mains, a d’abord vu le jour avec les textes d’Agnès qu’elle soumet à Valérie, qui va les digérer, les infuser. « Le texte peut évoluer, sur un mot seulement parfois, ce qui peut avoir une importance sur le trait que je vais choisir. Dans ce livre, il y a beaucoup de senteurs dégagées par les mots, comme le bois d’olivier, le jasmin. En fonction de ça, je joue avec les couleurs en y mettant des notes piquantes ou fraîches », détaille Valérie.
Agnès Domergue et Valérie Linder lors de leur passage à la librairie Jaune Citron – Photo Bénédicte Coutin
Rien n’est fait au hasard, tout est ressenti et délicatesse. Le texte est écrit à la première personne car l’histoire est totalement autobiographique, confie Agnès Domergue. « Mimi (son chat) a été un grand bonheur et a appartenu à une grande période de ma vie. Je l’ai trouvé dans la gare d’Avignon, abandonné, au retour d’un concert avec mon quatuor. Je l’ai ramené avec moi à Paris. Il cassait toutes mes porcelaines, d’où le nom de l’ouvrage « Le silence des porcelaines ». Quand Mimi a disparu, les porcelaines se sont tues… » L’artiste souhaite néanmoins mettre une distance dans son histoire pour que les lecteurs s’en emparent, imaginent pourquoi le chat a disparu, même si elle avoue avoir rédigé un de ses textes les plus intimes.
Des thématiques nombreuses aux influences multiples
Le silence des porcelaines touche au cœur et questionne notre intime. Il convoque les sentiments de perte, de manque, mais aussi la luminosité de la rencontre avec ce chat. C’est d’ailleurs le cœur du travail d’Agnès Domergue. « Mon travail traite, de façon poétique et symbolique, du rapport entre l’humain et l’animal, et de l’amour inconditionnel entre deux êtres ». De son côté, Valérie Linder aime axer son travail sur le thème du végétal, de la terre, du jardin et bien sûr de la maison, car l’architecture n’est jamais très loin !
Les deux artistes ne manquent pas d’influences même si elles développent leur propre style et créativité. L’une comme l’autre admire l’autrice jeunesse belge Anne Herbauts. « Mes plus fortes influences sont les peintres de la fin du XIXe début XXe. Matisse, Klee, Vuillard et Bonnard. Les peintres de la couleur et de la lumière pour les premiers, des choses plus éteintes, plus sourdes pour les deux derniers », avoue Valérie Linder. Quant à Agnès, sa première influence est un pays. « Le Japon et le cinéma de Miyazaki sont mes premières sources d’inspiration. L’esthétique de ce pays résonne beaucoup en moi et j’ai d’ailleurs écrit des haïkus. J’aime cette langue concise, l’épure, le minimalisme… »
Une connexion immédiate
C’est en 2017, au festival « Moi les mots » de Landivisiau que les deux femmes se sont rencontrées. « Quand j’écris, je pense à des illustrateurs précis pour les formats de mes textes, et quand il y a un texte sur les émotions, je pense à Valérie », confesse Agnès. « Sans le texte d’Agnès, il n’y a pas d’image, de déclencheur. J’envisage mon travail pour découvrir, rechercher et non pas appliquer une même recette systématiquement. J’essaie d’expérimenter des choses différentes, de ne pas être dans le même registre, la même gamme colorée, car les univers, les textes, les sensations, les odeurs sont à chaque fois différentes », rajoute Valérie.
La beauté de ce livre réside aussi dans le jeu perpétuel entre l’intérieur et l’extérieur de la maison. Valérie Linder aime les mélanger, fausser les rapports d’échelle comme dans un rêve. « Il y a un va-et-vient entre l’intérieur et l’extérieur de la maison qui m’intéresse, jusqu’à ne plus voir les limites entre les deux, avec des lignes volontairement floues ». « Et c’est le chat, qui était très souvent à la fenêtre qui donne l’impression de voyager à travers les saisons à travers ses yeux et sous ses moustaches », précise Agnès. La fenêtre n’est-elle pas un sujet récurrent pour beaucoup d’artistes ? Une fenêtre éclairée suscite toujours le mystère, et fait travailler l’imagination.
Dans Idylle, l’ouvrage racontait l’histoire de deux êtres que tout sépare et qui finissent par se retrouver. Dans Le silence des porcelaines, tout lie les personnages qui finissent par se séparer. Agnès Domergue confesse qu’elle a écrit les textes en pleurant, « en allant chercher ce qui me rendait si triste afin d’en faire quelque chose d’universel ». Pari réussi ! Rupture amoureuse, peur de l’abandon, attachement… tout le monde peut s’approprier et se retrouver dans ce magnifique livre jeunesse qui réveillera en vous des émotions, des sentiments simples et entiers.
Pratique
Exposition Valérie Linder
Jusqu’au 14 août
Librairie-Galerie Jaune Citron
9 rue des Carmes
« Le silence des porcelaines »
Texte Agnès Domergue/illustration Valérie Linder
Editions Cot Cot Cot
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