Ira-t-on ou non ? Interrogation shakespearienne. Telle est la question qui agite les compagnies théâtrales au long de l’année. Le spectateur ou la spectatrice, habitués des rues avignonnaises, ne se pose pas trop la question. C’est l’occasion de découvrir quelques merveilles ici et là, notamment régionales.
Par Bernard Thinat.
Shakespeare
Magcentre en était resté, concernant les créations de la Cie du Grand Tigre basée dans l’Indre, avec le magnifique TCHEKHOV, découvert à Avignon en juillet 2023. La troisième partie du triptyque, SHAKESPEARE, est présentée actuellement au festival, en couple avec le premier volet MOLIÈRE.
La Cie du Grand Tigre, avec Shakespeare – Photo B.T.
La pièce couvre la vie du dramaturge anglais, de son arrivée à Londres où il rencontre Marlowe – sa pièce Henry VI est déjà écrite en 10 000 vers, il a alors abandonné son épouse et ses trois enfants – jusqu’à sa mort en 1616. La peste ravage la ville, alors il s’exile avec sa troupe pour reparaître une fois la maladie disparue.
Comme pour les deux autres volets, la pièce est composée de fort nombreuses citations puisées dans le théâtre shakespearien. On en connaît certaines, on en découvre d’autres. « Être ou ne pas être… Mon royaume pour des chevaux… Ce qui est fait est fait… » Et tant d’autres. Etienne Luneau à l’écriture de la pièce, interprète sur le plateau de multiples personnages, on découvre qu’il sait danser la gigue, accompagné par Malvina Morisseau. Joseph Robine est à la création musicale, Elsa Robine à la mise en scène, quant à Tristan Le Goff, il est Shakespeare.
Mais on me permettra de préférer le second volet TCHEKHOV, absent d’Avignon cette année. Les trois volets seront à Paris à l’automne.
Histoire de la musique
Julien Joubert, frère de Clément, présente son « Histoire de la musique en 70 minutes » dans un petit théâtre avignonnais, seul en scène accompagné de ses piano et violoncelle. Pour lui, c’est comme une évidence, l’homme a créé la musique avant d’avoir élaboré son langage.
De sa voix forte et merveilleuse, faisant chanter le public, remontant au chant religieux, cultivant un fol amour pour Josquin des Prés, Monteverdi ou Schubert (jeu de mot avec Joubert), ou le poème d’Hugo « Demain dès l’aube » qu’il chante au final (il peut aussi l’interpréter sur du blues), son spectacle ponctué de nombreuses touches d’humour, est un véritable ravissement pour le public, qu’il soit mélomane ou non.
Quant à savoir si son spectacle sera programmé à Orléans, alors qu’il enseigne au Conservatoire, il paraît que c’est compliqué. Il sera à l’affiche du théâtre Montmartre à Paris, à l’automne.
Quelques merveilles
Emmanuel Noblet a adapté et mis en scène le roman de Tanguy Viel, « Article 353 du Code pénal », celui de l’intime conviction, confiant à Vincent Garanger, le rôle principal, en un quasi seul en scène. On reçoit un choc tout au long de la pièce, on en ressort dans un état second. Moment théâtral exceptionnel !
Puisqu’à Orléans, on fête Jeanne d’Arc chaque année, « Dissonnances sur Jeanne d’Arc » propose une émission télé qu’on dirait venue tout droit de CNews. Il y a l’animateur qui multiplie des notes d’humour, la sosie de Marine Le Pen, un évêque, un écrivain de gauche, un universitaire et quelques autres. Moments épiques entre le discours RN, l’actrice éructant debout sur une table, l’écrivain lui répondant par une argumentation de très haut niveau. Délicieux moment passé dans le théâtre historique d’André Benedetto, figure historique du OFF.
Impossible de passer sous silence la dernière mise en scène de Jacques Osinski, « En attendant Godot » de Beckett. C’est Fabuleux, avec notamment Denis Lavant exceptionnel dans le rôle d’Estragon, accompagné par Jacques Bonnaffé, Aurélien Recoing et Jean-François Lapalus dans le rôle de l’esclave.
Signalons aussi l’adaptation du roman de Maupassant, « Bel Ami » avec neuf acteurs et actrices (c’est rare de voir autant de monde sur une scène de théâtre). Autre merveille !
Enfin, la création eut lieu lors du Printemps de Bourges en avril dernier, « La Voix des Femmes » rend hommage à la chanteuse égyptienne Oum Kalthoum. La Cour d’Honneur était ravie en ce 14 juillet !
La voix des femmes – Photo B.T.
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