Bertrand Frot, cet Orléanais qui a travaillé avec Ardisson

Technicien aéronautique sur la base militaire de Bricy (Loiret) et co-fondateur des Samedis du Jazz à Orléans avec Jean-Louis Derenne, Bertrand Frot fut aussi un temps diffuseur auprès de groupes et de chanteurs français et internationaux. C’est dans ce cadre qu’il côtoya pendant quelques années Thierry Ardisson. Rencontre.

Propos recueillis par Estelle Boutheloup

Mag’Centre. Comment s’est faite cette rencontre avec Thierry Ardisson ? 

Yves Labbé était un chanteur et guitariste de Mister Lab’, un groupe de Rouen que je distribuais via ma société Night & Day et Codaex Distribution, société avec laquelle je travaillais. À l’époque, entre 1996 et 2006, son frère, Jérôme Labbé, est monteur et producteur pour les émission « Tout le Monde en Parle » sur France 2 et « Salut les Terriens » sur Canal+. Comme on venait de signer un contrat avec Donovan pour son nouvel album, Jérôme présente donc Yves à Thierry Ardisson, un grand fan du chanteur de Mellow Yellow et de Paul McCartney alors choriste sur cette chanson. Donovan étant en tournée en France à Paris en 2005, Ardisson le contacte : il le veut dans son émission « Tout le Monde en parle ». Tout est partie de là. Donovan était sur un label folk music (Appleseed Recordings) auquel Ardisson s’intéressait : c’était un grand fan de la Beat Generation (Bob Dylan, Eric Andersen…) et du mouvement folk des années 1960. Il a voulu le rencontrer. On a donc été accueilli aux studios à La Pleine Saint Denis par l’équipe : Jérôme Labbé, Laurent Baffie…

Mag’Centre. C’est comment l’ambiance sur un plateau d’Ardisson ? 

On arrivait à midi au studio et on repartait à 3 h du mat’ ! L’enregistrement avait lieu le jeudi, montage le vendredi pour une diffusion le samedi soir. Je me souviens que l’équipe adorait faire boire les invités pour que ça crée de l’ambiance. Nous avions des super loges où Ardisson venait nous voir. J’installais le matériel sur scène, j’allais chercher les artistes à l’aéroport… En tant qu’accompagnateur, j’étais assis dans le public et j’assistais aux enregistrements. Ardisson était super sympa : une personne très décontractée, très pro qui préparait bien ses interviews, il posait des questions intéressantes mais comme une personne lambda qui n’y connaissait rien. Il avait une attitude très ouverte, il sortait de sa passion, et faisait connaître des artistes et des jeunes talents que je lui rabattais. J’étais spécialisé dans le rock, le jazz, le blues, la soul et la musique latino et africaine. Avec Ardisson, on parlait souvent Beatles et McCartney. C’était des ambiances de fêtes. On dansait en coulisse et sur le plateau : l’équipe d’Ardisson, ce n’était que des fans de musique. Baffie m’appelait « Shazam », du nom de l’appli qui identifie des titres de chansons qui passait sur le plateau.

Mag’Centre. Quelle a été votre réaction à l’annonce de sa mort ?

Un choc. Le peu que je l’ai côtoyé a été intense. Je savais qu’il était malade mais je ne m’attendais pas à ce que ça embarque si rapidement. Ardisson était quelqu’un de très avenant, de très souriant. Pas du tout l’image qu’il avait lors de ses émissions. En off, il était adorable. Après qu’il ait été viré par Bolloré, on a senti que c’était grillé, qu’on n’aurait plus d’accès à la télé. On a vécu les belles années : 15 ans extraordinaires avec beaucoup de liberté d’expression, de diversité de styles musicaux. Ardisson a apporté beaucoup à la télé : la qualité musicale mais aussi un ton impertinent avec des interviews de politiques de tous horizons. Il a fait aussi découvrir au grand public la vie parisienne la nuit. C’était quelqu’un que j’appréciais. « On coupe », « On coupe pas » : il avait toujours le final cut, et nous, on vivait tout ça en direct.

Photo de Une Bertand Frot lors d’une émission de radio à Denver dans le Colorado en 2015. Photo Collection Bertrand Frot.

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