Bayrou dissous, Macron acculé

Deux députés sur trois lui refusant la confiance, 364 contre seulement 194, François Bayrou quitte Matignon sans le panache autoproclamé, très loin des références à Churchill, de Gaulle et Mendes France.

Le Premier ministre lors de son discours de politique générale du 14/01/2025. Capture Assemblée nationale


Tribune
Pierre Allorant,
Président du Comité d’Histoire Parlementaire et Politique


Il y a près d’un demi-siècle, battu par François Mitterrand, VGE avait rêvé de réunir autour d’un bloc central deux Français sur trois. Ce lundi 8 septembre, François Bayrou, qui a débuté sa longue carrière politique il y a quarante ans, a réussi le tour de force, sur un vote dit de « confiance », à susciter la défiance des deux tiers de l’hémicycle, y compris chez les non-alignés de LIOT et jusqu’au sein de sa majorité. Le réquisitoire le plus accablant a été prononcé par l’élue Renaissance Violette Spillebout, ulcérée du manque d’empathie pour les victimes de Bétharram et du mépris envers le travail d’enquête des parlementaires. Son score humiliant est le reflet d’un pari déraisonnable, de son impopularité record dans le pays et de ses invraisemblables fautes tactiques.

Le voyage immobile de l’égotiste de l’extrême centre

Le bilan de son passage à Matignon, si longtemps et ardemment désiré, est simple : quarante ans d’attente, neuf mois d’immobilité. Alors que son discours de la méthode – compromis, coalition, lutte contre la dette – est rôdé depuis le second mandat de François Mitterrand, le niveau d’impréparation et la vacuité des réalisations de Bayrou interrogent. Il ne rentre dans les annales qu’en étant le premier chef de gouvernement depuis 1958 à se voir, et très massivement, refuser la confiance, après avoir étonnamment posé la question, non pour ouvrir sous les meilleurs auspices sa mission, mais pour la refermer en dramatisant l’enjeu.

Politique chevronné depuis près d’un demi-siècle, homme de parti roué aux arcanes, le maire de Pau n’est jamais rentré dans le costume de chef de gouvernement, faute de travail de fonds des dossiers et de prise au sérieux de l’équation parlementaire redoutablement complexe. L’égotiste de l’extrême centre a échoué dans sa spécialité, sa raison sociale proclamée : la recherche du compromis entre la droite et la gauche modérée, n’est pas Gambetta qui veut. Le grand négociateur a tout fait à rebours de la raison, singulièrement depuis le 15 juillet et l’annonce dramatisée du détail des mesures de sa purge budgétaire, avant tout dialogue avec les forces parlementaires, puis en leur reprochant leurs vacances pour justifier son invraisemblable atonie estivale…

Conclave tragique à Matignon, les réformes avortées

Aucune grande réforme structurelle aboutie : ni le « conclave » sur la réforme des retraites, ni l’indispensable loi sur la fin de vie, ni l’évolution vers l’autonomie du statut de la Corse, ni la pacification de la Nouvelle-Calédonie, ni la crise de recrutement dans l’Éducation nationale, ni la crise du système de santé, l’effondrement de l’hôpital public et l’extension des déserts médicaux si injustes, ni le rétablissement des Finances publiques, ni le serpent de mer de la restructuration de l’Audiovisuel, ni la Représentation Proportionnelle, appât supposé à la non-agression du RN…

Au vu d’un tel gâchis, entre immobilisme législatif et procrastination, on comprend d’autant plus difficilement son forcing d’il y a neuf mois à faire accoucher la décision présidentielle au forceps. Sauf à y voir une forme de gestation pour autrui : un cadeau de naissance fait au RN, très loin de l’esprit du front républicain de juillet 2024.

La fin du disco, la vaine rengaine du casting

Et maintenant ? L’héritage Bayrou se résume à neuf mois d’ego land, un curieux voyage dans les grands cimetières sous la lune. Sonne l’heure de la dernière marche pour Macron, qui n’a plus de droit à l’erreur. Pour le solitaire de l’Élysée, la facilité dangereuse consisterait à s’enferrer dans le confort de rester dans son cercle – Lecornu. Darmanin, Vautrin – dont on voit mal en quoi ils réussiraient là où Barnier et Bayrou ont échoué. Un remords tardif pourrait sonner l’heure de la gauche de gouvernement, mais est-il encore temps, alors que le Nouveau Front populaire et sa relative majorité, ont explosé sous les coups de boutoir de l’éternel candidat soumis à l’obsession présidentielle ? Resterait alors, comme voie de garage intérimaire, à recourir à des chevronnés serviteurs de l’État – Jean Castex, voire le chiffon rouge anti-RN Xavier Bertrand, ou au rituel « gouvernement technique » connu des Belges et des Italiens, piloté par un expert des finances publiques, Moscovici, Villeroy de Galhau ou Lombard, déjà à l’œuvre sur le métier budgétaire.

Et dans deux mois, quand reviendra le temps de l’impasse du vote du budget, se posera à nouveau la tentation du saut dans l’inconnu, le triptyque du barillet à trois balles de la roulette russe de fin de règne d’Emmanuel Macron, désormais acculé : référendum, dissolution, démission.


Plus d’infos autrement :

Le juin 1968 d’Emmanuel Macron

Commentaires

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  1. Nième commentaire aussi inutile que les autres. J’attendais plutôt de Mag. Centre une récap sur le vote des députés de notre Région.

  2. C’est une heureuse surprise de voir Pierre Allorant se départir de sa froideur analytique universitaire pour tremper sa plume dans un élégant vitriol, même s’il s’agit de tirer sur une ambulance. Un peu de méchanceté enrichit la couleur des mots et peut être jubilatoire lorsqu’elle surgit ainsi en contrepoint de la médiocrité des hommes et des actes. On en redemande…

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