Médicament innovant : promesse mercantile ou progrès thérapeutique ?

Chaque année les firmes pharmaceutiques proposent des molécules qu’elles présentent comme de grandes avancées thérapeutiques pour la prise en charge de maladies jusqu’alors incurables. Pour autant doit-on proposer ces médicaments dits « innovants » avant de savoir si leurs promesses sont bien réelles au risque de décevoir les malades qui les espèrent ?

Cliché Pixabay

Par Jean-Paul Briand. 

Un médicament qualifié « innovant » devrait être une molécule nouvelle présentant une indication, une formule, une voie d’administration, un mécanisme d’action inédits et apporter un bénéfice supérieur aux traitements déjà existants. Avant de pouvoir être proposé aux malades, il doit être évalué avec une extrême rigueur afin d’éviter d’être manipulé par le redoutable marketing de Big Pharma.

Des procédures longues, complexes et couteuses

Des agences sanitaires pèsent le rapport bénéfice/risque du médicament sur la base d’essais cliniques probants qui peuvent nécessiter plusieurs années. Pour l’Europe c’est l’Agence européenne des médicaments (EMA) et pour la France c’est l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). En France, après l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), la Haute Autorité de Santé (HAS) intervient. Elle évalue le service médical rendu (SMR) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR) qui sert de base au Comité économique des produits de santé (CEPS) dans la négociation du prix du médicament et le niveau de remboursement par l’Assurance Maladie. Ces procédures sont longues, complexes et couteuses.

Les firmes pharmaceutiques investissent des sommes très importantes dans la recherche de nouvelles molécules. Elles souhaitent un retour rapide sur leurs investissements alors que les procédures des agences sanitaires ralentissent le lancement de leurs nouveautés. Si la maladie traitée est particulièrement grave et ne dispose pas encore d’une thérapie efficace, un laboratoire peut néanmoins demander une autorisation d’AMM précoce pour distribuer son médicament bien avant son évaluation complète.

Le dilemme avec le lecanemab

La maladie d’Alzheimer frappe des millions de personnes. Après des décennies d’échecs, de nouvelles molécules, ciblant les plaques amyloïdes qui se déposent dans le cerveau des malades, arrivent à ralentir modestement le déclin cognitif. Plusieurs de ces médicaments, comme le lecanemab, ont obtenu des autorisations au Japon, en Corée du sud, au Royaume Unis et aux Etats Unis. Le coût du traitement est élevé : initialement proposé à 56 000$ par an il serait désormais de 28 200$. Considérant que son produit, le lecanemab, est « innovant », le laboratoire japonais Eisai a demandé une autorisation d’accès précoce pour la France. Le 4 septembre dernier la HAS a rejeté cette demande.

Les associations de patients atteints par la maladie d’Alzheimer déplorent l’avis de la HAS. Elles considèrent que le lecanemad constitue une innovation thérapeutique significative. Malgré une efficacité très modeste et surtout des effets indésirables fréquents, avec œdèmes et hémorragies cérébrales, ces associations estiment aberrant que le caractère acceptable ou non du risque ne puisse pas être laissé aux malades et à leurs familles.

Une perception différente des libertés individuelles

L’industrie pharmaceutique soutient financièrement les associations de patients et les impliquent dans ses campagnes de communication. Même si les dons sont déclarés sur le site Transparence-Santé doit-on inclure dans les commissions d’AMM ces associations au risque que des liens d’intérêts et des arguments émotionnels interfèrent avec les considérations scientifiques ? Peut-on laisser les malades s’autodéterminer pour la prise d’un médicament soit disant « innovant », sans preuves suffisantes de son efficacité, quitte à ignorer les risques encourus ?

Pourquoi dans certains pays, comme les Etats Unis, un médicament est autorisé alors que dans d’autres pays, comme la France, les mêmes études mises à la disposition des autorités sanitaires entraînent des décisions opposées ? Est-ce une perception différente des libertés individuelles ou de la capacité des citoyens d’évaluer le caractère acceptable ou non du risque qu’ils peuvent prendre ?

La prise en charge financière de ces médicaments « innovants », aux prix parfois exorbitants, et de leurs éventuels effets secondaires par la collectivité ou individuellement est-elle un élément pris en compte dans ces différences d’appréciation ?

Mais surtout : comment concilier l’espoir des patients, parfois nourri par des promesses mercantiles, avec la rigueur scientifique ?

Le débat reste ouvert…

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Commentaires

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  1. Je trouve intéressant votre article sur les médicaments innovants oui bien sûr pour les malades et leurs familles il faudrait aller de l’avant mais à quelques risques et quels prix sachant que c’est quand même la société qui paye et qui nous prend en charge c’est à ne pas négliger ! Parce que quand je lis que le lecnemab est une avancée c’est OK mais à la suite quand je lis tous les effets secondaires : œdème hémorragie cérébrale !? Ce n’est pas rien et alors les familles se retournerons vers l’état qui n’aura pas été assez sérieux sur la mise en vente ?? Il faut vraiment essayer de raison garder !,

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