Santé mentale : où en est la « grande cause nationale » ?

Voici déjà un an, le 10 octobre 2024, un éphémère Premier ministre annonçait solennellement que la santé mentale serait « la grande cause nationale 2025 ». Promesse bien imprudente. À trois mois de la fin d’année, force est de constater que l’état de la psychiatrie française est toujours aussi affligeant. Où en est-on de cette « grande cause nationale » ?

Image d’illustration Pixabay


Par Jean-Paul Briand.


Le choix du terme « santé mentale » avait inquiété les professionnels du secteur. En utilisant cette expression-valise, le ministre évitait de prononcer le mot « psychiatrie » et créait une ambiguïté. Parlait-on d’épanouissement personnel ou de maladies psychiatriques authentiques ? Cette imprécision permet-elle d’oublier que les patients, les soignants et les hôpitaux psychiatriques publics sont en très grande difficulté depuis de nombreuses années ?

La région Centre-Val de Loire n’est pas épargnée par la crise de la psychiatrie

Dans le Loiret, l’hôpital psychiatrique Georges Daumézon, situé sur la commune de Fleury-les-Aubrais, ferme des lits par manque de personnel. En Indre-et-Loire, les pôles de psychiatrie du CHRU de Tours seront regroupés dans le Nouvel Hôpital psychiatrique Trousseau dans quelques mois. C’est là une occasion à saisir afin d’améliorer la situation de la psychiatrie tourangelle. Que nenni ! Cette réorganisation est le prétexte pour supprimer des lits et diminuer le personnel. Le 6 octobre dernier les soignants ont démarré une nouvelle grève. Il semble que leur protestation ait porté quelques fruits puisque la direction du CHRU a annoncé 5 jours plus tard que certaines de leurs revendications concernant les effectifs seraient entendues. La région Centre-Val de Loire n’est pas épargnée par la crise de la psychiatrie.

La dégradation de la psychiatrie publique est continue 

Dans son livre « Comment on massacre la psychiatrie française », le docteur Daniel Zagury tire la sonnette d’alarme sur une spécialité à bout de souffle. De nombreuses communications officielles relatent son état consternant. On peut citer celle de décembre 2024 des députées Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau. Elles dénoncent qu’entre 2008 et 2022, « le système de soins psychiatriques français a connu une perte nette de 7 000 places de temps complet ». À l’inverse, bizarrement, sur la même période, le secteur psychiatrique privé lucratif a connu une croissance de 3 664 places. Plus récemment les sénateurs ont aussi publié un rapport dans lequel ils constatent que les indicateurs montrent le « maintien d’un état dégradé de la santé mentale de la population ». Ils préconisent, sans proposer de moyens, une augmentation du nombre de soignants et de formations en santé mentale. Malgré tous ces avertissements, la dégradation de la psychiatrie publique est continue depuis plus de vingt ans avec la fermeture massive de lits hospitaliers.

Les carences en personnel ont des conséquences délétères

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) avertit dans son avis 147 que « le système français de soins en psychiatrie ne parvient malheureusement plus à répondre aux besoins » et constate « une crise de la démographie médicale et de l’attractivité de la discipline, une difficulté à recruter des soignants, des conditions d’accueil souvent indignes dans des établissements vétustes ». Ces carences chroniques en personnel ont des conséquences délétères sur les malades. Dans la plupart des cas, l’urgence est devenue le point d’entrée dans le parcours de soins psychiatrique. Aussi l’isolement ou la contention sont parfois les seules ressources possibles quand il manque les soignants compétents pour prendre en charge un patient en crise.

Stéphanie Rist n’aura pas la tâche facile

Pour que cette « grande cause nationale » ne devienne pas une annonce stérile et illusoire, il fallait proposer « un plan santé mentale et psychiatrie ». Ceci a été fait le 11 juin 2025 quand ce plan a été rendu public.

Trois objectifs y sont définis :

  1. Repérer : un plan national de repérage et d’intervention précoce.
  2. Soigner : une psychiatrie de proximité, lisible et accessible.
  3. Reconstruire : renforcer la formation et la coordination.

Ces mesures sont cohérentes, pertinentes et d’envergure. Malheureusement aucun financement ne les accompagne. Pour concrétiser toutes les actions envisagées, il faut des moyens. Si ce n’est pas le cas, leur mise en œuvre ne se fera pas et la « grande cause nationale » restera un vœu pieux, voire une escroquerie politicienne.

Par ces temps de restrictions budgétaires, notre nouvelle ministre de la Santé, l’orléanaise Stéphanie Rist, n’aura pas la tâche facile en héritant de ce difficile dossier… 


Plus d’infos autrement :
 

La santé mentale : un bâillon sur une société en souffrance

Et notre dossier :

[Psychiatrie] Édito : La psychiatrie publique française est malade

Commentaires

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  1. Le privé est aussi attaqué dans le loir et cher. La Borde et la Chesnaie n’ont pas obtenu le renouvellement de leur autorisation d’exercer en psychiatrie avec une fenêtre de 6 mois pour fermer les lits d’hospitalisation et les transformer en place de médicosocial. L’ARS du centre, dans “la lettre pro” n°85 du 17 octobre 2025, écrit un article : “Psychiatrie institutionnelle : l’ARS accompagne la transformation des cliniques La Borde et la Chesnaie (41)”.
    Un droit de réponse est demandé devant cette initiative de l’ARS Centre val de Loire de procéder unilatéralement et de façon discrétionnaire à une transformation majeure de notre offre de soins, sur le fondement de considérations non médicalement étayées et alors même qu’elle n’a pas encore procédé aux évaluations les plus élémentaires.
    À suivre..

  2. Apprendre que La Borde et la Chesnaie vont être fermés me renforce dans l’idée qu’après notre mort nous ne ressentons plus rien sinon Jean Oury serait immensément triste et ce serait sadique.
    Quelle honte !

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