Un Octobre rose qui surjoue l’atout seins

L’abondance d’actions colorant octobre en rose est-elle vraiment utile au financement de la lutte contre le cancer du sein ? Au-delà de l’avis radical des Femen, on peut s’interroger sur une incitation au dépistage parasitée par de la com’ assimilable à du « pinkwashing ».

Capture d’écran du compte Instagram Femen France


Par Jean-Luc Bouland
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« Chaque année, pendant 30 jours, les municipalités s’affichent en rose, on vend des rubans à gogo et on multiplie les hashtags. Merci pour la visibilité mais les femmes ne se soignent pas à coup d’opérations de com’ ! Le cancer du sein n’est pas une campagne publicitaire. » Publiée lundi 27 octobre sur le compte Instagram de Femen France, l’interrogation, par sa radicalité, met le doigt sur l’efficacité des actions peignant octobre en rose, mais sans annoncer d’effets concrets. Car, précisent-elles : « C’est la première cause de mortalité par cancer chez les femmes. Et pourtant, selon les territoires, le dépistage reste inégal, l’accompagnement psychologique insuffisant, la recherche sous-financée et les femmes précarisées par la maladie invisibilisées. »

Des actions labellisées, ou pas

Chaque année, en toutes les régions, dans les grandes villes comme dans de petites communes, la couleur rose apparaît en octobre sur le fronton des mairies et dans la programmation des activités, régulières ou créées pour l’occasion, pour marquer une vraie solidarité avec la cause. La région Centre-Val de Loire n’échappe pas à la règle et, dans chaque département, nombre de municipalités ont fait en sorte de fédérer ces actions, souvent portées ou relayées par des associations. C’est le cas dans le Loiret, par exemple, à Beaugency, avec une programmation impressionnante, à Olivet, où les Foulées roses réunissent chaque année plusieurs milliers de participants, comme dans la plupart des villes importantes de la région, telle Montargis, avec la participation des Miss, etc. Et, depuis des années, la thématique Octobre rose est si étroitement associée au cancer du sein et à l’incitation au dépistage… que la visibilité des seins a disparu des médias. Comme si le slogan initial « Montrez vos seins » n’incluait pas dans l’action le « Montrons nos seins », par crainte de voyeurisme, ou d’accusation d’exhibitionnisme déplacé. Après tout, c‘est au médecin qu’il faut les montrer, mais pas en public, et surtout pas sur les réseaux sociaux.

Si à Saran, cette année, ce sont les soutiens-gorge (usagés) qui étaient affichés avant d’être recyclés, et si à Beaugency, en 2024, plus d’une dizaine de volontaires avaient accepté d’être photographiées seins nus pour transmettre le message, on est loin des premières campagnes où ce sont des célébrités qui s’affichaient, ou des élues de communes de province. Les Labels délivrés par la Ligue contre le cancer ou l’Arc impliquent une certaine rigueur, car l’estampille Octobre rose a souvent été utilisée, en toute liberté, par des productions photographiques plus sensuelles, voire érotiques, que purement incitatives.

Capture d’écran du compte Instagram Femen France

La forme, et pas les fonds

La majorité de ces actions sont sincères, motivées, et participent à leur manière à la sensibilisation de la population, mais apportent-elles pour autant des fonds suffisants pour la recherche contre le cancer ? Dans les actions officielles, ce sont majoritairement les personnes impliquées qui contribuent à cette collecte. Mais il existe aussi quelques associations qui considèrent que leur action aide suffisamment à la sensibilisation… pour se faire surtout un coup de com’, voire un apport financier non reversé.

« Comment accepter passivement des milliers de nouveaux cas chaque année, autant de décès, alors que l’on continue d’assister à toutes ces campagnes volontaristes… mais sans changements structurels et environnementaux efficaces ? », alertent encore les Femen. « En trente ans, la fréquence de cancer du sein a été presque multipliée par deux avec pour cause – principalement – la contamination de notre environnement quotidien ».

Doit-on pour autant les rejoindre en considérant que marques et politiques ne feraient qu’utiliser « l’esthétique du combat d’ #OctobreRose pour se donner une image engagée » et inciter les politiques « à seinpliquer concrètement ». Un ruban rose « ne remplacera jamais des moyens politiques et financiers pour endiguer la maladie », disent-elles. Le débat est complexe, comme les solutions à apporter, mais la question méritait d’être posée, sans bomber le torse.


Plus d’infos autrement :

À la piscine de Beaugency, Octobre rose invite à enlever le haut

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  1. Les Femens, qui peuvent manifester à Paris dans une église ou aux portes d’une mosquée, gagneraient à quitter des réseaux sociaux placés sous la coupe de patrons ayant fait allégeance au néo-fascisme américain radicalement masculiniste, et refuser de se soumettre à leur censure puritaine qui les contraint à flouter leur poitrine.

  2. Octobre rose c’est de la “com” quand l’essentiel est oublié : des milliers de femmes n’ont pas la possibilité de se faire dépister même dans de grandes villes. A Orléans et à Tours c’est compliqué voire impossible, à la Rochelle il faut aller à Bordeaux ou à Nantes pour obtenir un rendez-vous. C’est plus facile si vous êtes à Paris ou Nice (vous aurez un RV demain). Devoir faire 200 km pour un dépistage (à quel prix ?) c’est le lot commun. Les parapluies roses couvrent la pénurie.

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