Le Parlement européen veut la fin de l’hécatombe routière en 2050. Dans ce cadre, le 21 octobre dernier, les eurodéputés ont proposé une révision des règles du permis de conduire : limitation de sa validité à 15 ans et visite médicale obligatoire. Ce changement est-il la solution pour réduire drastiquement le nombre de morts sur les routes françaises ?
L’Union européenne a voté la fin du permis à validité illimitée – ©Freepik
Par Jean-Paul Briand.
Chaque année, la mortalité routière est étudiée. Étonnamment la région Centre-Val de Loire bat des records. En page 43 du dernier document de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), on note plus de 65 tués par million d’habitants en Centre-Val de Loire alors qu’en France métropolitaine, le ratio moyen est de 48 tués par Mhab.
Pour 2024, dans ce même rapport, « les 18-34 ans représentent 20% de la population mais 30% des tués et 37% des présumés responsables d’accidents mortels. Les 75 ans et plus représentent 10% de la population mais 17% des tués et 12% des présumés responsables d’accidents mortels ». Pour les accidents mortels sur autoroutes, un document précise que « le facteur alcool, drogues, médicaments » est le premier facteur d’accidents mortels. Ces accidents surviennent principalement la nuit et le week-end, concernent particulièrement les conducteurs de sexe masculin et de moins de 35 ans ».
Deux groupes à risque
La mortalité routière cible deux groupes pour le nombre de tués par million d’habitants. D’une part les plus jeunes conducteurs, et d’autre part les plus anciens. Lorsqu’un jeune conducteur est responsable, les causes sont majoritairement liées à une vitesse excessive, à l’alcool, à l’usage de stupéfiants et à l’inexpérience. Les 75 ans et plus ont également un taux de mortalité routière élevé. Pour cette tranche d’âge, les causes d’accidents mortels sont moins souvent liées à la vitesse ou à l’alcool, mais plutôt à des pertes d’attention, des malaises ou des erreurs de manœuvre.
Face à cette réalité, l’Union européenne a donc voté la fin du permis à validité illimitée. Son renouvellement sera obligatoire tous les 15 ans pour tous les conducteurs de véhicules légers. À son premier permis ou lors d’un renouvellement, le conducteur se soumettra à une visite médicale. Pour les conducteurs âgés, le débat s’est focalisé sur l’instauration d’un examen médical obligatoire plus fréquent afin de vérifier l’aptitude physique, visuelle et cognitive à la conduite. La nouvelle directive propose que les États puissent « réduire la durée de validité pour les conducteurs âgés de 65 ans ou plus afin de soumettre plus fréquemment leurs titulaires à des visites médicales ou à des cours de remise à niveau ». La France est désormais mise en demeure de reconsidérer son permis « à vie ».
L’âge n’est pas un facteur accidentogène majeur
Pour autant, cette réforme va-t-elle permettre de diminuer efficacement le nombre de morts sur les routes de France ? La réponse risque d’être négative. Des pays européens, comme le Portugal, l’Italie ou l’Espagne, ont déjà mis en place des contrôles médicaux réguliers pour les seniors. Les études menées dans ces pays montrent un impact marginal sur la réduction de la mortalité routière. Le président du Syndicat des médecins agréés pour le permis de conduire (Smacmac) confirme que « les statistiques prouvent qu’une visite médicale obligatoire, imposée dans certains pays, n’entraîne pas d’amélioration des chiffres de la mortalité sur la route ». Les conducteurs âgés ont souvent une excellente capacité à s’auto-réguler. Ils réduisent naturellement leur kilométrage, évitent la conduite de nuit, par mauvais temps, ou dans des situations complexes (travaux, autoroute, heures de pointe). Cette adaptation comportementale est un facteur de sécurité plus puissant que ne l’est une visite médicale ponctuelle. L’âge n’est pas un facteur accidentogène majeur. Les accidents sont des événements multifactoriels et les tests médicaux ne suffisent pas à prédire avec précision le risque d’accident d’un individu. Ils permettent d’identifier des cas critiques et d’apporter parfois des restrictions de conduite salvatrices.
La sécurité routière ne doit pas se limiter à une seule catégorie d’âge
Pour réduire massivement la mortalité routière, l’action doit se concentrer sur les causes principales : les comportements à risque des jeunes et la vulnérabilité des usagers faibles. Une politique de sécurité routière ne doit pas se limiter à une seule catégorie d’âge mais intégrer la prévention, la technologie et surtout l’éducation au respect des règles pour l’ensemble des conducteurs. Pourtant l’âge minimal du permis de conduire est abaissé à dix-sept ans depuis 2024, les dispositifs d’éthylotest anti-démarrage électroniques ne sont pas obligatoires et les moteurs des véhicules sont de plus en plus puissants.
La fin du permis à vie et l’incitation à des contrôles d’aptitude représentent une prise de conscience nécessaire et une harmonisation européenne souhaitable. La visite médicale est un outil complémentaire mais certainement pas la panacée.
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