Les Citoyens du Montargois : laboratoire transpartisan ou mirage d’unité politique ?

Les Citoyens du Montargois se présentent en OPNI Objet Politique Non Identifié – sur la scène locale : pas de parti, mais un collectif « aux idées politiques différentes, unis par des valeurs communes ». De l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par l’écologie, l’épreuve des urnes dira si « le phénomène Citoyens » tiendra ses promesses d’unité ou révélera ses lignes de fracture.

Mi-juillet, les Citoyens du Montargois présentaient leur tête de liste et deux nouveaux Citoyens – photo Izabel Tognarelli.


Par Izabel Tognarelli.


À Montargis, ils intriguent, agacent parfois, mais ne laissent personne indifférent. Leur liste Citoyens du Montargois est emmenée par Olivier Masson. Lors des municipales de 2020, ils avaient recueilli 17,85 % des voix (16,2 % en 2014), un score suffisant pour s’imposer comme troisième force locale. Magcentre a assisté aux premières réunions publiques de leur campagne pour les municipales de 2026.

Un mouvement qui veut « faire de la politique autrement »

Olivier Masson, professeur à la retraite, par ailleurs écologiste, forme avec Alphonse Proffit, ingénieur informaticien, le cœur du collectif. Le premier défend la participation citoyenne. Le second, vigie du groupe, scrute l’horizon municipal et communautaire, dénonçant toute forme d’injustice ou d’opacité. Le ton est direct, parfois cassant, et tranche avec celui, plus institutionnel, d’Olivier Masson.

Ce tandem atypique est complété par Lise Gabrielle, tête de liste en 2014, professeure dans l’enseignement supérieur, en classes préparatoires. Élue municipale et communautaire de 2014 à 2020, elle est de sensibilité centre-gauche et agit comme un pôle de stabilité : précise, méthodique, elle connaît parfaitement ses dossiers et fait le lien entre critique institutionnelle et propositions concrètes.

Programme contestataire ou refonte de la gouvernance locale ?

À l’automne, les Citoyens du Montargois ont dévoilé les grandes lignes de leur programme. Parmi elles, une mesure est saisissante : placer volontairement la Ville sous tutelle pendant un exercice. Un auditeur résumait la proposition d’un ton ironique : « Votez pour nous, on sera mis sous tutelle ! » « Mais nous, on le fera volontairement ; les autres, de manière plus contrainte », rétorquait Alphonse Proffit. Le groupe affirme avoir alerté sans succès la préfète du Loiret, Sophie Brocas, et la Chambre régionale des comptes. Ils sont convaincus que la mise sous tutelle est inévitable.

Une autre proposition phare vise à réorganiser en profondeur la gouvernance locale, en réduisant le rôle de la mairie au profit de conseils de quartiers et de l’Agglomération. La commune, selon Alphonse Proffit, est un « échelon bâtard », inefficace, d’où le projet de privilégier l’échelon communautaire et celui des quartiers.

Un collectif placé sous le signe de la diversité (à droite, Diadié Savane, qui prépare une liste pour la commune voisine de Châlette-sur-Loing) – photo Izabel Tognarelli

Un « grand écart » revendiqué…

La diversité des sensibilités politiques nourrit la curiosité quant au mode de fonctionnement, mais elle interroge dans le même temps : jusqu’où va cette pluralité ? Les Citoyens du Montargois ont-ils une limite sur les positionnements politiques de chacun ? Pour Alphonse Proffit, la réponse est non : « La seule limite, c’est l’écoute, la parole et les échanges des uns et des autres ; accepter que l’on puisse avoir des convictions différentes ». Du côté d’Olivier Masson, cette diversité est une richesse : « Nous ne demandons pas aux gens ce qu’ils ont voté aux dernières élections. Il est possible qu’il y ait des gens qui aient voté RN ou LFI dans notre groupe. Beaucoup de votes de protestation viennent d’un sentiment de ne plus se reconnaître dans l’action politique. Nous, on propose d’agir localement. »

… ou des valeurs communes, avec des limites assumées

Pour Lise Gabrielle, la pluralité ne signifie pas l’absence de ligne rouge. « Après les élections municipales de 2014, j’ai découvert qu’il y avait des personnes dans notre groupe qui votaient FN. Cela m’a surprise, car nous défendons la participation citoyenne et la co-construction, ce qui n’est pas très extrême droite. » Elle ajoute : « Je pense que, ces dernières années, on a séduit un peu d’électorat d’extrême droite par le fait que nous voulons aussi autre chose, avec un mode de fonctionnement plus près des habitants. Il faut combattre les idées d’extrême droite, mais sans mépriser les gens. »

Les Citoyens sont en train de renouveler leur Charte de valeurs : transparence de l’action publique, participation de tous les Montargois quelles que soient leurs origines, respect de la loi et refus des propos discriminatoires. « Nous avons aussi une charte de fonctionnement du collectif : les propos antisémites ou haineux n’ont pas leur place chez nous », précise-t-elle. Impossible pour elle de travailler avec des personnes qui nient le réchauffement climatique ou tiennent des propos intolérants : ce sont ses valeurs non-négociables.

Alliances : le tabou du RN

Et si le Rassemblement national leur proposait une alliance au second tour ? Olivier Masson et Alphonse Proffit répondent d’une même voix : « Il faut qu’on en débatte. » Leur prudence tranche avec la position de Lise Gabrielle : « Personnellement, ce n’est pas possible. Nous acceptons de dialoguer, mais sans reprendre des idées qui, sur le plan national, sont nauséabondes. Pour moi, ce n’est pas cohérent avec un projet dans lequel on veut faire participer tous les habitants et être au service des quartiers où il y a des populations ciblées par le RN comme étant la cause de tous les maux. »

« Faire abstraction de nos convictions nationales pour se consacrer aux problématiques locales », tel est leur leitmotiv. Mais à mesure que l’échéance des élections municipales se rapproche, la question de leur porosité aux extrêmes reviendra avec insistance : peut-on durablement unir des écologistes, des modérés et des électeurs venus des extrêmes sans que la structure ne se fissure ? Cette expérience transpartisane incarnera-t-elle un laboratoire politique durable ou bien une utopie démocratique ?

Trois réunions publiques ont eu lieu en septembre et octobre, d’autres devraient suivre – photo Izabel Tognarelli


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Commentaires

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  1. Les “collectifs” c’est fait au moins partiellement pour masquer …. les barbus- tondus, les RN non déclarés, peut-être aussi les antisémites. Bref tout ce que l’on n’ose pas afficher par peur du qu’en dira-t-on? et entraîner une nouvelle bien pensance, un nouveau conformisme et de nouveaux M. Homais.
    (*) https://fr.wikipedia.org/wiki/Monsieur_Homais

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