Optimiser sans réformer, l’art du nouveau Service public départemental de l’autonomie

Le mardi 4 novembre, le Département du Loiret et l’Agence régionale de santé ont officiellement lancé le Service public départemental de l’autonomie (SPDA). Avec l’objectif de rendre le parcours des personnes âgées et handicapées plus simple, mieux coordonné et limpide pour les usagers. Une ambition largement partagée, mais dont la mise en œuvre concrète soulève encore de nombreuses questions.

Avec le SPDA, les institutions veulent décomplexifier les démarches administratives des usagers. ©Freepik


Par Mael Petit.


Comment briser les murs du labyrinthe administratif que représente trop souvent le traitement des dossiers des usagers ? Vieux refrain de l’administration française, la complexité des démarches et la lenteur de l’ouverture des droits pour les personnes en perte d’autonomie nourrissent frustration et découragement. Pour l’État et les collectivités engagées dans l’information, l’orientation et l’accompagnement des publics fragiles, la réponse à ce casse-tête passe désormais par les nouveaux Services publics départementaux de l’autonomie (SPDA), créés par la loi « Bien vieillir » d’avril 2024. « C’est une étape importante pour l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie », se réjouissait même Christian Braux, vice-président du Conseil départemental du Loiret, lors de la conférence de lancement du projet réunissant tous les acteurs. Selon les Départements plutôt enthousiastes, le SPDA doit offrir à chaque usager une écoute et un accompagnement plus lisible, dans des démarches souvent perçues comme un dédale administratif. L’idée est de mettre fin au morcellement des dispositifs, en faisant travailler ensemble les différents acteurs de l’autonomie — départements, ARS, caisses de retraite, CCAS, MDPH, associations ou encore dispositifs d’appui à la coordination.

Une méthode de coordination, pas une réforme

Mais contrairement à ce que son intitulé pourrait laisser croire, le SPDA n’est pas une nouvelle structure. Ce qui a souvent suscité l’incompréhension chez les différents partenaires du secteur social, y compris parmi les pilotes du projet eux-mêmes. « C’est une organisation intégrée, fondée sur le décloisonnement et l’interconnaissance », précise Catherine Fayet, directrice départementale de l’ARS du Loiret. En clair, pas question de créer un échelon supplémentaire : il s’agit plutôt de faire circuler l’information et de fluidifier les pratiques. « D’optimiser » l’existant, insiste même l’ARS. Un mot qui revient d’ailleurs très souvent au moment de décrire l’objectif de ce nouveau plan. Un choix pragmatique, fidèle à la ligne nationale, mais qui interroge sur la capacité de décloisonner sans moyens supplémentaires ni révision des procédures. « Nous n’avons pas toujours besoin de moyens financiers supplémentaires pour trouver des solutions, ni même ajouter des équipes, répond Mme Fayet. L’idée c’est de mettre en œuvre des actions concrètes afin d’optimiser et coordonner les services pour enlever de la complexité dans les démarches de l’usager. »

Sur le terrain, la mobilisation est réelle, mais teintée de prudence. Beaucoup d’acteurs saluent la démarche, tout en craignant qu’elle ne se traduise par une charge de travail supplémentaire dans les services. Les équipes médico-sociales, sociales ou administratives sont déjà très sollicitées, et la coordination, aussi vertueuse soit-elle, prend du temps. Si par exemple l’UNCCAS apprécie la dynamique, elle reste en revanche dubitative sur la pleine réussite d’une initiative fondée uniquement sur la bonne volonté des acteurs locaux. 

Car le SPDA repose sur le pari de transformer les pratiques sans engager de réelle réforme structurante. Une logique de simple coordination qui laisse chaque Conseil départemental libre d’appliquer ses principes. Ce que regrettait l’Union nationale des syndicats autonomes au moment de la phase de concertation pour l’élaboration du SPDA. « Sans obligation de résultats ni ressources dédiées, l’amélioration de l’offre dépendra exclusivement des marges budgétaires locales – déjà contraintes – et de la volonté politique de chaque département », alertait l’organisation.

L’expérience utile du Loir-et-Cher

Une ambition qui risque donc de se heurter à la réalité du terrain si elle n’est pas soutenue par des leviers concrets. Le calendrier lui est resserré. Dans les semaines à venir, des ateliers entre acteurs et des enquêtes auprès des usagers permettront d’établir un diagnostic partagé. Une feuille de route départementale doit être présentée le 22 janvier 2026, avant un lancement opérationnel du plan d’actions en février. Une méthode participative saluée pour son ouverture, mais dont la réussite dépendra de la capacité à fédérer durablement les partenaires, alors que certaines voix craignent d’ores et déjà de ne pas suffisamment être écoutées. 

L’expérience du Loir-et-Cher, département préfigurateur du SPDA, offre un retour d’expérience éclairant. Son plan, particulièrement « costaud », comporte une cinquantaine d’actions. Avec pour principal progrès observé jusqu’ici, « la réduction du nombre d’entretiens et d’évaluations nécessaires pour constituer les dossiers d’usagers », avoue un partenaire de la mise en œuvre du SPDA Loir-et-Chérien. Une amélioration réelle, mais encore modeste au regard des attentes initiales. Un constat qui rappelle qu’une meilleure coordination ne suffit pas toujours à simplifier le quotidien des usagers tant que les rouages du système ou les outils informatiques restent hétérogènes.

La démarche de co-construction, la volonté de rapprocher les institutions et les acteurs de terrain traduisent tout de même une prise de conscience. Mais derrière la promesse d’un « service public intégré », le risque existe de mieux organiser la complexité sans la réduire. Le SPDA ne crée pas un guichet unique, ou n’enclenche pas de révolution administrative. Il met simplement en musique des dispositifs déjà existants, avec l’espoir d’une plus grande lisibilité.


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