Aujourd’hui inaccessibles, la flèche et la « forêt » Notre-Dame (la charpente) pourront entièrement se visiter à partir de 2029, en vrai, grandeur nature, et sans artifice (sans recours à la réalité virtuelle). Nous sommes en novembre, et ça n’est donc pas un poisson d’avril. Mais, allez-vous penser, comment cela sera-t-il possible, alors que ces parties de l’édifice sont aujourd’hui interdites au public et doivent d’ailleurs le rester ? Magcentre vous explique tout.
Visuel du projet de reconstruction des charpentes et de la flèche de Notre-Dame de Paris à Pougues-les-Eaux dans la Nièvre. Crédit Mickael Defour / Loire Dessin
Par Eric Botton.
Après l’incendie d’avril 2019 qui a marqué tous les esprits, la réouverture tant attendue de l’édifice, reconstruit à l’identique en un temps record, s’est déroulée le week-end des 7 et 8 décembre 2024 pour la plus grande joie de tous ceux qui sont attachés au patrimoine bâti, et bien entendu aussi pour celle des innombrables touristes de toutes origines qui séjournent dans la capitale et font de Notre-Dame de Paris une de leurs étapes incontournables. Petit bémol néanmoins : pour les parties hautes de la cathédrale, seules les deux tours sont visitables aujourd’hui. L’accès à la charpente et à la flèche est interdit au grand public.
Une idée un peu folle
Mais pourquoi garder désormais invisible de l’intérieur une construction en tout point remarquable, qui témoigne du savoir-faire exceptionnel de nos artisans, des compagnons charpentiers en particulier, transmis de génération en génération ? Cela ne mérite-t-il pas au contraire d’être montré et très largement partagé ? C’est en partant de ce constat qu’est née l’idée un peu folle, à l’issue de la phase de reconstruction. Comme pour Lascaux II en Dordogne (fac-similé de la célèbre grotte préhistorique, découverte en septembre 1940), pourquoi ne pas reconstituer, grandeur nature et à l’identique, la flèche et la charpente de la cathédrale, et rendre cette reconstitution accessible à tous ?
Réplique de la flèche de Notre-Dame. Crédit Mickaël Defour-Loire dessin
À la manœuvre, l’association « Restaurons Notre-Dame », initiée dès le 16 avril 2019 au lendemain de l’incendie, s’était donnée pour mission première de défendre la reconstruction à l’identique des charpentes et de la flèche détruites par le feu, avec un engagement reposant sur le respect des principes de la Charte de Venise (1964), et du document de Nara sur l’authenticité (1994), qui sont les références internationales en matière de restauration du patrimoine. Mais une fois la restauration terminée, quel avenir pour une association ayant mené à bien son pari et la mission constitutive de son ADN ? Tout simplement, peut-être, regarder un peu plus loin, et partager ce qui vaut le coup de l’être, à condition bien sûr d’en avoir l’idée et d’en trouver les moyens.
La naissance d’un grand projet
Aussitôt dit, aussitôt fait, ou presque. Se mettre au travail très vite pour essayer de « pondre » quelque chose qui tienne la route, quelque chose de réaliste et de réalisable. Et c’est ainsi que le 13 octobre dernier, à l’amphithéâtre de l’Hôtel de Ville de Paris, en point d’orgue de son assemblée générale, « Restaurons Notre-Dame » annonçait la nouvelle par la voix de son fondateur, et aujourd’hui président d’honneur, Pascal Jacob : « Rendre visible l’invisible », c’est l’intitulé du projet de reconstruction à l’échelle 1 des charpentes et de la flèche de Notre-Dame de Paris, accompagné de la création d’un centre d’interprétation à vocation mémorielle, culturelle et pédagogique. Un lieu unique qui permettra de faire découvrir au public les savoir-faire d’excellence et les ressources forestières françaises à l’origine de ce chef-d’œuvre universel. Nouvel axe majeur et nouvel objet de l’association, reconnue d’intérêt général, qui souhaite maintenant œuvrer pour la promotion des métiers d’art et des savoir-faire d’excellence et, au-delà, pour le rayonnement culturel de la France à travers ses grandes réalisations patrimoniales.
Une expérience unique
Montées sur une ossature maçonnée, à l’intérieur de laquelle se situeront tous les locaux utiles (accueil, espace pédagogique, expositions, services…) sur plus de 7 000 m², la charpente et la flèche (90 m de hauteur), protégées par une immense verrière, culmineront sur le Mont Givre (294 m d’altitude), à Pougues-les-Eaux (58) en bordure de l’A77, à une soixantaine de kilomètres à l’est de Bourges, et à peine une douzaine au nord de Nevers. Non recouvertes bien entendu, elles seront ainsi visibles et observables à l’œil nu. C’est la flèche qui sera réalisée en premier (ouverture prévue en 2029). S’ensuivra en 2030 le début du chantier-spectacle sur le thème des charpentes médiévales.
On ne peut à ce stade s’empêcher de penser à des sites tels que Guédelon, ou encore au célèbre chantier de l’Hermione. D’ailleurs, Pascal Jacob, précisant que 150 personnes travaillaient déjà aujourd’hui sur le projet, indiquait qu’il s’était entouré de diverses personnalités, dont Olivier Pagezy, président justement de l’Association Hermione-La Fayette de 2016 à 2022. En ajoutant que son objectif était de faire vivre au public l’expérience unique d’un parcours immersif au cœur de la charpente et de la flèche, avec montée progressive au cœur de celle-ci, et bien entendu découverte du panorama depuis ce point culminant.
Petit clin d’œil à Orléans
Pour rendre tout cela possible à horizon 5 ans, il faudra naturellement régler un certain nombre de détails techniques, l’un des plus importants étant le bois de chêne nécessaire à une telle réalisation. En ce sens, le lieu n’a pas été choisi au hasard, puisqu’à moins de 25 km se situe la forêt domaniale des Bertranges, la première chênaie de France, sur un massif de plus de 10 000 hectares. Et puis, comme pour la restauration de Notre-Dame, il faudra une nouvelle fois mettre en œuvre les techniques utilisées pour sa réalisation, les mêmes d’ailleurs que pour la Sainte-Chapelle, ou encore… la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans.
La cité johannique qui peut d’ailleurs être fière, même si cela reste encore méconnu (les médias locaux ayant ignoré ce rendez-vous à l’époque), de sa contribution indirecte à la reconstruction, et bientôt à la reconstitution, que l’on pourra admirer sur le Mont Givre. En effet, début juillet 2022, sous l’organisation conjointe de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) et de la Fédération compagnonnique régionale (Compagnons du Tour de France), c’est bien la visite complète et détaillée de la charpente et de la flèche de la cathédrale Sainte-Croix qui a permis aux entreprises retenues (notamment les célèbres Ateliers Perrault ou encore Le Bras Frères) de repérer les assemblages originaux effectués à l’époque et les modes opératoires utilisés pour pouvoir les reproduire ensuite pour Notre-Dame, avec le résultat qu’on connaît aujourd’hui. Le projet de Pougues-les-Eaux est actuellement estimé à 16 millions d’euros pour la phase 1 (flèche), avec un financement devant reposer à 100 % sur le mécénat.
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