Le trône oublié qui sauve des vies

Le 19 novembre est célébrée la « Journée mondiale des toilettes ». Cette entrée en matière peut prêter à sourire mais l’accès à des installations sanitaires adaptées est un enjeu mondial. Si certain(e)s d’entre nous y passent de très nombreuses heures, aujourd’hui encore des milliards de personnes en sont privés. Quelles peuvent en être les conséquences ?

L’accès aux toilettes reste inégal, même en France, et leur état n’est pas toujours salubre. Illustration Pixabay


Par Jean-Paul Briand.


Instauré en 2001 par l’Organisation mondiale des toilettes puis consacré par l’ONU en 2013, le « World Toilet Day » a pour vocation de rappeler que 354 millions de personnes pratiquent encore la défécation à l’air libre et que près de la moitié de la population mondiale vit sans services d’assainissement. Pourtant, dans sa résolution du 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé que « le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit fondamental, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Malheureusement, avoir accès à des toilettes sûres est toujours un défi planétaire qui concerne la santé, la sécurité, la dignité.

Le manque de toilettes tue

Un gramme de selles peut contenir jusqu’à 10⁹ virus et 10¹¹ bactéries, invisibles à l’œil nu, responsables de diarrhées infectieuses (choléra, typhoïde, hépatites, dysenterie, …). En l’absence d’assainissement, ces pathogènes contaminent les sols et les sources d’eau. Les conséquences sont dévastatrices : plus de 700 enfants de moins de 5 ans meurent chaque jour de diarrhées liées à un assainissement défaillant. Le Global Burden of Disease (compilation de données scientifiques menée par plus de 3 000 chercheurs issus de 130 pays) estime que plus de 40% des enfants de moins de 5 ans ont subi des épisodes de diarrhée entraînant 128 500 décès à l’échelle mondiale. Les diarrhées dues au rotavirus transmis par les selles constituent la troisième cause mondiale de mortalité des enfants de moins de 5 ans. Le cercle vicieux est implacable : un enfant qui boit de l’eau souillée souffre de diarrhées, ne retient plus aucun nutriment, sombre dans la malnutrition, le rendant plus vulnérable encore. Le manque de toilettes tue.

Un outil d’émancipation et de protection

Les toilettes ne sont pas qu’une affaire sanitaire : elles touchent à la dignité et à la sécurité. Dans de nombreuses régions du monde, les femmes et les jeunes filles risquent leur intégrité sans toilettes fermées et sûres. Elles doivent parfois parcourir de longues distances pour trouver un lieu d’aisance discret où elles seront à l’abri des regards et moins exposées à d’éventuelles violences ou d’agressions sexuelles lors de leurs besoins. D’autres manquent l’école durant leurs règles faute de toilettes adaptées. Au-delà de la santé, les toilettes sont un outil d’émancipation et de protection.

Une urgence humanitaire, un droit humain et non un privilège

On pourrait imaginer que la France soit protégée par ce fléau du manque d’assainissement et de toilettes. Elle n’est pas épargnée. Selon Eurostat, il y aurait en France 0,5% de la population sans toilettes intérieures au logement, soit 330 000 personnes, sans comptabiliser les sans-abris. Par ailleurs dans nombre de villes françaises, trouver des toilettes publiques gratuites est un parcours du combattant. Enfin dénichées, elles peuvent être dans un tel état de saleté ou avoir été vandalisées qu’elles en deviennent souvent inutilisables. L’assainissement, l’hygiène, la santé sont de la responsabilité des politiques publiques d’autant que la France a ratifié le Protocole sur l’eau et la santé (CEE) qui contient l’engagement de prendre « toutes les mesures appropriées pour assurer un assainissement adéquat, d’une qualité propre à permettre de protéger suffisamment la santé de l’homme et l’environnement ».

Il y a eu des tentatives de corriger les manques. En 2016, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture la proposition de loi (PPL) Lesage prévoyant l’obligation de disposer de toilettes publiques gratuites dans les collectivités de plus de 3 500 habitants, mais le Sénat a voté contre. En 2023 une PPL visant à garantir à tous un accès égal et gratuit aux toilettes a été également déposée. En 2024 une autre PPL demandait que le droit à l’assainissement soit reconnu comme un droit humain fondamental en vertu de la résolution des Nations Unies de juillet 2010. Toujours sans succès.

Les latrines ne doivent pas être un sujet méprisé et honteux, ou l’objet de conversations scabreuses et grotesques. L’accès à des toilettes sûres, fonctionnelles et gratuites est un marqueur de santé et de dignité. C’est une urgence humanitaire, un droit humain et non un privilège.


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Commentaires

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  1. Voilà qui me rappelle quelques vieux souvenirs datant du siècle dernier, j’ai effectué un séjour au Nicaragua au cours de la révolution sandiniste et participé à une brigade de solidarité. Nous travaillions dans une école agricole à Matagalpa, et pour les raisons d’hygiène évoquées dans cet article, on avait construit des chiottes un peu à l’écart des habitations pour éviter que les paysans et les jeunes de l’école ne se soulagent un peu partout dans les zones de culture. Dans notre groupe, pas mal de gens souffraient de diarrhées à répétition parce que les conditions alimentaires n’étaient pas non plus très hygiéniques et qu’on devait mettre des pastilles de micropur dans nos gourdes faute d’eau potable. Le trône avait la forme d’un cube de béton avec un grand trou en son centre. Quand il fallait se lever la nuit avec une petite lampe de poche, on retrouvait facilement cette latrine en se repérant au vrombissement des mouches… La solidarité, comme l’argent, n’avait alors pas d’odeur.

  2. Le problème est double, qu’en est-il de l’évacuation… A l’autre bout des tuyaux il y a les rivières, parfois sans aucun équipement d’épuration, et pas seulement dans les pays dits sous-développés. À quand la traque aux buses arrivant directement dans les cours d’eau…

  3. Un problème que j’ai déjà soulevé à Orléans et plus généralement en France. Comme l’indique JP Briand dans son article, L’homme est ainsi fait que le besoin de toilettes propres et gratuites est nécessaire partout, chez soi, comme dans les lieux publics, commerciaux, etc ……….. tout simplement pour des raisons de santé publique, salubrité et ………. confort !!
    Une fois encore, allons prendre exemple dans d’autres villes (Strasbourg un bon exemple) et pays (nordiques ou Amérique du Nord) où les autorités ont compris que nos besoins naturels devaient être pris en compte (Hommes et Femmes) et nécessitaient une mise en oeuvre des moyens nécessaires !! Simple et compréhensible …………

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