À l’occasion d’une nouvelle Matinée du piano proposée ce dimanche 16 novembre à l’Institut d’Orléans par Orléans Concours International, la lauréate de l’édition 2024 a donné, dans le cadre de sa tournée régionale, un récital « Mysteria » absolument renversant.

Svetlana Andreeva. Photo P. Nachbaur.
Par Jean-Dominique Burtin.
Une virtuosité à l’écoute d’une intensité déchirante
En ouverture d’un récital de toute rareté et d’une facture follement intérieure, voici la Sonate n°8, de Scriabine. Ici, une fée telle une mante musicale de toute beauté se penche sur le clavier et dispense des notes infiniment perlées, irisées de lueurs tour à tour tamisées ou scintillantes, conjuguant puissance et grâce afin de révéler le souffle et l’orage qui courent dans l’âme du compositeur. Lui succèdent Les litanies, de Thierry Escaich, avec un céleste continuo d’évocations de cloches lointaines. Place à une œuvre noueuse de contrastes où l’interprète se montre saisissante de virtuosité au service d’une pièce à l’intensité parfois déchirante.
Folle fluidité et fulgurances stellaires
Se livre ensuite, comme le suggère Svetlana Andreeva, « le calme chagrin » de Dans les brumes, de Leoš Janáček, partition qui nous offre, dans ce programme Mysteria, « un bref répit sortant doucement des ombres ». Ici, la lauréate du Concours international de piano d’Orléans 2024, artiste à la respiration et à l’inspiration de braise ou enflammée, pianiste qui sait aussi faire montre, comme par essence naturelle, d’un minimalisme à la pureté de la plus belle eau, sait aussi délivrer une mélodie chantante et troublante s’évanouissant dans une vapeur cristalline.
Avec cette interprète, à chaque instant, la poésie est vibrante et le toucher suspendu. Le poids des doigts sur le clavier n’est que celui d’une poudreuse rosée en préambule à un toucher de tout le corps livrant folle fluidité et fulgurances stellaires.
À l’Institut, ce magnifique récital, courant de Scriabine à Messiaen, se déploie en une seule et même phrase musicale, ode et beau discours ininterrompu, miroir de la joie et de la détresse de compositeurs parsemant sans cesse leurs œuvres de consolantes apparitions et de résurrections. Ici, interprètes et auteurs dialoguent et s’aimantent en une saisissante offrande.
À l’issue de ce programme, unanimement applaudi par une salle comble, Svetlana Andreeva donne deux rappels, à savoir le prenant Agnus Dei du Requiem de Fauré, et le si doux Kitschmusik n°1, de Silvestroff. Ainsi l’artiste laisse-t-elle, dans le ciel des mélomanes, de merveilleux instants qu’ont fait s’envoler les ailes de ses mains.
À noter
Mercredi 26 novembre. Svetlana Andreeva donnera, à 14 heures, à la salle Debussy du conservatoire d’Orléans, une masterclass (manifestation gratuite ouverte au public sur inscription).
Dimanche 1er février 2026. À 10h45, salle de l’Institut, Matinée du piano avec, nouvelle programmation, un récital de Delphine Bardin.
« Mysteria ». Enregistré par Svetlana Andreeva par le label b·records avec le soutien de l’association Maison Henri Dutilleux – Geneviève Joy, l’album de Svetlana Andreeva sortira le 28 novembre 2025. Dans ce projet, la pianiste, comme l’explicite Orléans Concours International, « interroge le sens de la musique entre deux pôles : mystère et jeu ». Et OCI de poursuivre : « Le programme du CD suit une structure symétrique inspirée du mystère médiéval, où les éléments électroniques jouent le rôle du chœur, médiateur entre le sacré et le profane ». Magnifique.

Svetlana Andreeva et le CD Mysteria. Photo J.D. Burtin.
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Effervescence du piano contemporain avec Orléans Concours International