Alors que les élections municipales ont lieu dans quatre mois, il reste toujours huit candidats de la droite et du centre en lice à Tours. Et ils sont plusieurs à réclamer l’union… derrière eux.
Mairie de Tours – crédit 37°
Par Joséphine.
Un RN 2.0
Très peu présent sur un terrain qu’il ne connaît pourtant pas, le candidat parachuté par le RN – Aleksandar Nikolic – propose pour l’instant le service minimum avec en tout et pour tout, deux tractages sur des marchés et un collage sous les objectifs des caméras. Car en réalité, la pré-campagne se déroule surtout à distance, sur les réseaux sociaux. Et comme d’habitude avec les lepénistes, seuls les sujets nationaux sont mis en avant, les éléments de langage racoleurs étant préférés aux analyses locales. Il a donc été question ces dernières semaines pour Nikolic, pêle-mêle, bien sûr d’Islam et de sécurité, mais aussi de patriotisme d’apparat, de coups de menton contre le pouvoir algérien, de messages de soutien au gouvernement nationaliste serbe lâché par l’UE sur la question du Kosovo et d’appels à l’expulsion massive des étrangers en situation irrégulière. Quelques piques à Rima Hassan, Macron, la Palestine, Retailleau et Ursula von der Leyen, des selfies avant le footing du matin et hop, le tour est joué : Nikolic est déjà donné à 20% dans les sondages.
Des électrons libres au point mort
D’autres candidatures plus confidentielles continuent de leur côté, assez mollement, leur chemin. Il y a celle, probable, de Bertrand Rouzier (ex-Génération Écologie proche de La Convention), puis celle, confirmée, d‘Alain Dayan (ex-PRG, ex-PS et dissident Place Publique), tous deux se revendiquant de la gauche mais ayant signé une plateforme commune avec des LR, Radicaux et Macronistes. Il y a également celle de Benoist Pierre (ex-PS, ex-LREM, désormais dissident Horizons) qui entend « rassembler de la gauche à la droite modérée, sans chercher d’étiquettes ni d’investitures », autour d’un projet plus ou moins anti-fiscal et sécuritaire. Les deux premiers candidats se limitent à des tentatives plus ou moins agressives de buzz sur Internet, le troisième a lancé un quadrillage méthodique de la ville et des réseaux sociaux avec ses soutiens, tout en essayant d’attirer l’attention des médias pour ne pas disparaître de la photo.
Du rififi chez les ténors #1 : Christophe Bouchet
L’ancien maire défait en 2020 avait été le premier à dégainer sa candidature en février 2024 et à fonder dans la foulée une sorte de club citoyen pour proposer un programme plutôt de centre-droit. Et depuis, Bouchet occupe régulièrement l’espace médiatique et les internets tout en manœuvrant habilement en arrière-boutique dans la course aux investitures. Il a d’ailleurs récemment obtenu celle du Parti radical et avant même la désignation du candidat officiellement soutenu par LR, son ancienne première adjointe Marion Nicolay-Cabanne, elle-même LR, a réussi à recueillir la signature d’une douzaine de figures du parti qui se rangent déjà derrière Bouchet.
Plus récemment, c’est surtout avec un sondage que Christophe Bouchet a tenté de prendre définitivement la corde dans la course à la Mairie, ravivant les tensions à droite. Le fameux sondage Ifop qui a tant défrayé la chronique, en principe secret mais dont tout le monde connaissait la rumeur, aurait été commandité par Renaissance Touraine. Selon la version officielle, les macronistes entendaient ainsi se poser en juges de paix à droite en soutenant le candidat objectivement le mieux placé, initiant une irrésistible dynamique unitaire. Sauf que, pas de chance, toutes les personnalités de droite testées obtenaient un score équivalent, personne n’émergeant véritablement… Retour à la case départ, donc.
Où ira l’investiture macroniste ?
Mais là, patatras ! Alors que le sondage encore tiède n’avait pas encore été rendu public, il a mystérieusement fuité dans la presse locale mi-octobre, sous un angle qui permettait à Christophe Bouchet de se pousser du col. Réagissant à cette séquence assez lunaire, un très bon connaisseur du milieu politique local qui dispose de contacts dans le microcosme parisien assure : « C’est Bouchet qui a commandé le sondage Ifop en fait. Attal avait demandé à ce qu’il y ait un candidat Renaissance à Tours mais il a vite compris qu’il n’y avait personne. Il s’est dit qu’il fallait prendre Bouchet qui, au vu des dernières élections municipales, avait fait un score solide au premier tour. Les responsables locaux de Renaissance n’étaient d’ailleurs même pas au courant. Renaissance a appelé Bouchet pour lui dire que s’il était intéressé par l’investiture, c’était ok. Bouchet a dit que oui sauf qu’il avait déjà commandé le sondage et Renaissance a dit qu’il ne fallait absolument pas payer et que c’était le parti qui allait donner l’argent car sinon cela aurait posé problème pour le futur compte de campagne. Renaissance a alors demandé de rajouter trois questions, d’où le sondage en deux parties paru dans la presse. Le paiement a été fait au dernier moment et Bouchet aura l’investiture, même si ce n’est pas encore officiel ».
Intox de dernière minute ? Promesse qui n’engage que celui qui la croit ? Difficile à savoir. Mais en tout cas, j’ai pu me procurer le document de l’Ifop et l’hypothèse d’une investiture Renaissance pour Bouchet est bien évaluée, ainsi que celle d’une figure historique du macronisme tourangeau, Fabienne Colboc. Sollicitée, cette dernière n’a d’ailleurs pas souhaité faire de commentaires.
De son côté, Benoist Pierre, un peu vexé de ne pas avoir été testé par l’Ifop, y est allé de son sondage auprès de l’institut Cluster 17, rajoutant en réalité à la confusion ambiante. Car, quel que soit le candidat tête de liste – et y compris Benoist Pierre, donc –, l’union de la droite est donnée aux alentours des 40% au premier tour.
Du rififi chez les ténors #2 : Henri Alfandari
Du côté du candidat Horizons, pour l’instant encore député de Loches, la dynamique peine à s’enclencher. Il est vrai que les moqueries dans la presse et les réseaux au sujet de son parachutage à Tours, les défections estivales dans son équipe et l’impopularité de ses prises de position à l’Assemblée (loi Duplomb, opposition à la suspension de la réforme des retraites…) ont entamé le début de campagne d’Alfandari, malgré les moyens financiers conséquents déjà engagés.
Pour rester dans la partie, l’héritier des cliniques Saint-Gatien a donc demandé à ses collaborateurs d’user de leurs réseaux pour faire un discret travail d’influence. Ainsi, Thibault Coulon, un ex-LR d’excellent aloi qui gravite dans les milieux d’affaires et les cercles catholiques conservateurs, aurait été dépêché pour tenter d’obtenir le soutien de LR. Car c’est un proche de Coulon, le « retailleauïste » Brice Droineau, qui a été chargé par les Républicains de proposer à la commission d’investiture nationale le nom de la tête de liste du parti à Tours. Et entre des militants LR partis chez Bouchet avant la décision officielle, un Droineau qui ne sera de toute évidence pas candidat lui-même et un Olivier Lebreton qui souffre de sa proximité avec le baron local Philippe Briand, trop « wauquieziste » au goût de la direction parisienne, qui sait ? Peut-être qu’Alfandari pourrait créer la surprise et tirer son épingle du jeu du flou qui règne actuellement.
Le mentaliste
Un cadre LR de premier plan commente à ce sujet : « Alfandari et Droineau s’affichent pas mal en ville en ce moment, c’est vrai. Le cœur de Droineau n’est pas pour Alfandari, mais Coulon est plus fort que son cœur et l’entraîne dans cette direction-là. Et quand Coulon dit quelque chose, ses fans le suivent toujours. Toujours. C’est une règle d’or qu’il faut bien avoir à l’esprit. Même si par ailleurs il n’est pas sympa avec eux, il y a une sorte d’emprise à l’œuvre. C’est assez fascinant à suivre ».
L’opération-séduction de Droineau comprenait également une sympathique visite du Palais du Luxembourg organisée par le sénateur tourangeau Horizons Vincent Louault et le partage d’une gerbe de fleurs avec Henri Alfandari lors des commémorations du 11 novembre. Commémorations lors desquelles Droineau a plastronné à qui voulait l’entendre qu’il y aurait bel et bien une candidature unique à droite… Suspense, suspense.
Du rififi chez les ténors #3 : Olivier Lebreton
Quid, donc, du cas du LR Olivier Lebreton, très droitier ancien adjoint à la sécurité de Christophe Bouchet ? Sa campagne qui avait pourtant commencé sur les chapeaux de roue avec la sortie de son livre « Itinéraire d’un homme libre » semble un peu ralentie pour l’instant, suspendue aux investitures qui vont bientôt tomber depuis Paris.
Dans l’attente, M. Lebreton continue tout de même la tournée des plateaux et a même décroché une bien sympathique interview sur le magazine très très très à droite, Valeurs actuelles. Il a pu y dérouler son discours favori, blagounette en prime : « Tours était réputée, contrairement à Rennes, Nantes, ou encore Grenoble pour être une ville plutôt calme. Comme dans toutes les grandes villes de France depuis quelques années, la délinquance a explosé et la sécurité s’est dégradée. Sauf que le choc est particulièrement brutal chez nous, car nous étions connus pour être une ville très apaisée (…) La décision d’Emmanuel Denis de supprimer l’éclairage nocturne pour préserver le bien-être des chauves-souris, a donné lieu à une multiplication d’agressions la nuit. Je n’ai rien contre les chauves-souris mais je préfère que les Tourangeaux soient en sécurité ».
Mais en réalité et comme souvent, les chiffres démentent les déclarations de M. Lebreton. Non, Tours n’est pas devenue une sorte de Medellin-sur-Loire à feu et à sang, comparée aux villes de même strate. Et non, il n’y a pas sur ces dix dernières années de dynamique de la délinquance spécifiquement imputable à l’ancienne majorité de droite ou à l’équipe actuelle. Sans même parler de la question de l’interprétation des statistiques de sécurité quand on considère les années de Covid et de confinement, peu criminogènes.
Make Tours Great Again
Une très bonne connaisseuse de ces questions commente, amusée : « Les seules statistiques à disposition sont celles de la Police nationale sur les premiers quartiers éteints. Elles montrent au pire une stagnation et au mieux une petite amélioration après extinction des lumières. Mais il n’y a pas de travail systématique sur le sujet. Ce que l’on sait, c’est que le principal des actes de délinquance ont lieu le jour… Il y a une logique imparable : quand tu veux agresser quelqu’un, il vaut mieux savoir à qui tu as affaire et il vaut mieux être sûr de son environnement – est-ce qu’il y a quelqu’un dans le coin ou pas ? –. Quand on veut cambrioler, il vaut mieux le faire en plein jour, les gens sont plus souvent absents de chez eux que la nuit… et si on veut défoncer une serrure on se fait moins repérer quand il fait jour ou quand on est sous un lampadaire que quand on s’éclaire avec une lampe de poche… tous les policiers savent ça mais pas Lebreton… on ne parle même pas des rassemblements bruyants la nuit… on imagine mal qu’ils aient lieu dans le noir ! Si on voulait calmer le vieux Tours on éteindrait à 23h et, tout le monde au lit. Le principal danger des rues éteintes, c’est l’état des trottoirs qui n’est pas nickel et qui peut générer des chutes… Et la peur du noir que chacun peut ressentir plus ou moins fortement ».
Pourquoi prendre le risque de raconter de telles fables publiquement alors ? C’est encore Olivier Lebreton qui répond le mieux à cette interrogation : « Il n’y aura pas d’union avec le RN. La droite au niveau national a déçu, donc c’est à nous de convaincre les électeurs en local que nous sommes le vote utile ». En effet, c’est plus clair maintenant : un « trumpisme » à la tourangelle est donc la bonne stratégie pour siphonner avantageusement le vote RN et faire gagner la mairie à la droite dure.
Comme à l’échelle nationale, il se pourrait bien que la campagne des municipales à Tours prenne la forme d’une course à l’échalote sur les fourneaux de Le Pen/Bardella. Et bon appétit bien sûr.
Plus d’infos autrement :
Campagne des municipales à Tours : priorité au projet ou à la candidature ?