Puisqu’il s’agit d’une enquête, Justiciné a profité de la sortie de Vie privée, de Rebecca Zlotowski, pour en faire son ouverture. Sauf que là, pas question de police. Mais d’une psy prise dans les affres de son métier à cause du décès d’une de ses patientes. Un film d’acteurs brillants d’une facture soignée. Agréable, pas inoubliable.

Jodie Foster en Lilian, une psychanalyste parisienne. Capture trailer Ad Vitam
Par Bernard Cassat.
L’enquête est bien sûr très différente de celles de la police. Lilian, américaine d’origine, rencontre, en fin de carrière, des échecs profonds. Persuadée que la mort de sa patiente Paula est un assassinat, elle cherche des indices pour découvrir la vérité de cette mort. Mais le dédale de sa vie l’amène chez une voyante, elle, la psy enfermée dans la rigidité de la parole du maître Freud ! Cette femme lui fait voir des choses incroyables sur elle-même, qu’elle croit, évidemment, et qui la font vaciller. Elle ouvre des portes de la perception, et court sur l’air connu des Doors.
Les images sont tout à fait dans la lignée des comédies américaines. Une photo soignée comme une revue de luxe au papier glacé. L’intérieur de l’appartement-cabinet est typique : beaux objets, confort, espace, immeuble grand bourgeois. Tout y est. Beaucoup de gros plans, sur les visages évidemment, mais aussi sur les objets, avec toujours (on est chez les psys) des miroirs ou des vitres, des reflets qui donnent une profondeur.

Lilian et son ex joué par Daniel Auteuil. Photo George Le Chaptois.
En plus, le rabibochage de Lilian avec son mari est aussi tout à fait dans la veine des comédies américaines. La reprise de leur relation prend de plus en plus d’importance dans le scénario. Gabriel se glisse dans le lit de son ex et aussi dans son « enquête ». Qui frise le voyeurisme, la violation de domicile et la confrontation violente. Pour finir sur un pétard mouillé. Le scénario dans son déroulement n’est qu’une grande digression d’un soupçon totalement rêvé. Mais les rêves, chez les psys, sont un chemin à suivre.

Dans son cabinet. Photo Jérôme Prébois.
En plus de la très belle photographie, Rebecca Zlotowski a rassemblé un casting de haut vol. Jodie Foster en psy rigide et perdue, pleurant comme un patient submergé par une réaction psychosomatique, est très crédible dans ce rôle. Cassante à souhait, incapable de se remettre en cause, elle mène le film avec énergie, ses yeux bleus qui pleurent beaucoup, interrogeant le spectateur dans de très gros plans répétitifs. Daniel Auteuil, son mari Gabriel dans l’histoire, ophtalmo (puisqu’elle pleure, ou vice-versa) bon vivant et casanier, tient ce second rôle avec enthousiasme. Leur fils Vincent Lacoste, toujours aussi présent à l’image, fait face à une mère distante et parfois plus que ça. Et même les petits rôles sont magnifiquement incarnés. Mathieu Amalric en mari éploré, empâté mais toujours aussi nerveux, s’amuse beaucoup à jouer le provocateur. Sophie Guillemin est une magnifique voyante, et Noam Morgensztern, qui fait le lien entre psychanalyse et voyance, est incroyable.

Lilian enquête. Capture trailer Ad Vitam.
Ce ballet d’acteurs brillants donne du piquant au scénario par ailleurs assez peu inventif. Là encore, comme toute comédie, le film se construit sur peu de choses. Heureusement, il y a de l’ironie. Lilian voit son fils en nazi, la voyante félicite la psy pour sa sensibilité au monde caché. Et même la conclusion, qui « libère » totalement Lilian, ironise sur l’importance de dire les choses, comme Lilian le fait avec son fils. Vie privée navigue sur les clichés, s’amuse de leurs banalités et de leurs contradictions. Avec son humour discret, presque involontaire, il reste un film mineur mais agréable.
Un enquêteur est venu expliquer son métier
Puisque chaque film de Justiciné est présenté ou commenté, un major de gendarmerie, chef d’une section de recherche, est venu expliquer les enquêtes policières. Il a d’abord fait état de l’organisation des forces de gendarmerie, expliquant qu’elles étaient les premières sur le terrain, parfois relayées par la police judiciaire dans les cas importants. Et toujours sous le contrôle d’un procureur ou d’un juge d’instruction. Toutes les équipes respectent à la lettre le code de procédure pénale, la bible des enquêteurs. De nombreux moyens peuvent être mis à leur disposition : hélicoptères, chiens, plongeurs… Et des spécialistes dans le domaine scientifique, sans parler des légistes.
Le Major, après avoir cité des exemples précis, a expliqué la difficulté de résister à la compassion avec les victimes. Il a raconté comment à la fin d’une enquête, il s’était rendu seul sur les lieux de l’affaire et avait rendu hommage à la victime. Pour être en paix avec lui-même par rapport à la violence.
Suite de Justiciné : programme et billetterie ici.
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