François Alu : premier danseur de l’Opéra de Paris revient à Bourges

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Ce garçon n’a que 21 ans. Premier danseur de l’Opéra de Paris, François Alu a déjà une carrière que son âge semble démentir. Originaire de Fussy, dans le Cher, il part, enfant, étudier la danse à Paris. Il en revient aujourd’hui pour présenter sa première création au Palais d’Auron à Bourges. Rencontre avec un garçon au caractère bien trempé, passionné, investi et d’une belle franchise.

Vous revenez à Bourges, votre terre natale, pour présenter votre première création. Pourquoi ?

François Alu: J’ai eu envie de développer mes propres versions chorégraphiques de classiques. Et, si les danseurs ont toujours des propositions de galas à l’international, je pense que nous avons aussi une mission, celle de défendre notre art dans les provinces. Alors, quand j’ai eu cette idée de spectacle, j’ai immédiatement pensé à ma ville natale.

Qu’avez-vous mis en scène ?

Le concept est né de mon expérience personnelle. On m’a souvent demandé de danser les classiques tels qu’ils ont été écrits… et ça ne me convient pas. Pour moi, les danseurs ne sont pas des exécutants mais des interprètes. Amener notre créativité enrichit l’œuvre. C’est sur ce principe que j’ai travaillé sur ce spectacle. Nous allons danser sur des classiques mais en apportant quelque chose de nouveau. J’ai notamment voulu intégré un panel de danses différentes. Il n’y aura pas que du classique, mais aussi du contemporain, ou du hip-hop. J’ai envie d’aller à l’encontre de cette tendance à catégoriser. Aujourd’hui, le classique ne se danse plus comme dans les années 90, il s’inspire beaucoup du contemporain, qui lui a apporté la notion de texture, mais aussi du hip-hop pour le phrasé musical.

Vous avez envie de dynamiter les codes du classique…

Pour moi, le classique n’est pas quelque chose de désuet. Mais il doit continuer d’évoluer. J’aimerais que le collant devienne un pantalon, toujours près du corps pour garder les lignes, mais ne plus être aussi serré de partout… La qualité de mouvement aussi doit continuer à évoluer. Pour moi, il y a dix mille façons de faire un même mouvement, on doit pouvoir les interpréter.

Vos prises de position doivent être sources de conflits…

Quand c’est le cas, je pense qu’il s’agit surtout de conflits générationnels et cela se règle par le dialogue. Mais je ne peux pas aller contre ma morale. Quand je suis sur scène, je vends mon travail aux gens, je signe ma prestation, j’en prends l’entière responsabilité. Alors, je me dois de proposer quelque chose que j’estime être cohérent. À l’opéra, les places sont hors de prix, je ne peux donc pas aller sur scène en me disant que je suis la marionnette de quelqu’un.

Vous avez toujours eu ce caractère rebelle ?

À mes débuts, j’étais beaucoup plus docile. Depuis, je sais quel artiste je suis. J’ai encore beaucoup à apprendre mais je vois où j’ai envie d’aller… Et je n’ai vraiment pas envie qu’on me dicte les choses.

Est-ce votre mère, votre premier professeur, qui vous a transmis cet esprit ?

Non, du tout ! Ma mère m’a vraiment enseigné la danse. C’est un très bon professeur. Je pense qu’elle a même le niveau pour être professeur dans une grande école de danse… et je ne le dis pas parce que c’est ma mère ! C’est une personne très humaine, altruiste, compétente et dédiée. Elle peut passer des journées entières dans le studio à créer, à chorégraphier. Je lui ai souvent dit qu’elle en faisait trop. Mais ses conseils sont très justes, elle s’adapte à chaque enfant, fait du cas par cas, s’adapte aux limites. Il arrive encore qu’elle me donne des conseils très pertinents, que je prends avec beaucoup d’humilité.

Votre ascension a été fulgurante, comment l’expliquez-vous ?

Petit, tous les week-ends, j’étais sur Youtube à regarder des vidéos. Je mettais Le Corsaire, Don Quichotte et je faisais les sauts, les tours, sur le carrelage devant la télé. Ce qui n’était pas très malin d’ailleurs. En tout cas, j’ai beaucoup travaillé, beaucoup pratiqué. On dit que je suis doué… ça me fait un peu rire. C’est un peu comme un élève qui réussit à l’école en travaillant, à qui l’ont dit que c’est normal parce qu’il est intelligent. Moi, je n’étais pas un élève très studieux mais je passais 90% de mon temps à faire de la danse.

Merci Youtube ?

Merci Youtube ! Moi qui n’avais pas la chance d’aller voir des spectacles tout le temps, à Paris ou ailleurs, j’ai voyagé avec internet. Je regardais tout ce qui se faisait. Je connais toujours par cœur les dialogues des documentaires que je regardais, c’est dire.

Pourquoi le classique alors ?

Le classique, c’est à cause de Patrick Dupont. Un danseur hors du rang, complètement atypique, qui bondissait partout, faisait des triples tours dans tous les sens… Un chien fou. Quand je l’ai vu, j’ai su que je voulais faire ça… et ma mère m’a dit que c’était de la danse classique. Elle avait déjà essayé de m’apprendre mais je n’aimais pas la musique, j’étais le seul garçon, on ne faisait que de la barre… Moi, je voulais sauter et faire des pirouettes ! Alors elle m’a fait essayer le modern jazz et j’ai adoré. Mais après ma découverte de Patrick Dupont, j’ai pris mon mal en patience et j’ai relevé le pari.

Vous semblez vouloir aller plus loin que la danse…

Je serais ravi de jouer au théâtre, au cinéma, d’expérimenter d’autres choses. J’ai envie de goûter à tout. J’ai déjà passé une audition pour un film qui s’est bien passée mais le tournage était prévu entre janvier et mars, cette année, une période déjà très chargée pour moi. Ça ne veut pas dire qu’ils m’auraient choisi pour autant ! Mais j’aimerais tenter l’expérience.

Vous avez été élu « Homme le plus sexy de l’année » en décembre dernier par le magazine Têtu. Cette médiatisation vous a surpris ?

Je suis hyper content d’avoir fait cette couverture. Je trouve ça génial qu’un hétéro soit en couverture d’un magazine gay parce que, c’est bête à dire, mais nous sommes tous frères. Je suis ravi de défendre la cause gay, je n’ai aucun problème avec ma sexualité et je trouve ça stupide d’agresser les gens pour ça. En plus, j’adore faire des photos. J’ai déjà pu faire plusieurs séances, notamment avec un ami photographe, Julien Benhamou, et c’est toujours un super moment.

Etre médiatisé est rare pour un danseur classique…

Je fais aussi ce métier pour rencontrer du monde, partager des expériences. Et puis, je veux contribuer à la médiatisation des danseurs. Montrer qu’au-delà de « Danse avec les stars » ou « Sexy Dance », il existe des artistes de qualité. Je rêve que les gens soient aussi fans des danseurs que de Zidane. Il faudra peut-être attendre 2650 mais je voudrais que ça arrive le plus vite possible car la danse abrite un vivier d’artistes incroyables et de gens passionnants. Je trouve dommage qu’on ne s’y intéresse pas.

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Propos recueillis par Elise Escoffier, pour Le Big Journal
Lire l’intégralité de l’interview sur www.lebigjournal.fr

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