
Pierre Orefice, créateur de Machines
Jusqu’à 1987, Nantes a construit de grands bateaux. Maintenant, sur les friches des anciens chantiers navals, la métropole des Pays de la Loire fait naviguer ses visiteurs sur les Machines de l’île. A la barre, un vieux loup de mer du théâtre de rue, Pierre Orefice, qui, à la demande de la ville, a peuplé l’île de Nantes depuis 2007. Pierre Orefice, c’est une de ces figures qui font l’exception culturelle des régions françaises.

Pierre Orefice ©CHB
Dans les années 2000, Nantes, avait déjà revisité sa délicieuse tour au fameux Petit Beurre LU. Avec ses chantiers navals, la ville avait encore d’autres biscuits pour enrichir le “Voyage à Nantes”, la marque de déambulation touristique et culturelle, éclectique, parfois un rien déjantée, dont les Machines sont aujourd’hui les figures de proue.
Loin de la capitale et de sa culture souvent élitiste, Pierre Orefice est de ceux qui ont créé la culture urbaine fabriquée en région. “Les Nantais étaient orphelins de leur passé maritime. Les chantiers navals, ils n’y venaient jamais, c’était une cicatrice au cœur de la ville” dit-il. Creusée par l’air marin, la cicatrice, à la pointe aval de l’île, s’est changée en un univers de rêve maritime, peuplé de drôles de machines, avec ou sans fous volants, un lieu à la fois populaire et branché. Jules Verne, le Nantais visionnaire et Léonard de Vinci, le citoyen d’Amboise et ses géniales inventions, ne sont pas très loin.
“Un accélérateur de greffe urbaine”

Pierre Orefice devant le hangar-atelier
On rencontre Pierre Orefice, le père des machines et fabricant de cette ambiance poétique et onirique, derrière un improbable bureau, perché dans une coursive qui domine l’atelier de la compagnie Les Machines. Nous sommes dans la troisième grande nef, réhabilitée par Alexandre Chemetoff.
Ancien de Sciences po, Pierre Orefice, de 1985 à 1998, après une sérieuse bifurcation personnelle, fut le producteur et l’administrateur de Royale de Luxe. La compagnie qui révolutionna le théâtre de rue puis époustoufla le nouveau monde en commettant un génial anniversaire iconoclaste de la découverte des Amériques avec Mano Négro et le chorégraphe Philippe Decouflé. “On a été un accélérateur de greffe urbaine”, dit Pierre Orefice en parlant de cet univers des “Machines de l’île”, preuve que l’imagination peut donner une seconde vie à des ateliers où la vie n’était pas toujours rose, mais qui ont fait la fierté de la ville. Plus bas, dans le hangar-atelier, les équipes de l’Atelier des Machines greffent sur le dragon qui a fait un tabac en Chine, quelques nouveaux organes motorisés.
Et maintenant? Après le Carrousel des mondes marins et le Grand éléphant, la vedette de l’île, Pierre Orefice et son complice François Delarozière bâtissent l’arbre aux hérons un gigantesque projet d’architecture monumentale de 35 mètres de haut et de 35 millions d’euros, que les visiteurs parcourront de branche en branche. Rigueur oblige, Pierre Orefice cultive des subsides privés. Un financement participatif a même arrosé un peu l’arbre aux hérons. Si le budget n’est pas bouclé (il manque une vingtaine de millions), Pierre Orefice, la soixantaine, rendra son tablier. Mais Nantes, qu’il aura marquée de son empreinte, n’est pas prête, elle à se ranger des Machines.
Ch. B.