“Argument”, le corps de la révolte

Extérieur Nuit, il pleut.
La pièce de Pascal Rambert, créée au CDN d’Orléans, s’ouvre sur une scène dantesque: nous sommes au XIXième siècle, une femme menace de se suicider en se précipitant dans le vide d’une falaise, pour échapper à la jalousie délirante de son mari, drapier de son état. Ils ont fui Paris pour la province, car la Commune de Paris, ces 72 jours qui ensemencèrent la pensée révolutionnaire, terrorise le bourgeois mais ouvre un horizon de liberté à la femme asservie.

Intérieur Jour.
La violence verbale de ce mari agresse crescendo la pensée de la femme qui lit,  puis l’intimité de la femme qui rêve, et l’obsession de la tromperie, la volonté de tout contrôler, de tout posséder de ce mari à la folie ordinaire, tuera Annabelle par une sorte de “consummation” intérieure.

Extérieur Jour.
Et puis il y a l’enfant, enjeu et témoin continu d’un conflit qu’il scande de coups de clairon, de cris divers, puis de coups de feu, devenant soudain parricide, révolté muet par le sort de sa mère peut-être ? Ou est-ce par l’affirmation par son père, veuf éploré et repentant, de sa foi  dans la prochaine restauration, de celle du roi bien sûr, mais aussi d’une société immuable d’inégalités sociales comme sexuelles?

Ailleurs Lumière irréelle.
Comme sortie d’un tableau de Gustave Moreau ou de William Blake, la femme revient comme un spectre blanc enrubanné de son linceul, pour dévoiler son visage à l’homme médusé, et surtout appeler les “filles du futur” à continuer ce combat inlassablement recommencé contre la barbarie conjugale.

La puissance du jeu des deux comédiens, dans cet entrelacs de cris et de chuchotements, comme le dépouillement du dispositif, incarnent dans une sorte de corps oniriques cette folle révolte, comme si la Madame Bovary de Flaubert décidait non plus de prendre un amant pour passer le temps, mais d’exprimer la violence de son sort de femme dans une révolte immédiate et absolue.

Gérard Poitou

“Argument” de Pascal Rambert  2 h 15 mn

avec Annabelle: Marie Sophie Ferdane / Louis: Laurent Poitrenaux
CDN Théatre d’Orléans les 6, 7 et 8 janvier

http://www.cdn-orleans.com/2015-2016/

Commentaires

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  1. Il faudrait aussi parler des interventions amphigouriques de la voix off et d une logorrhée qui rend globalement l ecoute (a minima) pénible. D une manière générale se pose la question ” est ce que le théâtre contemporain suit la pente de l art conceptuel c est à dire le divorce avec les “amateurs ” au bénéfice d un entre soi irrigué par du sang de navet. Pour se rendre compte de l apauvrissement de l art des pays dits riches voir l expo Beauté Congo (qui se termine)

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