La francophonie a commencé à donner de la Voix vendredi en fin de journée à l’hôtel Dupanloup d’Orléans. Pour une fois que ce beau lieu rénové à grand frais (13 millions d’euros quand même) sort de sa vocation ordinaire de colloques universitaires en petit comité savant, on ne peut que s’en réjouir. Mais soyons lucide, pour l’ouverture des Voix d’Orléans, le “grand public” ne s’est pas précipité à cette manifestation qui réunit 35 intellectuels et artistes francophones. La ville s’est appuyée sur le tissu associatif qui a fait l’essentiel, avec les élus et le corps enseignant, des deux cents personnes qui ont ouvert les Voix.

Le banquet des mots.
Olivier Carré, le maire d’Orléans, lyrique l’a redit à ces participants qui vont essuyer les plâtres deux jours durant, les Voix se veulent “un espace de liberté, de partage, de lucidité et de bienveillance sur notre monde“.
La France, on le voit, est dans le viseurs de tous les fondamentalismes. Alors la francophonie se veut, comme l’a dit Emmanuel Kherad, le “Monsieur loyal” de la première soirée, “notre dernier rempart face aux fondamentalistes”. Pourquoi les Voix d’Orléans imaginées après les terribles attentats de 2015, “parce que nous avons tous une responsabilité. Celle de combattre les idées de toutes sortes qui flattent les instincts collectifs pour museler les destins individuels. Et nous avons chacun une arme : la langue française, parce qu’elle est la matrice de la diversité culturelle  acceptée, et qu’elle sait mobiliser les consciences du monde entier. Dans ce monde clair-obscur, chacun d’entre vous est une sentinelle.” a dit Olivier Carré.
acceptée, et qu’elle sait mobiliser les consciences du monde entier. Dans ce monde clair-obscur, chacun d’entre vous est une sentinelle.” a dit Olivier Carré.
L’occident ébranlé par les fanatismes doit aussi battre sa coulpe, “Nous sommes au moment où tout ce qui a servi de modèle pour bâtir les démocraties libérales depuis Montesquieu, Diderot, Condorcet est pris pour cible par ceux qui voient l’Occident se repaître de ses acquis et oublier que sa force venait de sa subversion. Sans doute parce qu’Il a oublié la recommandation de Kant de toujours, toujours, être en capacité de se critiquer”..
La voix de l’occident est restée muette
Le mercantilisme a pris le pas sur la mission messianique des soldats de l’an II. L’Occident ne s’est pas démultiplié ; il s’est cloné, souvent au mépris des cultures originelles des peuples. Il était une promesse. Il a désespéré. Il devait libérer les consciences. Il les a trop souvent achetées.
Bataille des marchés, Bataille des idées. L’Occident a gagné l’une mais semble avoir perdu l’autre. La Voix de l’Occident est restée muette là où elle était attendue.”.

Olivier Carré a ouvert les Voix d’Orléans.
Et puis il y a les femmes que l’obscurantisme veut enfermer dans des carcans. Elles constituent leur talon d’Achille et seront, avec la francophonie, le fil rouge de ces deux journées. ” Comment le monde pense t-il les femmes, comment les femmes pensent-elles le monde”, c’est autour de ces deux questionnement que tourneront débats, ateliers et tables rondes.
Le Français en partage
Alors Henriette Walter,une linguiste originaire de Sfax (Tunisie), enseignante à l’Ecole pratique des hautes études, auteur d’une vingtaine d’ouvrages sur la prononciation et le lexique du Français, a lancé les hostilités francophones avec truculence sur le thème de “la langue française en partage”.

Henriette Walter.
Aux puristes qui veulent figer la langue sous la cloche de l’orthographe et du bon accent, Henriette Walter a sorti un florilège, d’une part des origines parfois exotiques de nos mots d’aujourd’hui, comme coton et magasin  qui viennent de l’Arabe, Tram et boulanger du flamand, tohu-bohu,  de l’Hébreux.
D’autre part, de ces beaux mots et expression qui baguenaudent suivant les régions de la francophonie, ces endives qui deviennent chicons dans le nord, ces sacs à Paris qui muent en poches dans le sud-ouest en cornets en Provence, cette “roue libre” qui signifie faire du stop en Haïti. Quant aux accents, “c’est un peu le pays qui vous suit, invisible bagage”.
Le Français se créolise
Faut-il avoir peur de l’Anglais, avant-garde affichée de l’impérialisme économique anglo-saxon? En tous cas pour Henriette Walter, ces mots anglais qui nous reviennent de nos jour, comme “challenge” par exemple, sont ceux qu’ils nous avaient piqué au 18 ème. “Le Français se créolise, c’est le propre d’une langue”. 

Le banquet des mots.
Un peu  plus tard, à l’heure de l’apéro, les Voix d’Orléans ont proposé autour d’un table, un “banquet des mots”. De magnifiques poèmes venus de tous les coins de la francophonie, en particulier de Syrie  et qui ont pris un accent particulier avec la guerre qui martyrise ce pays, et ont été dit avec bonheur par quatre belles voix de femmes, celles de Morgane Lombard, Laurence Kervokian, Adèle Bernier et Valérie Anne. De très beaux moments de langue française et de voix, que les privilégiés du banquet ont écouté dans un silence religieux qui disait bien la qualité de ces instants.
Les Rendez-vous de l’histoire font chaque année converger toute l’intelligentsia vers la Halle aux Grains à Blois Orléans ambitionne clairement de faire de ses Voix un rendez-vous intelligent et francophone incontournable. Reste à trouver pour la prochaine fois un “Macron de la francophonie” capable de déplacer toutes les foules et de mettre cette manifestation sur la bonne voie.
Ch.B