Que l’on me comprenne bien et que l’on ne vienne pas me chercher de fausses querelles. Je plains sincèrement et de tout cœur Jacqueline Sauvage pour le martyre enduré toutes ces années aux mains d’un salaud, heureux pour elle qu’elle ait été rendue à sa famille. Je ne suis pas non plus contre le principe d’une grâce présidentielle. Quand quelque chose
bloque, il est bon parfois que puisse être donnée la pichenette qui débloquera la situation.
par Gérard Hocmard
C’est d’un coup de pied au bon moment que Robert Dhéry faisait repartir sa « détubeuse » dans La Belle Américaine et c’est ce que nous faisons tous lorsque nous éteignons et rallumons l’ordinateur qui a bugué.
Ce qui me gêne dans la grâce totale accordée à Jacqueline Sauvage, c’est qu’elle intervienne après deux jugements prononcés en leur âme et conscience au nom du peuple français par des spécialistes du droit, qui ont probablement regretté en leur for intérieur la peine qu’ils allaient infliger mais qui ne pouvaient rien faire d’autre que d’appliquer les dispositions prévues par un code pour refuser la libération. Pour la loi, un assassinat est un assassinat quelles que soient les circonstances particulièrement atténuantes et quelque compassion que l’on puisse avoir pour la victime qui soudain voit rouge. Il m’inquiète pour la démocratie qu’une pétition, fût-elle massive, l’emporte sur la mise en forme par écrit de principes et de règles validées par une Constitution. Quant à l’interprétation de la libération de Jacqueline Sauvage comme une victoire des droits des femmes, elle est obscène et relève de la récupération.
Il y avait beaucoup d’affectivité en jeu dans l’affaire et qui dit affectivité dit possibilité de manipulation. C’est bien ce qui est inquiétant dans ces campagnes de réseaux sociaux qui exigent votre signature pour les causes les plus diverses, des plus graves aux plus futiles. Ces campagnes ont valeur d’alerte, certes, mais elles posent implicitement que la masse est plus compétente que les spécialistes et que la pression de la rue virtuelle peut faire céder les autorités et dévier le fonctionnement des institutions. Ce qui est remis en cause est la démocratie représentative au profit d’une démocratie directe susceptible de succomber à toutes les voix de sirène qui chantent à proximité. Souhaitons que les décideurs élus pour assurer le bon fonctionnement des règles en place gardent longtemps la tête froide et ne cèdent pas aux mesures démagogiques destinées à leur assurer ou à leur redonner une popularité aux dépens de la stabilité des institutions et du règne de la loi.
Gérard Hocmard