Petites reines de Kaboul : never without my dad !

Mohamed et ses filles.

Nous avons beaucoup évoqué dans MagCentre l’histoire des petites reines de Kaboul, ces jeunes femmes afghanes qui ont décidé de lutter contre les tabous d’une société patriarcale et profondément conservatrice en pratiquant le cyclisme de compétition. Au fil du temps et alors que grandissait leur notoriété, les menaces se faisaient de plus en plus pressante pour Masomah et Zahra, menace pour leur sécurité mais aussi menaces de mariage forcé brandies par leur communauté. Ce qui les a conduites à demander un visa d’asile à la France pour toute leur famille. Après un premier refus du ministère de l’intérieur, la saisine de la commission de recours, des interventions parlementaires et la diffusion de cette affaire dans les médias, nous avions été informés par mail du 8 mars 2017 (la date ne peut être un hasard) que finalement la décision était rapportée et que la famille allait obtenir ses visas. MagCentre en a rendu compte mais quelques jours plus tard un revirement de situation est venu perturber une joie partagée, le consulat de France à Kaboul n’avait pas reçu d’autorisation pour le père de famille Mohammad Ali.

Lorsque j’en ai informé Masomah Alizada, sa réaction a été immédiate : « notre père a été notre plus grand soutien au cours de toutes ces années, il est hors de question que nous l’abandonnions. Never without my dad ! » (“Jamais sans mon papa !”)

Parfois dans la lutte pour les droits des femmes, il y a un homme, un père, un frère, qui les aide à franchir les barrières de genre. Des héros de l’ombre du féminisme. Mohammad Ali l’Afghan, est un de ces hommes. Il a produit un récit dans sa langue native destiné aux officiers de l’OFPRA.. Nous l’avons fait traduire.

“En 1998, lorsque les Talibans ont pris le contrôle de notre région, comme mon frère était commandant de région et qu’il leur faisait la guerre, ma famille et moi avons dû fuir vers l’Iran en pleine nuit, face au risque d’être tués par les Talibans.

En Iran, malgré les nombreuses difficultés qu’implique le statut d’exilé, nous avons vécu 9 ans, mais sans pouvoir obtenir la carte d’exilés qui nous aurait permis d’avoir une vie meilleure.

De ce fait nous craignions continuellement d’être découverts par la police iranienne et renvoyés en Afghanistan. J’étais obligé de partir travailler très tôt et de rentrer tard dans la nuit. Père de 5 enfants, j’étais seul à subvenir à nos besoins. Sans papiers, mes enfants ne pouvaient pas aller à l’école officielle et j’ai dû les mettre dans une école afghane non officielle qui n’allait que jusqu’à la 5e (7e année), ce qui fait qu’ils ne pouvaient pas poursuivre leurs études.

Nous sommes donc rentrés en Afghanistan.

Je ne suis pas instruit, mais j’ai l’esprit ouvert en ce qui concerne les droits des femmes, et je voulais que les femmes cessent d’être une classe d’opprimées ; j’ai commencé par ma famille. Mon fils, à cause des problèmes, n’a pas pu poursuivre les études, mais j’ai fait le maximum pour que mes filles le fassent.

J’ai appris à mes filles à monter à bicyclette en Iran, tout en sachant que c’était le sport le plus dangereux et que ma famille est très conservatrice. En autorisant mes filles à faire du vélo, je m’exposais à la vindicte de mes frères et des anciens de la communauté. Je serai méprisé, insulté et peut-être banni. Mais je voulais accomplir cette révolution et donner un exemple aux autres parents afin de les encourager à autoriser leurs filles à faire du vélo ; je voulais promouvoir le cyclisme en Afghanistan afin que les filles comme les garçons puissent utiliser librement le vélo comme moyen de locomotion ou comme sport. En effet, beaucoup de femmes afghanes sont exposées à toutes sortes de maladies parce qu’elles ne peuvent pratiquer aucune activité sportive. Elles ont un rôle vital dans le progrès de la société, et si elles allaient mieux, nous aurions moins de problèmes sécuritaires, économiques, sociaux etc.

C’est aussi pour cela que j’ai protégé et encouragé mes filles, pour qu’elles soient elles aussi des modèles et que par le cyclisme elles puissent jouer un rôle au service de la cause des femmes.

Mais plus mes filles progressaient et se faisaient connaître, plus la vie devenait difficile pour moi et ma famille. Mes frères et d’autres membres de la famille m’insultaient à chaque fois qu’ils me voyaient et essayaient de m’obliger à faire cesser la compétition à mes filles, mais je redoublais de vigilance pour les protéger et leur permettre de briller dans les courses nationales, ce qu’elles faisaient, au point que leur nom a été proposé pour le prix Nobel de la paix et que le cyclisme a progressé en Afghanistan. Mais ces avancées ont aussi accru les difficultés et ma famille a été en butte à toute sorte de vexations de la part des voisins. La vie quotidienne devenait très compliquée.

Quand mes filles ont se sont distinguées en France et ont ainsi accru leur popularité avec des apparitions à la télévision et sur les réseaux sociaux, leur mère et moi avons redoublé d’inquiétude. Un jour ne manquerait pas de venir où les opposants au sport féminin s’en prendraient à elles ; elles s’entraînaient sur des pistes loin de Kaboul, mais les Talibans et les partisans de Daech, informés par la télévision pourraient les attaquer, tandis que nous, leur famille, parce que nous autorisions Masomah et Zahra à lutter pour les droits des femmes, nous étions également menacés.

Il y a de surcroît les pressions exercées par mes frères qui veulent forcer mes filles au mariage et disent ne plus pouvoir supporter cette mauvaise réputation au sein de la communauté ; le mariage est selon eux le seul moyen d’en sortir.

Je ne veux pas que les efforts de mes filles soient vains, mais c’est vrai que toutes ces difficultés me barrent la route et que je ne vois pas d’autre solution que de quitter l’Afghanistan”.

Patrick Communal.

 Après de nouvelles interventions parlementaires auprès du cabinet de Bruno Leroux et quelques jours avant sa démission, Mohammad Ali a finalement reçu le précieux sésame qui va lui permettre d’accompagner ses filles en France dans le courant du mois d’avril.Une collecte est organisée pour participer aux frais du voyage, tous ceux et celles qui ont suivi avec sympathie l’histoire singulière de cette famille peuvent adresser un chèque même modeste de contribution.

Le chèque doit être libellé à l’ordre de Les petites reines de Kaboul et transmis à l’adresse suivante : Les Petites reines de Kaboul, 35 Rue Ronsard 59147 Gondecourt.

Commentaires

Toutes les réactions sous forme de commentaires sont soumises à validation de la rédaction de Magcentre avant leur publication sur le site. Conformément à l'article 10 du décret du 29 octobre 2009, les internautes peuvent signaler tout contenu illicite à l'adresse redaction@magcentre.fr qui s'engage à mettre en oeuvre les moyens nécessaires à la suppression des dits contenus.

Centre-Val de Loire
  • Aujourd'hui
    13°C
  • vendredi
    • matin 10°C
    • après midi 10°C
Copyright © MagCentre 2012-2025