En portant Olivier Faure à la tête du Parti socialiste, les militants, quelques 37 000, sont restés fidèles au dégagisme ambiant. Exit Emmanuel Maurel et Benoît Hamon, les frondeurs du précédent quinquennat. Si l’on ajoute à ces deux prétendants le faible score de Luc Carvounas (6,36%) c’est bien à la déroute du courant qui prônait un ancrage à gauche de la gauche contre le social-libéralisme que l’on a assisté. Exit Stéphane Le Foll qui avait endossé le bilan de François Hollande dont il fut le ministre de l’agriculture, arrivé en deuxième position mais loin derrière.
A l’issue du premier tour, la possible dynamique est donc du côté d’Olivier Faure qui prétend ou du moins souhaite incarner « la renaissance du parti socialiste à partir d’un double thème, une gauche responsable et la loyauté ». Certes l’enfant de Saran n’est pas un petit nouveau au PS. Il compte trente ans de militantisme et vingt ans de navigation au sein du parti puis de son groupe parlementaire à l’Assemblée. Mais il était dans l’ombre et pas un « éléphant » avec pignon sur la notoriété. Les coulisses étaient son domaine, le voilà sur le devant de la scène. Saura-t-il utiliser l’expérience acquise et en faire un atout pour « rassembler les énergies et redonner une âme » à un parti exsangue ?
Un chantier colossal
Le nouveau premier secrétaire ne doit pas se leurrer : il part de zéro. Ce qui reste des militants est désabusé et désorienté, les élus territoriaux sur lesquels le PS avait bâti et fondé sa puissance ont été décimés aux municipales de 2014, aux départementales de 2015, aux régionales de 2016 et aux législatives de 2017. Au total plus de 3000 élus ont ainsi été blackboulés. La résistance de 78 sénateurs élus ou réélus en septembre 2017 et la reconquête de son siège par le député PS Joël Aviragnet en Haute-Garonne, vieille terre socialiste, dimanche dernier ne sont que deux gouttes d’eau dans un océan d’indifférence.
Olivier Faure a devant lui un chantier colossal. Il parle de refondation à partir d’un « parti plate-forme, fabrique d’expérimentations, outil à l’écoute de ses adhérents ». Pour l’heure il prêche dans le désert. Cependant dans ce chemin dont l’issue est aventureuse, il bénéficie d’un atout non négligeable et totalement inédit chez les socialistes. Le verdict des urnes, la semaine dernière lui a donné un parti croupion mais homogène. Avec Stéphane Le Foll qui appartient au même courant Il dispose de 74% des voix et les frondeurs ont été sèchement battus. En réunissant les trois quarts des bulletins de vote, les frères siamois Faure-Le Foll disposent d’un vrai socle sur lequel s’appuyer pour une reconquête.
Le congrès d’Aubervilliers en Seine-Saint-Denis les 7 et 8 avril ne « sera pas encore celui du projet » a écrit Olivier Faure dans sa profession de foi mais l’occasion d’être entre soi et de commencer à envisager des bases pour l’avenir. Coincé entre Mélenchon et Macron, entre le tenant d’une démarche exclusive et non rassembleuse et un jacobin autoritaire, dans un contexte où un peu partout dans le monde la social-démocratie éprouve des difficultés, le parti socialiste, qu’il garde ce nom ou pas, va devoir s’avancer prudemment et pas à pas. Il lui faudra du temps pour devenir « une gauche à la fois de gouvernement et de transformation sociale ». Enfin s’il y arrive, l’avenir le dira.
Françoise Cariès